Mai 2013 /224

Un projet peut en cacher un autre

busLe projet du tram à Liège est entré maintenant dans la phase de demande de permis d’urbanisme (“demande de permis unique”) à la Région wallonne. Si l’ULg – comme toutes les forces vives liégeoises – soutient ce projet d’envergure dans la mesure où le tram est un mode de transport moins polluant, moins bruyant et plus confortable, elle s’inquiète cependant des conséquences indirectes qu’il va engendrer. Et tire la sonnette d’alarme : l’accessibilité du campus du Sart-Tilman – en l’état actuel du projet – ne sera pas améliorée. Rencontre sur ce sujet avec Jacques Teller, professeur d’urbanisme et d’aménagement du territoire au département Argenco (architecture, géologie, environnement et constructions).

Le 15e jour du mois : Le projet actuel du tram vous inquiète ?

Jacques Teller : Oui, car il va bouleverser la structure des lignes de bus actuelles. C’est normal, c’est toujours le cas, on l’a vu dans plusieurs villes françaises comme Strasbourg ou Nantes. C’est d’ailleurs aussi le moment opportun pour repenser de manière globale l’offre des transports en commun dans l’ensemble d’une agglomération. Le campus du Sart-Tilman (y compris le CHU et le Parc scientifique) – faut-il le rappeler ? – n’est pas facilement accessible, sauf en voiture. Au moment où l’ULg adopte une charte environnementale, au moment où elle fait des efforts pour la mobilité de ses étudiants (elle a investi dans la construction de nouveaux amphis au coeur de la ville), elle souhaite légitimement, me semble-t-il, que soit améliorée la desserte de ses différentes implantations. Force est de constater que la réorganisation des lignes de bus ne va pas dans ce sens. Or, pour l’Université, il s’agit d’un élément capital de son attractivité ! C’est la raison pour laquelle elle a demandé à plusieurs reprises d’être associée à l’évaluation des incidences sur l’environnement relative au projet du tram. Mais les autorités compétentes dissocient l’étude d’incidence du tram et celle de la réorganisation du réseau des bus…

Le 15e jour : Que reprochez-vous aux propositions actuelles ?

J.T. : Principalement d’avoir négligé les pôles d’enseignement supérieur dans la réorganisation du réseau des TEC. Pourtant, les Hautes Ecoles et l’Université constituent une clientèle très importante pour les transports en commun : près de 15 000 étudiants, 6500 membres du personnel et plus de 1000 visiteurs fréquentent quotidiennement le campus du Sart-Tilman et le CHU. Alors que la desserte des sites universitaires est une priorité dans la plupart des villes, ce n’est pas le cas, pour l’instant, à Liège.
Jugez-en : la ligne 48 devrait partir – lorsque la ligne de tram sera en place – de la gare des Guillemins plutôt que de la place Saint-Lambert. Remarquez qu’il n’y a pas encore d’engagement ferme des TEC Liège-Verviers sur ce point : il est également question d’interrompre le 48 à hauteur de la place Général Leman. Qui plus est, les autorités envisagent de diminuer la fréquence des bus sur cette ligne. Ceci va allonger le temps nécessaire pour atteindre le campus pour l’ensemble des usagers qui utilisent le train. Cette proposition me sidère. La SNCB a investi des millions dans sa gare TGV pour que la ville de Liège existe sur la scène internationale. L’Université participe grandement de cette attractivité; encore faut-il qu’il soit aisé pour un Parisien de descendre aux Guillemins pour rejoindre la faculté de Droit ou le CSL !
Autre sujet d’inquiétude : la ligne 58, qui relie actuellement le Sart-Tilman et le centre-ville, s’arrêterait désormais à Sclessin. Il faudrait ensuite prendre une correspondance pour rejoindre le centre-ville. Ce qui, à nouveau, allonge le temps de transport, sans véritable gain pour le campus. Quant à la (nouvelle) ligne 148, elle démarrerait du centre, par la place du 20-Août, pour monter vers le Sart-Tilman par la rive droite de la Meuse. Cette perspective – séduisante car les quartiers d’Outremeuse et du Longdoz sont actuellement très mal desservis – est cependant peu détaillée et nous ignorons le parcours exact des bus, le nombre d’arrêts prévus, leur fréquence, etc.

Le 15e jour : Y a-t-il encore une marge de manoeuvre ?

J.T. : Je l’espère. Le Service public de Wallonie vient de demander à l’ULg un avis sur l’octroi du permis unique. Nous avons rendu un rapport circonstancié au conseil d’administration avec quelques propositions essentielles*. D’une part, que soit maintenue la ligne 48 au départ de la gare ; d’autre part, que la ligne 58 soit connectée à la gare de bus de Jemeppe (nettement plus intéressante en matière de correspondances); enfin, que la ligne 148 puisse bénéficier d’un site propre sur les quais de la Dérivation afin de rejoindre rapidement le Sart-Tilman. Par ailleurs, nous insistons aussi dans notre note sur l’indispensable liaison rapide entre Marche-en-Famenne et le Sart-Tilman.

Propos recueillis par Patricia Janssens

* Note disponible sur le site www.ulg.ac.be/avistram à partir du 16 mai.

La présente interview du Pr Jacques Teller,  “Mobilité – un projet peut en cacher un autre” parue dans Le 15e Jour du mois de mai (n°224), a suscité une réaction du TEC. Elle est en ligne à l’adresse : www.le15ejour.ulg.ac.be/avistec
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