Décembre 2013 /229

Dormir pour la science ?

Une étude sur le sommeil cherche volontaires pour nuits blanches

DormirLa polysémie des adages ramène quelquefois à des interprétations plutôt terre à terre. Il n’est ainsi aucunement question de se faire gruger lorsque le Centre de recherches du cyclotron recrute 400 volontaires pour une étude qui pourrait faire sien le préambule suivant : “Donne-moi ta montre et je te donnerai l’heure”. A vrai dire, il s’agirait même a priori d’une bonne affaire puisque l’équipe de chronobiologie dans laquelle officie Gilles Vandewalle (chercheur qualifié au FNRS) rémunère 500 euros les volontaires qui voudront bien se prêter à une étude sur le sommeil, coupés de la notion de temps. Une aubaine pour les impécunieux puisque ce montant, considéré comme un dédommagement, est non taxable. Et cela, pour cinq à six jours de présence dans les locaux du service au Sart-Tilman, en plus d’une bonne hygiène de vie au cours des trois semaines précédant l’expérience. « Il s’agit de tests non invasifs, hormis une simple prise de sang et un prélèvement de salive. Nous souhaiterions toucher les personnes qui ne travaillent pas et pas uniquement des étudiants », postule le responsable de l’étude.

Mais en quoi consiste-t-elle concrètement ? « Il s’agit de comprendre les bases génétiques des différences de caractéristiques du sommeil et des performances à l’éveil. Certaines personnes ont en effet besoin de dormir davantage que d’autres, certaines peuvent résister sans problème à une nuit blanche et ces différences semblent avoir une base génétique. Lors d’une première étude publiée en 2009 dans The Journal of Neuroscience, nous avions isolé un gène “PERIOD 3” et réussi à montrer que, selon sa forme, le cerveau des individus résistait plus ou moins bien au manque de sommeil », explique Gilles Vandewalle.

L’étude de cette année s’inscrit dans la continuité de celle de 2009 et, pendant un an et demi, l’on recherche encore 200 volontaires*, soit un contingent quasiment équivalent au nombre de “cobayes” qui se sont déjà prêtés au jeu. C’est le cas de ce diplômé en sciences de gestion à l’air peu perturbé, que nous avons rencontré nonchalamment posé sur le lit d’une des petites chambres aménagées au B30. La tête branchée d’électrodes, il se sait de temps en temps surveillé par une caméra. Mais dans une époque marquée par les émissions de téléréalité, il n’y a pas de quoi se mettre la rate au court-bouillon à l’idée de toucher de temps en temps un ou deux téléspectateurs de l’équipe de recherche, dont l’intérêt n’est bien sûr pas d’ordre scénaristique. Et, évidemment, pas de voix équanime sortant d’un haut-parleur pour imposer des défis parlant à un neurone esseulé.

« Ce qui est juste un peu bizarre, c’est d’avoir deux électrodes collés sur le visage en plus de ceux qui sont branchés en permanence sur le crâne et de ne plus avoir la notion du temps. Au début, j’essayais toujours d’estimer. Mais maintenant, je m’en fiche. Et il y a plutôt une bonne ambiance avec les autres testeurs », résume l’étudiant anonyme, qui a accepté le “job” pour se faire un peu d’argent de poche. Si les montres, gsm, programmes TV en direct, internet et autres indicateurs de temps sont proscrits, l’on peut faire (presque) tout le reste : lire, regarder des films sur son ordinateur, jouer de la guitare et même étudier. Les repas sont évidemment fournis.

Concrètement, pour faire partie des nouveaux volontaires, les conditions sont les suivantes : être un homme âgé de 18 à 30 ans, d’ethnicité belge ou caucasienne avec une bonne hygiène de vie et sans antécédents médicaux graves et/ou psychiatriques diagnostiqués. Ne pas non plus fumer ou travailler de nuit et ne pas prendre de médicaments d’une façon chronique. Pour le reste, le protocole est clairement planté, avec quelques procédures itératives : « Nous vous demandons seulement votre collaboration, d’avoir un sommeil régulier durant trois semaines et d’accepter une privation de sommeil durant une quarantaine d’heures. Le reste est constitué d’examens de base – une IRM, une prise de sang – et de questionnaires sur PC ne présentant pas de difficultés particulières. » C’est pour faire avancer la science, dormez bien les petits !

Voir aussi la vidéo sur  UlgTV-Logo Sommeil-vid

* Pour répondre à cet appel à volontaires, envoyer un message à sommeil@ulg.ac.be. Une description de l’étude vous sera adressée.

Fabrice Terlonge
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