Janvier 2014 /230
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Albert Corhay

L'enseignement supérieur demain

CorhayAlbertAlbert Corhay est le premier vice-recteur de l’ULg depuis 2005. En tandem avec le recteur Bernard Rentier, il a notamment pris en charge les dossiers relatifs à l’enseignement. A l’aube d’une ère nouvelle qui sera placée sous le sceau du décret “Paysage” (publié au Moniteur le 18 décembre dernier), il a souhaité rencontrer Le 15e jour du mois.

Le 15e jour du mois : La réorganisation de l’Institut de formation et de recherche en enseignement supérieur (Ifres) est-elle achevée ?

Albert Corhay : Pratiquement. Désormais, l’Ifres regroupe dans un même bâtiment au Sart-Tilman (B63) le Système méthodologique d’aide à la réalisation de tests (Smart), le Centre de didactique supérieur (CDS), Formasup et la cellule “e-Campus” en charge de l’e-learning.

Cette réorganisation se double d’une réflexion sur la continuité dans la formation pédagogique. Entre les 30 heures de formation obligatoire et le master complémentaire en pédagogie universitaire Formasup (60 crédits), un trait d’union a été établi sous la forme du Cidépes, le Certificat interfacultaire en développement pédagogique en enseignement supérieur (8 crédits). Ce dernier vise prioritairement les nouveaux chargés de cours et a été conçu dans un format réaliste pour tenir compte de leur charge de travail et de leur projet personnel d’amélioration de la qualité de leurs enseignements. Avec l’équipe de l’Ifres présidé par le Pr Jean-Pierre Bourguignon, nous avons donc voulu organiser un continuum de développement pédagogique de façon à proposer à ceux qui le souhaitent un accompagnement ciblé, adapté à chaque situation et niveau d’expérience.

Par ailleurs, le projet “Evalens” – dispositif d’évaluation des enseignements qui sera bientôt en place – fait aussi partie des missions de l’Ifres. Mais que les choses soient claires : l’objectif est bien l’amélioration des cours. Evalens est un outil qui sera à la disposition des enseignants. En ce sens, je pense qu’il aurait été plus judicieux de l’appeler “Evolens” qui suggère l’évolution de l’enseignement plutôt que son évaluation.

Le 15e jour : Dans quelle mesure le nouveau décret va-t-il bouleverser l’Université ?

A.C. : Le décret “Paysage” du ministre Jean-Claude Marcourt qui concerne l’enseignement supérieur sera applicable dès la rentrée prochaine. Le Recteur se rendra d’ailleurs prochainement dans toutes les Facultés afin de présenter et d’expliquer le nouveau cadre juridique dans lequel l’Université devra s’inscrire.

Si l’on excepte la création de l’Académie de recherche et d’enseignement (Ares)*, le plus grand bouleversement concerne la constitution de “pôles académiques” (titre 2 du décret). Désormais, il y aura en Fédération Wallonie-Bruxelles cinq pôles qui regrouperont – selon une logique géographique – les universités, les hautes écoles, les écoles supérieures des arts (ESA) et celles de promotion sociale. Ainsi le décret a-t-il formé les pôles de Bruxelles, Louvain, Namur, le pôle du Hainaut et celui de Liège-Luxembourg.

Celui-ci comprendra six hautes écoles – la haute école Charlemagne, Schuman, Helmo, celle de la province de Liège, de la ville de Liège, et Henallux (sans compter la haute école de la communauté germanophone avec laquelle nous avons déjà tissé des liens) –, trois écoles supérieures des arts et 25 écoles de promotion sociale. Sans oublier notre forte présence dans le pôle namurois grâce à Gembloux Agro-Bio Tech.

L’ULg mène déjà des collaborations tangibles avec tous ces établissements : elle est notamment associée à la haute école de la ville de Liège dans la filière traduction et interprétation ; Gembloux Agro-Bio Tech est en cheville avec la haute école Charlemagne pour la formation d’architecte paysager, etc. Et dans le domaine de la recherche, je m’en voudrais de ne pas évoquer la belle réalisation du nano-satellite OUFTI-1, due à la collaboration des ingénieurs de Montefiore avec ceux d’Helmo et de la Haute Ecole de la Province.

Notre futur devra progressivement intégrer ce type de partenariats. Pour l’instant, c’est la formation des kinésithérapeutes qui nous mobilise. Avec la Haute Ecole Robert Schuman et celle de la Province, nous réfléchissons au programme de ce cursus qui, bientôt, s’étendra sur cinq ans (alors qu’il est structuré en quatre ans aujourd’hui). Un accord sur des codiplomations devrait bientôt aboutir. L’autre grand chantier sera celui de la formation des maîtres (instituteurs, régents) mais dans un avenir un peu plus lointain, semble-t-il.

Le 15e jour : Quel est le but recherché par la constitution des pôles académiques ?

A.C. : L’optimalisation du parcours des étudiants dans l’enseignement supérieur. L’objectif du décret est de leur fournir un service de meilleure qualité sur tous les plans : celui de l’information et de l’orientation, celui de l’encadrement en 1re année notamment, etc. Nos infrastructures pourraient être partagées de façon intelligente et nos ressources – les bibliothèques par exemple – mises en commun. Tous les étudiants du pôle devraient, à terme, pouvoir se servir des outils dont ils ont besoin, où qu’ils se trouvent.

La logique des pôles suppose aussi d’envisager des codiplomations, renforcer les “passerelles” à tous les étages, mettre en place des mesures de remédiation pour éviter les échecs, etc. Le parcours dans le supérieur doit être plus souple… et plus économe, in fine, pour la Fédération Wallonie-Bruxelles qui devra, tôt ou tard, s’occuper du refinancement ! Car, quelle est la situation actuelle ? Tous les établissements sont concurrents, directement ou indirectement, parce qu’ils sont financés selon le nombre d’inscrits mais dans des “enveloppes fermées“. Ne faudra-t-il pas, demain, transférer une partie de ce financement au pôle ? Cela éviterait une concurrence stérile en son sein.

Le 15e jour : Le décret impose aussi l’implosion de la traditionnelle année d’étude, ce qui va demander un réaménagement des cours dans chaque Faculté…

A.C. : Oui. L’urgence actuelle, c’est bien la mise en place du “titre 3” du décret, c’est-à-dire tout ce qui concerne le cursus de l’étudiant. Davantage que l’abaissement de la moyenne de 12 à 10, c’est le nouveau mode de progression qui va bousculer les habitudes car le concept d’année d’études va s’effacer. Désormais, dans les grandes lignes, l’étudiant pourra évoluer de manière plus personnelle en engrangeant les crédits à son rythme. L’idée est de valoriser la réussite des cours par l’obtention des crédits, tout en relativisant l’échec. Mais il faudra toujours obtenir 180 crédits pour décrocher un diplôme de bachelier.

Cela signifie que les Facultés doivent réfléchir à la construction des cursus, notamment en définissant les cours pré-requis à certaines matières et les cours co-requis, et ce dès la 1re année. Cette démarche sera aussi l’occasion pour les départements de reconsidérer leurs filières d’études et de réexaminer les cursus en misant notamment sur l’interdisciplinarité et l’excellence.

* L’Académie de recherche et d’enseignement (Ares) vise à réguler l’enseignement et la recherche dans toute la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Propos recueillis par Patricia Janssens
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