Avril 2014 /233

Jeanne Susplugas

Artiste “admise” à l’hôpital

SusplugasJeanne

En octobre 2012, le Musée en plein air du Sart-Tilman inaugurait le cycle “Artistes à l’hôpital” avec l’artiste belge Djos Janssens. Cette fois, c’est une femme française, de renommée internationale, qui interviendra au CHU de Liège afin de déployer cette expérience qui s’adresse tout à la fois aux patients, au personnel et aux visiteurs. Etrange idée que de faire entrer l’art contemporain à l’hôpital ? En réalité, l’initiative s’inscrit dans la philosophie qui était déjà celle du bâtisseur du CHU, Charles Vandenhove, lui qui invita des personnalités telles que Sol LeWitt et Daniel Buren à marquer le lieu de leur empreinte. Désireux de prolonger cet héritage, le Musée organise depuis 1997 des expositions dans la verrière sud de l’hôpital. Le cycle “Artistes à l’hôpital” va un pas plus loin en proposant à un artiste particulièrement concerné par la problématique du soin, de l’institution ou de la santé d’investir directement le lieu, depuis le hall d’entrée jusqu’au sous-sol en passant par les couloirs et salles d’attente.

Rituels intimes

Pour Julie Bawin, enseignante et chercheuse à l’ULg et présidente de la commission culturelle du Musée en plein air et coordinatrice du cycle, accueillir Jeanne Susplugas pour cette deuxième édition était une évidence. « J’ai découvert son travail à travers la “Maison malade”, une installation remplie de boîtes de médicaments vides, sur lesquelles le visiteur était invité à marcher : une pièce qui nous invitait à réfléchir sur nos propres gestes de consommateur, sur les vertus que l’on prête à ces petites pilules. » Parmi les oeuvres qui seront exposées au CHU de Liège, signalons Peeping Tom’s House, une maisonnette percée de trous qui permettent au visiteur-voyeur de regarder des vignettes vidéos “intimes” : quelqu’un s’enlève les poils de l’oreille ; un autre se coupe ses ongles ; la chansonnette sous la douche du troisième se transforme en cacophonie dérangeante, bizarre. « Jeanne Susplugas joue sans cesse sur ce double registre : ludique, festif et en même temps dérangeant, critique, décevant. Elle pointe notre rapport au corps, l’hygiénisme, nos rituels obsessionnels », commente Julie Bawin.

Addict

La pièce-phare de l’exposition sera sans doute L’aspirine c’est le champagne du matin, une oeuvre en néons lumineux reprenant une phrase de la pièce que Marie Darrieussecq a écrite pour Jeanne Susplugas dans le cadre d’une performance présentée à la Maison Rouge à Paris. « La majorité de ses oeuvres tournent autour de l’aliénation, de l’addiction, de l’enfermement que provoque la dépendance. Pour autant, son travail ne se veut pas accusateur ou moralisateur, observe encore Julie Bawin. Le défi consiste d’ailleurs à montrer un travail qui interroge la dépendance aux médicaments... dans le cadre de l’hôpital. » Une provocation de bonne guerre, comme seul l’art sait la manier.

Exposition “Monkey on Back”

Du 5 avril au 7 juin, dans la grande verrière du CHU de Liège et dans la salle d’exposition du Musée (verrière sud, niveau-3), jeudi et vendredi de 12 à 16h, samedi de 10 à 13h.

Contacts : tél. 04.366.22.20, courriel musee.pleinair@ulg.ac.be, site www.museepla.ulg.ac.be

Julie Luong
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