Avril 2014 /233

A toute épreuve

Un nouveau banc d’essais cryogénique

Cryogenie1Assurément, c’est une bonne nouvelle pour le laboratoire de chimie industrielle que cette commande de l’Agence spatiale européenne (ESA) : un banc d’essais destiné à vérifier l’étanchéité dynamique vient d’être installé sur le site du Sart-Tilman.

Equipements des fusées

L’université de Liège est pionnière dans le domaine des tests cryogéniques effectués à des températures inférieures à -150° C. En effet, voici près de 30 ans (en 1985) le moteur cryogénique – dénommé HM7 – de la fusée européenne Ariane, situé à son troisième étage, a connu des problèmes de démarrage. Les ingénieurs ont observé que ce moteur ne pouvait s’allumer correctement en raison d’une mauvaise séquence au niveau de l’alimentation en oxygène liquide (-183° C) dans la chambre de combustion. Il leur importait donc d’en comprendre les raisons. « Nous avons alors construit un premier banc d’essais pour des pièces amenées à devoir équiper les fusées », se remémore Jean-Luc Bozet, professeur au département de chimie appliquée (faculté des Sciences appliquées).

Grâce à la compétence reconnue du personnel, une succession de travaux a ensuite permis de développer des bancs supplémentaires dans le domaine de la cryogénie et de la tribologie (ndlr : la science du frottement). Objectif : vérifier l’étanchéité lors du fonctionnement de la turbopompe du moteur et connaître le degré de frottement et d’usure entre les parties froide et chaude du moteur-fusée, lequel provoque, le cas échéant, une fuite.

Ces bancs ont donc permis la réalisation de nombreux tests utilisant de l’oxygène liquide sous des pressions pouvant aller jusqu’à 50 Bars. Toutes ces recherches ont été menées dans le domaine spatial, principalement pour le compte de l’ex-Société européenne de propulsion (aujourd’hui Snecma), en collaboration avec d’autres départements de l’Université, mais aussi pour le Centre français de recherche aérospatial (Cnes) ou encore Techspace Aero, à Liers.

Si ces appareillages sont toujours fonctionnels, le laboratoire de chimie industrielle vient de se doter d’un tout nouveau banc – le quatrième – complémentaire aux précédents. « L’Agence spatiale européenne a financé cette installation unique en son genre en Belgique (plus de 3 millions d’euros) et nous en confié la réalisation », explique, satisfait, Patrick Kreit, directeur technique du banc ESA/ULg. Qui ajoute : « Elle est destinée à répondre à différents besoins industriels et de recherche dont l’ESA est le maître d’oeuvre. »

Parmi ces tests figure celui du moteur Vinci, le remplaçant de HM7. Ce moteur cryotechnique équipera les lanceurs Ariane 5 et, dans quelques années, Ariane 6. Il est le fruit d’une collaboration entre équipementiers et centres de recherche européens parmi lesquels on retrouve notamment l’italien Avio chargé de la turbopompe à oxygène liquide. C’est précisément le boîtier de ce dernier qui sera éprouvé à Liège. « Les essais sont possibles depuis la fin du mois de janvier, souligne Jean-Luc Bozet, puisque c’est à cette date que l’ESA a validé l’installation après le passage des organismes certificateurs. » A ce jour, quatre essais ont déjà été réalisés, chacun d’eux nécessitant une semaine de préparation.« La logistique est relativement importante, car nous devons pouvoir stocker d’énormes quantités d’oxygène et d’azote liquides », détaille Patrick Kreit. Ce sont en effet pas moins de 11 tonnes de l’un et 10 de l’autre qui sont entreposées à proximité du banc d’essais. « Or, il faut savoir que le transport de ces produits par camion est soumis à une règlementation assez stricte et que l’approvisionnement est un processus lent », précise Patrick Kreit.

Processus automatisé

Deux ingénieurs expérimentés (Claude Dodet et Marc Duquenne) gèrent à distance les bancs d’essais, abrités dans des bâtiments en béton armé. La salle des opérations, entièrement automatisée et équipée des logiciels de contrôle ad hoc – « afin de limiter au maximum les risques d’erreur humaine » – est située à quelques pas de là et protégée par des tertres de 3 à 4 m de haut. Plus de 400 capteurs de contrôle permettent de s’assurer de la bonne exécution du test qui s’effectue donc dans des conditions réelles. « En aucun cas nous ne recourrons à l’extrapolation, insiste Jean-Luc Bozet. En gros, ça passe ou ça casse ! » Et pour l’instant, le nouveau banc a fait ses preuves puisque tous les essais ont été concluants.

Le nouveau banc a été inauguré ce 8 avril par Philippe Courard, secrétaire d’Etat à la Politique scientifique, en présence de nombreuses personnalités du monde académique et industriel, dont Bernard Rentier, recteur de l’ULg, et Jean-Jacques Dordain, directeur général de l’Agence spatiale européenne.

Pierre Demoitié
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