April 2014 /233

Pierre Duysinx

Bientôt le Shell Eco Marathon

DuysinxPierreEu égard au réchauffement climatique d’une part et face à la pollution croissante des villes d’autre part, les constructeurs automobiles – poussés dans le dos par les hommes politiques et une partie des consommateurs – se sont engagés dans l’élaboration de véhicules différents, plus efficients, énergétiquement parlant. A l’heure actuelle, deux alternatives au modèle classique du moteur à combustion tiennent le haut de l’affiche : les voitures hybrides et les véhicules “électriques purs”. Réduire significativement les émissions de CO2 et limiter drastiquement les émissions de particules fines sont, à l’évidence, les deux défis majeurs à relever par les concessionnaires.

La Belgique a la volonté de favoriser l’utilisation des véhicules “propres” et a prévu de placer 20 000 bornes de recharge électrique sur son territoire. En Wallonie, la province de Liège est certainement la région la plus active à cet égard mais le nombre de voitures électriques sur nos routes est encore limité et pour deux raisons principales : le coût élevé (25 000 euros au minimum) et l’autonomie encore relative de la batterie (150 km environ). L’université de Liège n’est pas en reste : le recteur Bernard Rentier a en effet décidé non seulement d’installer sur le campus du Sart-Tilman des bornes pour vélos et pour voitures électriques, mais encore de remplacer progressivement le parc automobile de l’ULg par des véhicules électriques.

Le Shell Eco Marathon – compétition automobile annuelle mondiale réservée aux étudiants, organisée par la compagnie pétrolière – a l’ambition d’apporter sa contribution à la solution des problèmes engendrés par l’usage excessif des automobiles. L’objectif est de stimuler la recherche afin de concevoir des modes de transport (très) peu énergivores. La compétition rassemble donc des prototypes mis au point dans les centres de recherche et dans les universités.

Le Pr Pierre Duysinx (département d’aérospatial et mécanique en faculté des Sciences appliquées) participe à cette compétition internationale depuis dix ans. L’équipe liégeoise sera une nouvelle fois fidèle au rendez-vous, fixé à Rotterdam du 14 au 18 mai, dans la catégorie “Urban Concept”. Tour de piste.

Le 15e jour du mois : Pensez-vous que la voiture électrique s’imposera dans les prochaînes années ?

Pierre Duysinx : Certainement, en ville du moins car l’augmentation de la pollution de l’air préoccupe de plus en plus les citadins. Les constructeurs ont fait de gros efforts et de vrais progrès en la matière : Mercedes, Nissan, Opel, Peugeot, Renault, Toyota – et j’en oublie – ont déjà mis sur le marché des voitures électriques, silencieuses et non polluantes. Très manifestement, l’industrie automobile a pris un virage et affiche son ambition d’avoir, en 2020, 20% du parc constitué de véhicules respectueux de l’environnement. Certes, le prix d’une voiture électrique est encore élevé mais, si l’on prend en compte l’économie réalisée sur le carburant, la dépense est amortie en cinq ans. La batterie reste cependant le point faible du dispositif, tant du point de vue de son coût et de son efficacité énergétique que de celui de sa durée de vie. C’est ce qui constitue l’essentiel de nos recherches : nous devons relever le double défi de diminuer le temps de recharge de la batterie et de lui assurer un avenir à long terme.

Le 15e jour : Que pensez-vous du Shell Eco Marathon ?

P.D. : Cette compétition – assez originale pour les laboratoires universitaires – a deux mérites : celui d’attirer l’attention du grand public sur l’évolution de l’automobile et celui de susciter des projets de recherche dans une optique transdisciplinaire. Le Shell Eco Marathon est une très belle initiative. C’est même une aubaine pour nous, car il constitue un beau challenge pour les étudiants. D’autant que la formule “ingénieurs de projet” de notre Faculté nous permet de composer une équipe avec des étudiants répartis sur plusieurs années d’étude (2e et 3e bacheliers, 1er et 2e masters), ce qui lui assure une certaine continuité. Le team de 2014 regroupe 30 étudiants (10 actifs et 20 adjoints) et quatre assistants. Pour la première fois, nous avons signé pour l’édition 2014 du concours un partenariat avec le groupe Umicore (anciennement Cuivre et Zinc) spécialisé dans la technologie des matériaux et intéressé, à ce titre, par l’évolution des batteries et leur recyclage. C’est donc sous les couleurs d’Umicore-Electra-UL g que l’équipe participera au Shell Eco Marathon dans la catégorie “Urban Concept”.

Le 15e jour : Quel est l’objectif ultime de la compétition ?

P.D. : Faire rouler une voiture avec la plus faible consommation d’énergie. Dans notre catégorie, le parcours, long d’environ 25 km (12 tours de circuit), est de type citadin : il comporte des stops, des accélérations-décélérations, etc. Le prototype doit donc être assez complet dans son équipement et doit permettre une conduite dynamique.

A l’heure actuelle, il n’est pas envisageable d’utiliser des panneaux solaires sur la voiture, car ils prendraient trop de place et leur poids augmenterait le besoin en énergie. Notre principale recherche est dès lors concentrée sur l’amélioration des performances de la batterie électrique, éventuellement complétée d’un super-condensateur. Nous travaillons dans cette optique en synergie avec d’autres disciplines comme l’électronique, l’aérodynamique, les matériaux composites, l’électrochimie notamment, sans oublier notre laboratoire de fabrication, ni l’Arsenal de Rocourt qui nous a déjà prêté main-forte.

En 2015, nous avons bien l’intention de concourir au Shell Eco Marathon avec une batterie conçue et réalisée à l’ULg, fabriquée avec notre partenaire Umicore. Ce serait une belle image pour notre Institution qui entend donner un signal positif en faveur de ce mode de transport.

Le 15e jour du mois : Vous participez aussi au projet SWARM.

P.D. : Effectivement. Il s’agit d’un projet européen consacré à la pile à combustible (à hydrogène), autre technologie alternative aux moteurs à essence. Grâce aux éoliennes et aux panneaux solaires, il sera possible de produire de l’hydrogène en grande quantité, ce qui incite la Région wallonne à mettre en place les infrastructures nécessaires, soit une station d’hydrogène au minimum tous les 300 km.

Cette technique est déjà utilisée par des constructeurs comme Honda, Hyundai, Mercedes et Toyota, mais il faut avouer que le bénéfice énergétique de cette solution reste assez décevant par rapport à la complexité de sa mise en oeuvre, le stockage de l’hydrogène étant toujours problématique à l’heure actuelle.

L’Union européenne a donc instauré le projet SWARM dans un quadruple objectif : sensibiliser le public à cette alternative, améliorer sa technologie, garantir sa fiabilité et diminuer son coût. Concrètement, une voiture équipée d’une pile à combustible (toujours en cours de fabrication à Coventry et à Brême) quittera sous peu l’Angleterre pour rejoindre l’Allemagne en passant par la Belgique. Plusieurs universités sont impliquées dans ce projet, dont l’ULB et l’ULg pour la Belgique. C’est à l’ULg et au campus automobile Spa-Francorchamps que se dérouleront les tests.

 

Propos recueillis par Patricia Janssens
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