June 2014 /235

Génération Bic

Organiser l’économie de manière circulaire

PirardEricCe n’est pas un simple slogan et encore moins une image usurpée. C’est une réalité qui s’impose à quiconque s’intéresse à l’histoire industrielle de notre région. Affirmer de Liège qu’elle est ardente et créative, c’est la plus belle façon de rendre hommage aux générations d’ouvriers et d’ingénieurs qui ont façonné notre industrie et lui ont donné un rayonnement international dont peu de régions au monde peuvent s’enorgueillir. Berceau de la métallurgie du zinc, haut-lieu de forges et de fourneaux, terre d’extraction de la houille et de la chaux, notre région a su capitaliser sur ses ressources naturelles et le savoir-faire de ses hommes pour développer une industrie en tous points remarquable*. L’éloignement des activités industrielles de longue tradition – hier la mine, aujourd’hui la sidérurgie et la verrerie – n’est pas une fatalité. Elle obéit à une logique économique et environnementale à laquelle il ne faut pas chercher à s’opposer. De nos jours, le minerai de fer brésilien n’arrive plus à Ougrée mais alimente un haut-fourneau brésilien qui fournit un marché automobile local en pleine croissance. Caterpillar et Ford nous quittent pour les pays émergents. Cela signifie-t-il pour autant que nous avons perdu notre capacité à nous réinventer un avenir ? Certainement pas, et il n’y a aucune raison de penser que l’aventure industrielle de notre région s’arrête en 2014. Sachons ouvrir les yeux et être attentifs aux opportunités qui s’offrent à nous.

La plupart des révolutions industrielles furent en réalité des évolutions catalysées par la rencontre de la créativité et d’un savoir-faire hérité d’une longue tradition. Ces évolutions se sont caractérisées par un changement dans le système technique constitué par le trio matière-énergie-procédé. On peut penser que notre époque restera dans l’histoire comme celle des énergies renouvelables ou qu’elle sera appelée l’âge du lithium, mais en réalité il y a fort à parier que nous serons stigmatisés comme la “génération Bic”, celle du “take-make-dispose”.

Or, cette logique linéaire d’extraction, de transformation, de fabrication, de consommation et… de mise en décharge n’est clairement pas tenable si nous voulons laisser aux générations futures une terre aussi belle que celle que nous avons trouvée. Nous nous devons d’organiser l’économie de manière circulaire. Nous devons collecter les produits en fin de vie pour que les matériaux restent aisément disponibles plutôt que de les disperser inconsidérément dans l’environnement comme nous l’avons fait pendant trop longtemps.

Les minerais de demain se trouveront dans les mines urbaines formées par l’accumulation des produits en fin de vie. Après tout, la différence entre une tablette et un morceau de minerai n’existe que durant les quelques mois où un système d’exploitation informatique est capable de faire tourner des applis… après, ce n’est plus qu’un assemblage d’atomes qu’il convient de séparer et de purifier pour les remettre dans le circuit industriel sous forme de fer, d’aluminium, de zinc ou encore de gallium ! C’est un fameux défi, mais un défi parfait pour Liège qui dispose d’atouts exceptionnels par sa localisation au coeur de l’Europe, la qualité de son infrastructure logistique, l’existence d’espaces pour un redéploiement industriel… et une longue tradition dans le secteur des mines et de la métallurgie.

Oui l’avenir de Liège est dans la mine et la métallurgie ! Ce n’est pas une provocation mais une profonde conviction que la Région wallonne vient de faire sienne en décidant de soutenir un projet de Reverse Metallurgy**, lequel s’appuie sur le triangle de compétences formé par l’ULg, le CRM et une dizaine d’industriels rassemblés au sein du GRE (Groupement de redéploiement économique pour le Pays de Liège). Ce projet de Reverse Metallurgy est avant tout technologique. Il a pour objectif principal de créer une plateforme pilote intégrée capable de démontrer la recyclabilité de produits complexes.

Mais ce projet est surtout un atout majeur pour la Wallonie, lui permettant de se positionner comme la Recycling Valley au coeur d’un ambitieux projet européen de knowledge innovation community (KIC) qui associe plus de 70 partenaires d’une douzaine de pays différents. A terme, c’est toute la communauté universitaire qui devrait bénéficier de cette stratégie.

La création au sein de l’ULg d’une entité thématique dédiée aux questions d’économie circulaire sera une manière très concrète de mettre autour d’une même table et de mobiliser autour d’un même objectif des spécialistes de toutes disciplines, aussi bien en sciences et techniques qu’en sciences humaines. Car demain, il n’y aura pas de mine urbaine sans une sensibilisation accrue de la société aux enjeux du recyclage, sans les outils législatifs, fiscaux et logistiques capables de faire converger les flux de matière. Il n’y aura pas de métallurgie nouvelle sans une écologie industrielle soucieuse de la qualité de l’environnement et du bien-être des communautés riveraines.

Toute personne qui souhaite apporter son expertise aux projets d’économie circulaire et d’écologie industrielle est invitée à se faire connaître. C’est tous ensemble que nous réussirons ce pari d’un avenir ardent et créatif.

Pr Eric Pirard
département Argenco, géoressources minérales et imagerie géologique (faculté des Sciences appliquées)

“Verdir”, "Reverse Metallurgy" : nouveaux projets, nouveaux modèles économique”

Le Pr Eric Pirard participera avec Eric Haubruge, vice-Recteur, à la soirée de lancement de saison - Liège Créative intitulée “Verdir”, "Reverse Metallurgy" : nouveaux projets, nouveaux modèles économique.

Le jeudi 2 octobre à 18h, au château de Colonster, Sart-Tilman, 4000 Liège

Inscriptions : à partir du 26 juin via info@liegecreative.be ou via www.liegecreative.be    (Entrée libre)

 

* Maison de la métallurgie et de l’industrie de Liège, www.mmil.be

** Voir le site www.gre-liege.be/reverse-metallurgy/

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