September 2014 /236

Première rentrée

Echanges entre Bernard Rentier et son successeur Albert Corhay

CorhayRentierPour le Pr Albert Corhay, ”14-18” ne sera plus uniquement synonyme de la Grande Guerre : ce sera aussi la durée de son mandat de recteur, lequel commencera le 1er octobre prochain pour s’achever le 30 septembre 2018. C’est lors de la cérémonie de Rentrée académique du mercredi 24 septembre qu’il recevra l’épitoge d’hermine – symbole de l’autorité – des mains du recteur Bernard Rentier. Le 15e jour du mois les a rencontrés à la veille de cette séance solennelle qui marquera officiellement la passation de pouvoirs. Interview cordiale des deux protagonistes qui ont travaillé ensemble durant neuf ans.

Bilan

Le 15e jour du mois : Votre premier discours de Rentrée académique le 22 septembre 2005, “Ouvrir les yeux”, invitait notamment à revoir le paysage de l’enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles. Avez-vous le sentiment d’avoir été entendu ?

Bernard Rentier : Je le crois, même si je n’ai pas été le seul à plaider pour une intégration des enseignements supérieurs en Belgique francophone. Nous avons, à l’ULg, donné le ton puisque, en 2004, notre département d’économie a fusionné avec HEC. L’année suivante, la faculté des Sciences a intégré la FUL et créé “Arlon campus environnement”. En 2009, ce fut le grand rapprochement avec les Facultés universitaires des sciences agronomiques de Gembloux, désormais intitulées “Gembloux Agro-Bio Tech”. En 2010, deux Instituts supérieurs d’architecture, Saint-Luc Liège et Lambert Lombard, ont rejoint le giron de l’Alma mater sous une même bannière, celle de la faculté d’Architecture. Le décret “paysage” voté à la fin de l’année dernière accentue encore la volonté de proximité, puisqu’il impose la création de “pôles”. Ce sera un bel objectif à réaliser pour mon successeur.

Le 15e jour : La recherche a aussi été au coeur de vos préoccupations.

B.R. : Bien sûr ! Je suis fier, je l’avoue, d’avoir fondé avec le Pr Joseph Martial le Groupe interdisciplinaire de génoprotéomique appliquée, mieux connu sous son acronyme de “Giga”. Il s’agit, en Belgique, d’un concept innovant de collaborations entre scientifiques dans un domaine spécifique. Inauguré en 2007, il compte aujourd’hui plus de 500 chercheurs. D’autres centres de recherche réputés se sont aussi considérablement développés durant ces dernières années : je pense au Cyclotron et au CSL, notamment. Dans un autre domaine tout aussi fédérateur, je suis certain que le programme porté par le vice-recteur Eric Haubruge “Valorisation de l’environnement par une reconversion durable et une innovation responsable (Verdir)” – qui, à ma connaissance, est le seul projet au monde impliquant la totalité des Facultés d’une université – connaîtra bientôt le même essor. D’un point de vue plus structurel, j’ai aussi mis en place, avec le vice-recteur à la recherche Pierre Wolper, trois conseils sectoriels de la recherche (sciences humaines, sciences de la santé, sciences et techniques) sous l’autorité du Conseil universitaire de la recherche. L’objectif étant de soutenir financièrement les projets les plus novateurs en confiant l’évaluation à des chercheurs. Je pense, après quatre ans de fonctionnement, que cette structure a fait ses preuves. Fondamentalement, je crois qu’il faut tendre à une indépendance du chercheur qui, s’il a un pied dans une Faculté pour sa contribution aux enseignements, doit aussi pouvoir faire partie, pour sa recherche, de centres interdisciplinaires regroupant les diverses compétences dans son domaine et, le cas échéant, interfacultaires. Et je n’oublie pas la rationalisation opérée par le vice-recteur Jean Marchal dans l’éventail de nos relations internationales, en particulier notre action dans la coopération Nord-Sud, beaucoup plus ciblée, donc plus efficace, aujourd’hui.

Le 15e jour : Grâce à votre implication personnelle en faveur de l’Open Access, l’ULg est devenue le leader dans le monde en la matière.

B.R. : Oui. Je suis encore invité au Brésil et dans plusieurs universités européennes au cours de ce semestre pour exposer ce processus qui entend garantir un libre accès à toutes les publications scientifiques. A Liège, nous avons dans cette optique – avec Paul Thirion, le responsable du réseau des bibliothèques – organisé l’Open Repository and Bibliography “Orbi” (Orbi) qui connaît un vrai succès.

Le 15e jour : Autre grand chantier en interne : l’évaluation.

B.R. : C’est mon prédécesseur, le recteur Willy Legros, qui a lancé la première évaluation de l’ULg par l’EUA, en 1998 et 2001. Durant mon mandat, il y en a eu une deuxième (2006-2009). La nomination de Freddy Coignoul en tant que vice-recteur à la qualité a évidemment été un signal clair de notre volonté de mener à bien cette réflexion utile sur nous-mêmes. Petit à petit, le principe de l’évaluation a été mieux compris et mieux admis par toutes les composantes de l’Université. Départements et administrations ont été évalués. C’est l’évaluation de la recherche qu’il faudra affiner maintenant, tâche difficile en raison de la diversité de ses domaines et de ses cultures. Il faudra néanmoins trouver le moyen d’apprécier à leur juste valeur les contributions de chacun en évitant les pièges de l’évaluation quantitative.

Le 15e jour : Quitterez-vous l’ULg dès la cérémonie terminée ?

B.R. : Je quitte mes fonctions de Recteur, mais je ne m’éloigne pas vraiment ni de la recherche ni de l’ULg. D’une part, j’ai été élu viceprésident du Conseil fédéral de la politique scientifique et, d’autre part, dès que j’aurai remis les clés de mon bureau, je prendrai la présidence du Réseau des Amis de l’ULg. A la demande d’Albert Corhay, je piloterai le comité du Bicentenaire de l’ULg, 1817-2017. Par ailleurs, la Société libre de l’Emulation, dont j’assure la présidence depuis avril denier, me réserve un bureau de l’autre côté de la place du 20-Août…

Perspectives

Le 15e jour du mois : Bernard Rentier vous cède la place et les dossiers…

Albert Corhay : Je suis tout à fait à l’aise avec ces dossiers puisque je les ai suivis, voire pilotés en tant que vice-recteur. Je m’inscrirai donc dans la continuité de ce qui a été fait ces dernières années. Mon souhait est de travailler en équipe, avec les trois vice-recteurs (les Prs Eric Haubruge, Rudi Cloots et Freddy Coignoul), la Directrice générale à l’enseignement et à la formation et l’Administrateur en particulier, mais aussi avec des conseillers à qui je confierai des missions ponctuelles et que je présenterai le 8 octobre prochain, à l’occasion d’un conseil d’administration extraordinaire.

Le 15e jour : Vous arrivez avec une étiquette de gestionnaire.

A.C. : Oui. Notre Université doit retrouver l’équilibre financier. Mais je n’entends pas mener une gestion “à l’américaine” ! J’ai bien l’intention de coupler gestion et politique de ressources humaines. Mon souhait en la matière, notamment, est de pérenniser le personnel.

Le 15e jour : La mise en place du décret sur les pôles d’enseignement, un beau défi ?

A.C. : Les statuts ont été signés au début de l’été : à nous maintenant de les rendre opérationnels. Pour moi, les pôles offrent le cadre légal pour que tous les établissements, Hautes Ecoles et Université, travaillent ensemble – en gardant chacun leur spécificité – dans le souci de l’étudiant. Rendre le parcours scolaire plus souple, plus dynamique, est certainement un objectif-clé pour notre enseignement supérieur. C’est aussi un moyen de proposer d’autres formations, de réfléchir à un développement eurégional et de faire l’économie de services qui sont souvent des doublons.

Le 15e jour : Quelques idées en matière de recherche et d’enseignement ?

A.C. : Je pense que les conseils sectoriels de recherche ont été efficaces et qu’il faut leur confier, davantage encore, un rôle de stratèges. Ils me paraissent cependant un peu trop éloignés des Facultés qui sont toujours au coeur de notre Institution. Il faudra y réfléchir, mais je crois souhaitable que des ponts relient les deux structures. Du côté des Facultés, j’ai l’intention de créer une entité transversale afin de regrouper plusieurs organismes qui rendent des services à l’ensemble de notre communauté : à cet égard, je pense à l’Institut de formation et de recherche en enseignement supérieur (Ifres) qui comprend notamment le Centre interfacultaire de formation des enseignants (Cifen)* et E-campus, à l’Institut supérieur des langues vivantes (ISLV), à ID campus, etc. Par ailleurs, l’ULg doit accroître l’attractivité de ses masters. Une politique d’envergure devra être menée à ce propos.

Le 15e jour : Et quelques priorités dans la troisième mission de l’Université, son rôle dans la société ?

A.C. : Comme je l’ai dit au cours de la campagne électorale, je souhaite amplifier l’implication de l’ULg dans la cité, grâce notamment à Interface et à la Maison des sciences de l’homme (MSH). J’ai aussi l’ambition de poursuivre des relations constructives avec les pays du Sud. Sans oublier les associations étudiantes (Agel et Fédé), à qui j’ai promis de trouver une salle pour leurs événements. En bref, les chantiers ne manquent pas !

* Ndlr : Il s'agit d'une erreur de transcription : le Cifen ne fait pas partie de l'Ifres.

La Rentrée académique aura lieu le mercredi 24 septembre aux amphithéâtres de l’Europe

• 10h, conférence-débat “Le prix de la démocratie. S’engager, à quel coût?”
• 16h, cérémonie et remise de l’épitoge d’hermine rectorale au Pr Albert Corhay

Avec la participation du Choeur universitaire de Liège, société royale, sous la direction de Patrick Wilwerth.

Toute la communauté universitaire est invitée à cette manifestation.

Contacts : tél. 04.366.52.18, informations à la page www.ulg.ac.be/RentreeAcademique

 

Propos recueillis par Patricia Janssens
Photos © ULg - Michel Houet et Jean-Louis Wertz
Sur le m�me sujet :
|
Egalement dans le n°269
Éric Tamigneaux vient de recevoir le prix ACFAS Denise-Barbeau
D'un slogan à l'autre
Résultats de l'enquête auprès de "primo-arrivants" en faculté des Sciences
21 questions que se posent les Belges
Le nouveau programme fait la part belle à l’histoire de la cité
Panorama des jobs d'étudiants