Septembre 2014 /236

Crise sociale, crise de la démocratie

La MSH invite Pierre Larrouturou pour son débat de rentrée

Ce 25 septembre, dans le cadre d’une conférence-débat, la Maison des sciences de l’Homme (MS H-UL g) recevra à Liège “l’économiste militant” Pierre Larrouturou, fondateur en France du parti politique “Nouvelle Donne”. Il interrogera un possible “sursaut citoyen” dans le contexte de “crise sociale, crise de la démocratie”.

LarrouturouPierreSi Pierre Larrouturou est relativement méconnu en Belgique, cet ancien ingénieur agronome passé par Sciences Po et, dans la foulée, par Andersen Consulting (aujourd’hui Accenture), est surtout connu en tant qu’essayiste et homme politique français, militant tour à tour sous la bannière du Parti socialiste (qu’il quitte et auquel il revient à plusieurs reprises) et celle des Verts, avant de fonder, fin 2013, son propre parti – Nouvelle Donne – qui entend « reprendre la main » et « changer l’Europe en un an ou deux ».

« Proche de la branche progressiste du PS, Larrouturou est surtout un essayiste préoccupé par les questions liées au temps de travail », explique Bruno Frère, sociologue des idées contemporaines à l’Institut des sciences humaines et sociales (ULg). Ses essais remettent en question la centralité du travail en tant qu’elle est une valeur fondamentale dans nos sociétés contemporaines depuis la révolution industrielle. Selon Bruno Frère, « ces thématiques économiques sont abordées de manière très conventionnelle par la majorité des partis de gauche, lesquels insistent sur le fait que, pour sortir de la crise, il faut accroître la productivité de l’économie française dont dépendent les mécanismes de redistribution du capital. Le travail est célébré comme principal vecteur de croissance. Le parti de Larrouturou s’appuie au contraire sur les idées défendues par une poignée d’intellectuels publics tels que Patrick Viveret aujourd’hui ou plus anciennement André Gorz qui estimaient qu’il convient de mieux redistribuer le temps de travail pour permettre à tous de travailler moins et de vivre mieux. »

Larrouturou plaide ainsi pour un “repartage” du temps de travail, tendant vers une semaine de quatre jours et une meilleure distribution des richesses. « Il est question de savoir, poursuit Bruno Frère, si nous sommes seulement nés pour travailler. Larrouturou évoque ainsi une réduction du temps de travail en-deçà des 35 heures, permettant qu’une part plus importante de la vie soit consacrée à l’activité sociale, culturelle et associative, mais ouvrant également un créneau à ceux qui, privés d’emploi, souffrent de ne pas se sentir utiles. L’idée du chômeur paresseux est un mythe. On sait depuis longtemps que le travail est très inéquitablement réparti, d’aucuns travaillant peu, voire pas dans l’économie officielle (mais bien au noir) d’autres beaucoup plus mais contre des rémunérations très maigres (les working poor à l’anglo-saxonne) et d’autres encore (actionnaires et autres) qui, tout en ne travaillant pas du tout, gagnent énormément d’argent. »

Si ceci semble aller de soi, on pourra s’étonner que ces discours soient confinés à la marge. « L’explication est simple, commente Bruno Frère. Si cette ré-interrogation du travail a été prise au sérieux à partir des années 80 et jusque dans les années 90, la crise l’a reléguée aux oubliettes dès lors que, la société se paupérisant, on a cherché des solutions dans de vieilles recettes qui avaient fait leurs preuves dans les décennies d’après-guerre. » La croissance exigeait du travail et il fallait donc des travailleurs qui, du coup, pouvaient se permettre certaines revendications. Aujourd’hui, on reste persuadé que la seule voie possible pour mettre fin au chômage et à la “crise” reste la poursuite effrénée de la croissance à tout prix, laquelle croit-on, recréera une demande de travail, etc. « Dans ce contexte, les théories plaidant plus ou moins pour une “fin du travail”, telle qu’imaginée par Dominique Méda, sont devenues inaudibles. » Pourtant, Dominique Méda avait déjà relevé au début des années 90 que croissance et grande pauvreté étaient tout à fait compatibles.

Larrouturou persiste : l’économie capitaliste de croissance ne marche pas. Selon lui, « il faut renoncer à compter sur la croissance pour sortir du chômage. Cela fait 30 ans qu’on s’y essaie, sans succès ». Il faudrait travailler moins en sorte que plus de monde accède à l’emploi, soigner le portefeuille des Français (en allégeant notamment le coût du logement), et, « à huit ou à neuf [Etats], refonder une Europe démocratique » s’appuyant sur une importante participation citoyenne et s’armant d’un « traité de convergence sociale » pour mieux combattre le chômage.

« Nouvelle Donne fait partie de ces partis groupusculaires plutôt écologistes et socialistes, avec un fonds libertaire, qui se déploient à l’échelle européenne, résume Bruno Frère. Je crains toutefois pour leur avenir, notamment face au terrain que gagne, en Europe, la marée brune. » Le débat sera ouvert, à Liège, ce 25 septembre.

Crise sociale, crise de la démocratie…

Un sursaut et-il possible ? Grand débat de rentrée de la MSH-ULg (en collaboration avec Mnema), avec Pierre Larrouturou, en dialogue avec le Pr Marc Jacquemain (ISHS) et Pierre Verjans (département de science politique), le jeudi 25 septembre à 20h, à La Cité Miroir, place Xavier Neujean 22, 4000 Liège.

Contacts : inscription tél. 04.230.70.50, courriel reservation@citemiroir.be, informations sur le site www.msh.ulg.ac.be

Patrick Camal
Photo : Wikimedia Marie-Lan Nguyen
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