Décembre 2014 /239

Du high tech dans les champs

Deux engins agricoles ultra sophistiqués à Gembloux

A la ferme expérimentale de Gembloux, la satisfaction est de mise : les dernières récoltes de céréales et de colza ont donné d’excellents résultats. Ce n’est pourtant pas tellement le tonnage collecté qui met le sourire aux lèvres. C’est, plus fondamentalement, le fait que la moissonneuse batteuse New Holland (270 CV), tout récemment acquise, est à la hauteur des espérances. Avec sa barre de coupe volontairement limitée à 4,80 m, le nouvel engin ne vise pas à rivaliser avec ces moissonneuses batteuses capables d’avancer – et de récolter ! – sur un front de 10 à 12 m. En revanche, en termes d’équipements et de précision, il fait partie du gratin du machinisme agricole actuel. Il est par exemple équipé d’un système géo-référencé de mesure du rendement et d’humidité du grain récolté.

Autoguidage et échantillonnage

Moissonneuse« Ce genre d’engin est d’ores et déjà disponible pour les exploitations conventionnelles (ndlr : non scientifiques), explique Bernard Bodson, directeur de la ferme expérimentale et professeur à l’unité Phytotechnie de Gembloux Agro-Bio Tech. Mais celles-ci ont rarement recours à toutes les options disponibles. Nous avons acquis, en ce qui nous concerne, tous les équipements nécessaires pour assumer notre objectif de polyvalence. Nous devons en effet disposer de grilles et de batteurs adaptés à toutes les formes de grains, y compris pour des grains qui seront cultivés demain ou après-demain afin de répondre à certaines demandes de nos scientifiques. »

Plusieurs fois par seconde, la machine est capable de quantifier le nombre de grains récoltés de même que leur humidité. Et, de là, le tonnage engrangé. Elle est également munie d’un système d’autoguidage RT K : si son conducteur lâche le volant, l’engin viendra automatiquement se “coller”, avec une précision de 2 cm (!) à la bande récoltée juste avant. « Grâce aux satellites et aux antennes fixées en bordure du champ, nous pouvons désormais connaître le rendement exact de chaque parcelle exploitée. Et, qui plus est, avec une rapidité et une précision inégalées jusqu’à présent », se réjouit Bernard Bodson.

La ferme a également acquis une nouvelle récolteuse de fourrage, spécialement conçue pour les petites parcelles d’expérimentation. D’une largeur de 2 m, elle peut moissonner diverses cultures fourragères ou énergétiques. Elle est munie de dispositifs permettant la pesée et le hachage de la récolte, de même que d’un système d’échantillonnage automatique. « Par rapport à l’ancien système, où les échantillons se récoltaient à la main, ce dispositif nous donnera une estimation bien plus précise des qualités intrinsèques de la parcelle étudiée, par exemple des qualités nutritionnelles de la récolte. »

La ferme expérimentale s’étend sur 108 ha répartis sur l’implantation gembloutoise proprement dite et celle des Isnes, un peu plus éloignée. Purement agricole (elle ne compte aucune tête de bétail), elle est indépendante sur le plan financier. Cela signifie qu’en marge des expérimentations scientifiques, elle vend sur le marché ses récoltes de betteraves, céréales, colza, féveroles, etc., comme n’importe quelle ferme donc. Elle est d’ailleurs tenue au respect des mêmes réglementations et normes que les exploitants conventionnels. Pour se fournir en intrants (fumiers, etc.), elle conclut des contrats avec les fermiers de la région.

Une ferme unique en son genre

La ferme accueille et met en place les expérimentations en champs pour différentes unités dans des domaines très variés : lutte alternative contre les ravageurs, microbiologie des sols, images prises par des drones… Tous les départements de Gembloux Agro-Bio Tech peuvent avoir recours à ses services. Les données collectées par les nouveaux équipements seront également exploitées par le programme de recherches AgricultureIsLife.be. Lancée il y a près de trois ans, cette plateforme scientifique occupe actuellement une vingtaine de doctorants, belges ou étrangers, invités à travailler en interdisciplinarité*. « L’agriculture de demain doit répondre à des défis colossaux, qui ne sont plus seulement alimentaires ou énergétiques, explique Bernard Bodson. Dans le contexte du déclin de la biodiversité ou de la lutte contre le dérèglement climatique, elle doit rendre de nouveaux services, dits “écosystémiques”, à la société. L’agriculture du futur doit donc faire appel à des compétences qui ne peuvent rester isolées. De là notre intention de maximaliser le dialogue entre les doctorants. Ce sont eux qui détiennent les clés pour l’avenir. »

* AgricultureIsLife travaille dans quatre secteurs : performances des agroécosystèmes innovants, recyclage des résidus de cultures, nouveaux outils et technologies, valorisation des produits agricoles.

Philippe Lamotte
Photos : Quanah Zimmerman
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