December 2014 /239
TypeArt

Anne-Marie Etienne

Vers une nouvelle compréhension de la santé

Les 15, 16 et 17 décembre, l’ULg accueillera le 8e congrès de l’Association française de psychologie de la santé (Afpsa). Cette discipline – qui s’est développée aux Etats-Unis dans les années 80 – est encore relativement méconnue chez nous mais suscite un intérêt croissant de la part des scientifiques européens. La preuve ? 240 personnes participeront au congrès, lequel proposera 120 communications orales et 120 posters.
Le point avec le Pr Anne-Marie Etienne, professeur au département de psychologies et cliniques des systèmes humaines (psychologie de la santé), à l’initiative de la rencontre organisée conjointement avec l’UCL, l’ULB et l’UMons.

EtienneAnneMarieLe 15e jour du mois : Comment définissez-vous la psychologie de la santé ?

Anne-Marie Etienne : C’est une discipline qui se situe au carrefour de la médecine et de la psychologie. Elle considère la maladie sous un angle psychosocial, s’intéresse aux causes et aux conséquences de la pathologie et entend proposer des solutions – préventives et curatives – qui impliquent des modifications dans nos comportements et dans nos représentations mentales. En d’autres termes, la psychologie de la santé étudie aussi bien la “bonne santé” que l’étiologie (soit les causes et les facteurs prédictifs de la maladie). A côté des facteurs biologiques, nous pensons en effet que des éléments psychologiques interviennent dans l’irruption d’une pathologie comme dans une guérison. Et cette interdépendance entre biologie et psychisme doit être prise en compte dans l’approche du malade et dans la mise au point de son traitement.

Le congrès envisagera notamment les “nouveaux enjeux pour la psychologie de la santé”. Un de nos objectifs est en effet de promouvoir la recherche dans ce domaine novateur qui a l’ambition de prédire les comportements malsains, d’optimiser la prévention en matière de santé, de comprendre le rôle de la psychologie dans l’expérience de la maladie et d’évaluer son impact dans le traitement.

En plus des sessions-posters et autres symposiums, trois conférences plénières rythmeront le congrès : le Pr Marie Préau (université de Lyon) évoquera les évolutions sociales de notre société qui impliquent de repenser les concepts et méthodes de notre discipline; le Pr Philippe De Timary (UCL) présentera le résultat de ses recherches sur le rôle de l’intestin dans la dépendance à l’alcool et, en clôture des trois jours de rencontre, le Pr Stan Maes, un des fondateurs de la Société européenne de psychologie de la santé (EHPS), s’interrogera sur l’avenir de notre discipline.

Le 15e jour : Comment expliquez-vous le succès de cette approche à l’heure actuelle ?

A-M.E. : Je pense que cela résulte d’un intérêt croissant pour la psychologie et l’adoption de comportements plus sains dans les modifications du mode de vie occidental. Notre population vieillit et l’activité professionnelle génère beaucoup de frustration et de stress responsables, pour une part, de certaines affections. En détectant les prédicteurs de maladies, les psychologues ont élaboré de nouvelles méthodes qui participent au “bien-être” général, de manière à réduire les effets nuisibles du stress. Ce n’est pas un hasard si nous assistons aujourd’hui à l’émergence de courants de recherche comme la psychologie positive ou les thérapies dites de troisième génération telle que la mindfulness, la thérapie de l’acceptation, etc.

Par ailleurs, cette approche concerne également les gens bien portants. L’optimisme ou la résilience sont des objets d’étude ! Comprendre comment des individus font face au stress, par exemple, comment ils se protègent, c’est aussi participer au traitement des personnes en burn-out. Un doctorant de mon équipe mène pour l’instant une recherche sur la qualité de vie de parents d’enfants atteints de mucoviscidose, une maladie dégénérative grave, mais mieux soignée aujourd’hui. Si la compliance au traitement est essentielle, nous pensons que la qualité de vie des parents – et donc la réduction de leur stress – influe aussi sur le bien-être de l’enfant et donc sur l’évolution de sa maladie.

Le 15e jour : La qualité de vie ?

A-M.E. : La perception que vous avez d’un domaine de votre vie est tributaire des buts que vous vous fixez pour atteindre le bonheur. Plus l’écart entre mon objectif et la réalité est grand, plus l’angoisse se manifeste et on sait qu’elle est délétère pour la santé ; plus l’écart est faible, plus la qualité de vie est bonne.

Résorber au maximum ces écarts est donc un objectif pour réduire l’angoisse. Pour prendre en charge un patient, le psychologue doit déterminer quelle “stratégie d’ajustement” le patient met (ou non) en place face au stress. C’est ce que l’on appelle le coping : soit le patient corrige son comportement, soit il modifie la tension émotionnelle. C’est là, notamment, que peut porter notre action. Un des doctorants du service commence une recherche sur les parents d’enfants atteints d’un cancer. Il s’agit ici d’une recherche fondamentale qui vise à mesurer la gestion de l’incertitude face à l’avenir de leur enfant et son impact sur leur propre détresse émotionnelle.

Le 15e jour : Existe-t-il une formation spécifique en psychologie de la santé ?

A-M.E. : La Hollande et l’Angleterre ont officialisé la spécialisation qui constitue là-bas un métier distinct dont le cursus est clairement identifié. A Liège, cette matière est maintenant enseignée en 3e année de bachelier, mais il me semble qu’elle pourrait faire l’objet d’une filière spécifique en master. En attendant, je plaide pour la mise en place d’un certificat complémentaire en psychologie de la santé, à l’instar du certificat en psycho-oncologie (créé en 2010, dans le droit fil du “plan cancer” de Laurette Onckelinx) et du certificat en psychologie clinique (2014). Cela contribuerait certainement à dynamiser la recherche et à préciser le statut du psychologue de la santé par rapport au psychologue clinicien.

Evolutions sociales, innovations et politiques : nouvelles questions et nouveaux enjeux pour la psychologie de la santé

8e congrès de l’Association française de psychologie de la santé, les 15, 16 et 17 décembre à l’ULg, place du 20-Août, 4000 Liège.

Contacts : tél. 04.366.20.13, courriel afpsa2014@ulg.ac.be, site https://conferences.fapse.ulg.ac.be/AFPSA/

Propos recueillis par Patricia Janssens
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