Février 2015 /241

Parcours d’un alumni

À bel ouvrage, bel hommage

Ardennais d’origine, Jean-Marie Crémer poursuit ses études secondaires et supérieures à Liège. En 1968, il obtient son diplôme d’ingénieur civil des constructions à l’université de Liège. Cinq ans plus tard, René Greisch l’engage au sein du bureau d’études qu’il a fondé en 1959. Crémer acquiert d’emblée sa confiance et mènera toute sa carrière à ses côtés. Il est l’instigateur d’un ouvrage paru aux Prisme Editions* qui éclaire la personnalité et le parcours d’une figure marquante de l’histoire de la construction contemporaine en Belgique et analyse les méthodologies et les innovations mises au point par René Greisch.

Le 15e jour du mois : Vous avez effectué la quasi-totalité de votre carrière au sein du bureau d’études Greisch.

Jean-Marie Crémer : En effet. J’ai été engagé en janvier 1973 alors que le bureau répondait à un concours pour le viaduc de Vilvorde. Très naturellement, j’ai pris les choses en main et posé les bases d’une collaboration étroite avec René Greisch. Vilvorde constitue d’ailleurs une étape importante : nos propositions étaient novatrices et performantes si bien que plusieurs entrepreneurs feront, par la suite, appel à nous dans le domaine des ponts. René Greisch a d’emblée senti que j’étais à l’aise avec cette matière dont je suis devenu responsable au sein de son équipe. Mon implication dans les activités du bureau ne cessa de croître, ce qui m’amena à en accepter la gestion en 1985 et, cinq ans plus tard, la responsabilité d’administrateur délégué que je conserverai jusqu’en 2010.

Le 15e jour : A quand remontent les collaborations du bureau avec l’université de Liège ?

J-M.C. : Au début des années 1970, j’ai pris des contacts à l’Université, en particulier avec René Maquoi qui avait défendu une thèse de doctorat dans le domaine des problèmes de stabilité des ponts métalliques. Notre collaboration a tout de suite été fructueuse. Très vite, René Greisch et moi-même avons été sollicités pour parler de notre métier aux étudiants ingénieurs. Lors de la succession du Pr Baus, au début des années 1980, j’ai donné, en tant que collaborateur scientifique, des leçons sur la conception et les méthodes de construction des ouvrages.

CremerJeanMarieLe 15e jour : René Greisch décède en juillet 2000. Patron pendant plus de 40 ans d’un bureau d’études, il a développé une véritable vision de l’art de bâtir. Pourriez-vous la synthétiser en quelques mots ?

Photo : Jean-Marie Crémer (à gauche) et René Greisch, 1992
© Jean-Luc Deru

J-M.C. : Il cultivait deux valeurs fondamentales : la rigueur et la remise en question. Pour le métier d’ingénieur tel que nous le concevons, ces qualités s’avèrent fondamentales et intimement liées. Pour innover, il faut être rigoureux. Si nous avons pu aller de l’avant, c’est parce que nos clients étaient conscients que nous développions nos projets dans un esprit de précision et de rationalité. Pour le secteur des ouvrages d’art par exemple, nous avons mis au point des structures audacieuses, ce qui avait de multiples conséquences non seulement sur la stabilité des réalisations, mais aussi sur leur pérennité et sur leur économie, tant à la construction qu’à l’usage. Par ailleurs, notre collaboration avec l’Université a conforté notre notoriété : nos clients savaient que nous étions accompagnés par des chercheurs à la pointe dans les aspects théoriques.

Le 15e jour : René Greisch a développé aussi une vision esthétique de son métier.

J-M.C. : Il faut souligner son goût précoce pour les pratiques artistiques. Son frère Roger qui poursuit une intéressante carrière de peintre l’y familiarise dès l’adolescence. Dans son travail d’ingénieur et son métier d’architecte, il était influencé par la pensée moderniste : il nourrissait une admiration particulière pour les créateurs allemands, Ludwig Mies van der Rohe notamment. Mais des personnalités comme Roger Bastin ou Charles Vandenhove qu’il accompagne dès les années 1960 en tant qu’ingénieur conseil l’ont aussi durablement impressionné. S’il fallait épingler des réalisations particulières, je citerais, sur le plan de l’ingénierie, les ponts de Haccourt et de Wandre ; dans le secteur de l’architecture, nos bureaux inaugurés au Sart-Tilman en 1994, sans oublier la faculté des Sciences appliquées et le Trifacultaire pour l’ULg – lequel avait d’ailleurs soulevé, en raison de son austérité, une réelle polémique. Ce sont des observateurs extérieurs, flamands notamment, qui en ont relevé la pertinence. Il faut reconnaître que René Greisch s’est très peu attaché à la diffusion de son oeuvre. La visibilité de notre équipe est venue de son savoir-faire et de quelques opérations spectaculaires comme la rotation du pont de Ben Ahin en 1987. Plus d’une décennie après la disparition de René Greisch, il m’a paru impérieux de lui rendre hommage à travers une monographie abondamment illustrée.

* Pierre Henrion, René Greisch, ingénieur architecte, Prisme Editions, Bruxelles, 2014.

Propos recueillis par Pierre Henrion
Photo : Jean-Luc Deru
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