March 2015 /242

La 3D en appui à la décision

Le temps de la carte papier et du plan topographique réalisé à l’encre est désormais très, très lointain. Aujourd’hui, la représentation informatique 3D les remplace avantageusement, surtout lorsqu’elle intègre de multiples sources d’information.

Il y a quelques années, la Bibliothèque royale de Belgique a publié in extenso le très bel atlas Ferraris, une somme de 275 cartes datant de 1777. Si l’ouvrage a tout son poids, tant physique qu’historique, ce genre de documents est maintenant remplacé, avec profit, grâce à l’introduction du système d’information géographique (SIG*). « Le passage à une cartographie numérique n’a cependant pas changé fondamentalement le mode de représentation : l’information géographique numérique est restée en 2D, rappelle Roland Billen, professeur à l’unité de géomatique du département de géographie en faculté des Sciences. Par la suite est apparue la représentation en 3D, mais essentiellement en sa qualité de complément visuel permettant des rendus plus réalistes, notamment des vues urbaines. »

Intégration

Actuellement, une nouvelle tendance voit le jour, à savoir l’utilisation de la 3D non plus comme un gadget visuel mais comme base de structuration de l’information. « Classiquement dans une cartographie de ville, un bâtiment est représenté en 2D par son emprise au sol avec des légendes de couleurs ou des signes identifiant ses fonctions (école, commerce, logement, bureau, etc.), détaille le professeur. Or la 3D permet de représenter des volumes qui correspondent aux différentes composantes ou affectations dudit bâtiment avec plus de détails (par exemple, appartement par appartement) et d’y attacher précisément toute une série d’informations (cadastrale, socio-économique, environnementale, etc.). » La modélisation 3D devient alors un outil de gestion en tant que telle. Dès lors qu’elle ouvre la possibilité d’analyser des fonctions en regard de certains paramètres, qu’ils soient socio-économiques ou naturels, comme par exemple l’exposition au soleil ou aux vents, la modélisation 3D devient un outil de gestion à part entière.
Maquette3DPhoto : Reconstruction 3D de la maquette de Liège au XVIIIe siècle de Gustave Ruhl.
© Collections artistiques de l'ULg

La 3D permet également de réaliser la synthèse de toutes les données existantes relatives à un bâtiment ou à une portion de ville. « Des dizaines de cartes, de sources diverses peuvent être réunies en une seule : le cadastre, les réseaux de distribution de gaz et d’électricité avec les plans d’évacuation d’urgences, entre autres », observe le Pr Billen. On est ici aux bases des SIG urbains, des Building Information Model (BIM) : ils sont le socle intégrateur de tout bon projet de Smart City dont on parle tant aujourd’hui. La visualisation des données 3D d’un projet urbain depuis sa planification jusqu’à sa réalisation concrète est de plus facilitée par la “réalité augmentée” qui offre des possibilités d’analyse intéressantes. « À présent, note encore Roland Billen, la 3D doit devenir la référence spatiale sur laquelle les autres informations viennent se greffer et jouer un rôle de plateforme intégratrice, tout en assurant la cohérence avec les données 2D. La démarche a notamment été utilisée dans le projet Virtual Leodium dans lequel des données historiques sont liées à des bâtiments en 3D liégeois tels qu’ils étaient au XVIIIe siècle. »
Si la collecte et le traitement des données sont essentiels pour réaliser de tels modèles, c’est grâce au développement d’outils toujours plus performants – scanner, drone, etc. – qui rendent les coûts de l’acquisition des données de plus en plus abordables. Ainsi, l’équipe du Pr Billen vient de réaliser un scan complet de la cathédrale Saint-Paul de Liège dans laquelle le visiteur peut désormais se promener, virtuellement, du confessionnal à la charpente en passant par les différentes nefs. Une vision tout à fait nouvelle de l’édifice est proposée de la sorte.

Collecte de données

Plus largement, ces systèmes peuvent aussi compter sur la participation du grand public, lequel, à l’aide d’une tablette par exemple, est invité à compléter des bases de données existantes. « Cela permet d’effectuer une collecte et une mise à jour des données : certaines cartes n’ont plus été actualisées depuis des décennies alors que le paysage a, quant à lui, évolué considérablement depuis. L’utilisation de techniques de crowdsourcing ne peut être réalisée efficacement que si elle repose sur un référentiel adéquat et facilement interprétable par monsieur ou madame tout le monde. » La collecte de l’information est facilitée par la démocratisation des techniques professionnelles, par l’intérêt du grand public à participer à la description de son environnement. Les représentations 3D permettent de ne pas perdre une miette d’information des sources, parfois fort hétérogènes. « La 3D offre l’avantage de structurer réellement l’information et, par conséquent, de faciliter l’intégration de toutes les sources. » Les systèmes de demain sont déjà à l’étude, ajoute Roland Billen : « Nous ne pouvons pas nous permettre de nous arrêter à la 3D ! »
Les futurs systèmes seront encore plus complexes et permettront des analyses spatio-temporelles incluant, entre autres, le facteur temps dans la modélisation. « Il sera dès lors possible de prendre en compte l’évolution permanente du monde dans lequel nous vivons », conclut le professeur.

Voir la vidéo sur www.ulg.tv/virtualleodium

* Le SIG est un système d’information qui intègre, stocke, analyse et diffuse l’information géographique. Les applications liées aux SIG permettent aux utilisateurs d’interroger des données spatiales. Ils peuvent ainsi répondre à un questionnement via l’analyse de données au travers de cartes et peuvent prendre en compte les dimensions spatiales liées à leur questionnement. Les applications SIG offrent également la possibilité d’éditer, de mettre à jour l’information via une représentation cartographique.

La 3D en géomatique : des instruments de gestion derrière les images

Conférence organisée par Liège Créative, par le Pr Roland Billen, le mercredi 11 mars à 12h au château de Colonster, Sart-Tilman, 4000 Liège.

Informations et inscription sur le site www.liegecreative.be

 

Pierre Demoitié
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