April 2015 /243

Briser la glace

Plongée en antarctique et étude du changement climatique

PhotosAntarctiqueEn Antarctique, les conditions climatiques ont beau être extrêmes, elles restent stables. C’est du moins ce que croyait Loïc Michel, chercheur au sein du laboratoire d’océanologie, avant de s’y rendre. Les prélèvements effectués sur place témoignent d’une autre réalité. Une nuit qui ne tombe jamais. Des températures oscillant entre 0 et -10 degrés. Sans parler du vent parfois glacial, capable de donner des frissons à un manchot, ni de la température de l’eau : -2 degrés. Brrr ! Cela n’a pas empêché Loïc Michel de revêtir sa tenue de plongée pour sonder les tréfonds de l’océan austral… Cela aurait pu être pire : lorsqu’il y a résidé, entre fin novembre et début février derniers, c’était l’été en Antarctique. Pour un post-doctorant qui avait passé les premières années de sa carrière académique sous le soleil de la Corse, le choc thermique fut rude. Mais l’expérience, inoubliable. Humainement, et surtout scientifiquement.
Loïc Michel avait rejoint la base française Dumont d’Urville, située dans l’est du continent, dans le cadre du projet européen “Verso” financé par Belspo*. Un vaste programme de recherches ayant pour but d’étudier les changements biologiques à l’oeuvre dans cette partie du monde. Sa mission : analyser la structure des chaînes alimentaires. Et donc effectuer des prélèvements sur les mollusques, oursins, étoiles de mer, pycnogonides… autrement dit tout ce qui permettrait de comprendre comment se comporte cette faune dans un endroit a priori épargné par la fonte des glaces. Puis comparer la situation avec celle de la zone située à l’ouest de l’Antarctique, souffrant, elle, fortement du réchauffement du globe.
Voilà pour la théorie. Sauf qu’en réalité, cette partie du continent n’est pas du tout ménagée par le dérèglement du climat ! Si à l’ouest les glaces fondent, à l’est, elles ne fondent… plus ! Depuis deux ans, la base Dumont d’Urville reste entourée d’une couche de glace épaisse d’1,5 m à 2 m. Alors que durant un été “normal”, tout aurait dû disparaître et ainsi permettre un brassage de la mer.
Bref, Loïc Michel pensait travailler sur une zone témoin, alors que ses prélèvements lui serviront finalement à appréhender un phénomène nouveau. « En Antarctique, les conditions de vie sont certes extrêmes, mais elles étaient jusqu’alors très stables. Les organismes y étaient adaptés. Or avec ce refroidissement, comme il n’y a plus de brassage de l’eau, des algues microscopiques vont s’accumuler sur le fond de la mer », constate-t-il. Des rochers aux animaux et végétaux fixés, tout est recouvert par ce biofilm. Cette surabondance sera-t-elle bénéfique pour les animaux qui s’en nourrissent ou bien néfaste si elle empêche l’accès à d’autres sources d’aliments ? C’est ce que devra désormais démontrer le chercheur liégeois. Du moins lorsqu’il aura reçu ses 800 prélèvements, lesquels devraient arriver par bateau dans deux ou trois mois.
Les analyses pourront alors commencer. En plus d’examiner les estomacs (dont le contenu n’est pas toujours représentatif), Loïc Michel s’intéressera aux isotopes stables, ces traceurs chimiques présentsde manière quasi indélébiles dans la peau, les muscles ou les os, lesquels permettent de déterminer avec précision quel type d’alimentation a été assimilé. Une tâche assez longue, au terme de laquelle on devrait en savoir un peu plus sur les impacts inattendus des changements climatiques sur cette partie de l’Antarctique. À suivre.


* Belspo : www.versoproject.be

Mélanie Geelkens
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