May 2015 /244

Vocation femme

Soirée-débat organisée par le FER ULg

LaReligieuseLe 9 juin, à la Cité Miroir, le groupe Femme Enseignement Recherche (FER ULg) organise une soirée-débat autour de La Religieuse de Diderot, avec la projection de son adaptation cinématographique par Guillaume Nicloux. Cette rencontre sera animée par Marie-Elisabeth Henneau, historienne et spécialiste de la question des religieuses dans l’Ancien Régime.
En 1760, au moment où il entame La Religieuse, Denis Diderot, né à Langres 47 ans plus tôt, a déjà écrit Les Bijoux indiscrets et La Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient. Avec d’Alembert, il a également publié les sept premiers volumes de l’Encyclopédie qui, après avoir été condamnée par le Parlement de Paris, est mise à l’index par le pape Clément XIII et a vu son privilège révoqué par la Conseil du roi. En 1780, il achève son roman qui ne verra le jour qu’en 1796, 12 ans après sa mort.

Vocation contrainte

A travers le destin de Suzanne Simonin, désireuse de fuir le couvent où elle est entrée contre son gré à cause de sa condition de fille naturelle, Diderot dénonce les vocations contraintes. « Selon un cliché répandu, commente Marie-Elisabeth Henneau, une fille qui entre au couvent, c’est soit parce qu’elle y a été forcée par ses parents, soit parce que, laide et caractérielle, elle n’a pas pu être mariée. Or, au XVIIIe siècle, ce n’est pas nécessairement vrai. Ce peut être valorisant. être religieuse assure à la jeune fille une éternité à laquelle elle croit. Cela offre des perspectives de vie relativement confortables. L’espérance de vie est plus longue, on ne risque pas de mourir en couches, par exemple. Des soins sont apportés, une sécurité est offerte. Dans certains couvents, les religieuses peuvent accomplir une démarche intellectuelle qui n’est pas toujours possible dans leur famille. Elles ont une bibliothèque à leur disposition, elles sont initiées à la musique, à l’art. »
Certaines filles sont confiées par leur famille à des institutions religieuses pour être éduquées. Ensuite, soit elles réintègrent la vie civile, soit elles restent, par choix ou – comme Suzanne – par obligation. « Comme elles n’ont rien connu d’autre, ce n’est pas toujours douloureux, constate la chercheuse. Elles y font leur vie sans qu’il n’y ait forcément de drame. Mais toutes les religieuses ne sont pas nécessairement passées par les écoles des couvents. Il arrive que certaines veuillent y entrer pour échapper à un mariage forcé. Et les couvents refusent parfois des candidates. Cette question existe depuis la fin du Moyen Âge et l’Église est vigilante à ce propos : elle contrôle beaucoup mieux les admissions. Certaines jeunes filles parviennent à en sortir. Les hommes et les femmes ont certains droits, les femmes peuvent s’exprimer et s’opposer. »
Le roman de Diderot a donné lieu à deux adaptations cinématographiques. Présentée en 1966 au Festival de Cannes, celle de Jacques Rivette avec Anna Karina est sortie en 1967 après un an d’interdiction. En 2013, Guillaume Nicloux en a offert une nouvelle version fidèle à l’esprit de l’oeuvre malgré une fin modifiée. La projection de ce film, interprété par Pauline Etienne, Louise Bourgoin et Isabelle Huppert, est l’occasion, pour le FER ULg, de débattre de sujets contemporains comme l’enfermement, la liberté du choix de vie et la non-maternité.

Liberté, maternité, identité

« Il s’agit de mettre l’accent sur la question de la liberté de l’engagement des femmes, de leur enfermement, de leur mise à l’écart aujourd’hui dans certaines cultures religieuses, explique Marie-Elisabeth Henneau. On constate que, malgré une apparente égalité garantie par les lois, les femmes ne jouissent pas des mêmes libertés que les hommes sur le plan du choix de vie, de carrière, etc. Elles sont souvent définies en fonction d’un objectif : être mère. Or il en existe qui, pour toutes sortes de raisons, ne peuvent ou ne veulent pas le devenir. Comment vivent-elles cela ? La société porte souvent sur elles un regard critique malgré des discours d’ouverture. Tandis que, sur le plan professionnel, celles qui veulent avoir des enfants sont pénalisées. On assiste alors à ce paradoxe : si une femme a des enfants, ce peut être gênant pour son insertion professionnelle. Mais si elle n’en n’a pas, elle perd, aux yeux de la société, une part de son identité. »

La Religieuse, de Guillaume Nicloux

Projection-débat organisée par le FER ULg, et animée notamment par Marie-Elisabeth Henneau, le mardi 9 juin à partir de 18h, à la Cité-Miroir, place Xavier Neujean, 4000 Liège.

Contacts : courriel mehenneau@ulg.ac.be, réservations, tél. 04.230.70.50, courriels reservation@citemiroir.be ou jdor@ulg.ac.be



Michel Paquot
Sur le m�me sujet :
|
Egalement dans le n°269
Éric Tamigneaux vient de recevoir le prix ACFAS Denise-Barbeau
D'un slogan à l'autre
Résultats de l'enquête auprès de "primo-arrivants" en faculté des Sciences
21 questions que se posent les Belges
Le nouveau programme fait la part belle à l’histoire de la cité
Panorama des jobs d'étudiants