Juin 2015 /245

Un Parlement Citoyen Climat

En automne prochain, 50 habitants de la province de Luxembourg participeront au Parlement Citoyen Climat

En automne prochain, près de 50 habitants de la province de Luxembourg tirés au sort participeront au “Parlement Citoyen Climat” (PCC). Il s’agit d’un dispositif d’écoute et de délibération qui vise à apporter une réponse concrète aux enjeux climatiques de demain, sur base non seulement d’une expertise scientifique mais également – nouveauté – des pratiques du citoyen. L’aboutissement de ce projet de longue haleine est le fruit d’une collaboration étroite entre l’équipe de recherche socio-économie, environnement et développement (Seed) de l’ULg et la cellule de développement durable de la province de Luxembourg. Rencontre avec deux des protagonistes : Pierre Stassart, ingénieur, sociologue et directeur du Seed, et Thérèse Mahy, députée provinciale en charge du développement durable.

Le 15e jour du mois : Comment est né le Parlement Citoyen Climat ?

StassartPierrePierre Stassart : Alors que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) affirme que nous allons vers un changement climatique important d’origine anthropique, pour différentes raisons notamment liées à la crise économique, cette question mobilise trop peu les citoyens. Et pourtant, tandis que les hommes politiques s’essoufflent sur la question, les “désillusionnés par le politique” s’activent dans le monde associatif. Cela montre que les citoyens sont prêts à s’engager dans l’espace public, à soutenir les institutions et les élus, mais qu’ils aspirent à de nouvelles formes d’engagement.

Le 15e jour : Quelle a été la participation de l’ULg dans ce projet ?

P.S. : Au niveau méthodologique, forte de son expérience et de sa vision des enjeux en sociologie de l’environnement, l’équipe Seed a d’abord identifié l’objectif, soit la participation citoyenne au défi climatique. Mais c’est le partenariat avec la Province qui est réellement intéressante : il ne s’agit plus d’une expérimentation en laboratoire mais bien de délivrables à fournir à la Province en termes d’action publique. Il faut également préciser que le PCC se tiendra sur le campus environnement d’Arlon, soit hors des enceintes politiques habituelles, ce qui va, je pense, lui donner une certaine crédibilité en termes d’objectivité notamment. De plus, cela me semble primordial que l’ULg soutienne un processus à la charnière de la recherche et du service, qu’elle y apporte sa crédibilité scientifique et, surtout, un certain esprit d’entreprise. Cela prouve que l’Université est ancrée dans la cité et dans son temps.

Le 15e jour : Le tirage au sort est certes une méthode originale, mais en quoi garantit-il l’égalité et l’impartialité ?

P.S. : La réponse est assez complexe, mais disons que c’est une manière de réduire les biais qui existent dans les systèmes représentatifs, professionnels de la politique ou participatifs. Il ne faut cependant pas lui attribuer une espèce de virginité complète. Pour assoir sa crédibilité, nous avons travaillé avec une agence extérieure qui sera chargée du tirage au sort. Son échantillonnage tiendra également compte d’une correction vis-à-vis des groupes généralement peu représentés, à savoir les femmes, les jeunes et les sans-emplois.

Le 15e jour du mois : Qu’est-ce que le Parlement Citoyen Climat (PCC) ?

MahyThereseThérèse Mahy : La province de Luxembourg est très active en matière de développement durable. En 2014, elle s’est définie “Territoire à énergie positive”, se fixant ainsi un objectif de neutralité énergétique à l’horizon 2050. La même année, elle a également signé la “Convention des maires” et par là s’est engagée dans l’élaboration et la mise en oeuvre d’un plan d’actions avec les communes pour lutter contre le réchauffement climatique. Au niveau politique, le PCC s’inscrit donc dans une continuité. C’est une action de plus, certes, mais plus ambitieuse, plus originale et plus que jamais proche du citoyen. J’aime l’idée que le citoyen, qui n’est pas nécessairement un spécialiste en la matière, devienne grâce à une expertise pointue un “acteur du changement”. Enfin, c’est aussi un projet où le politique et le scientifique unissent leurs forces dans une équipe professionnelle et motivée.

Le 15e jour : Recourir à la démocratie directe, c’est une nouvelle tendance politique ?

T.M. : Je pense que la démocratie représentative traditionnelle ne suffit plus à garantir l’engagement des citoyens dans la transition de nos sociétés vers plus de pérennité. Donner la parole au citoyen, c’est surtout lui permettre de se réapproprier un mode de vie et de fonctionnement. Plus personnellement, avant de définir les objectifs de mon programme, j’ai eu besoin de m’entourer d’experts, d’entendre les citoyens afin qu’ils nourrissent ma politique. Le développement durable est le cadre idéal pour cela, car c’est une matière qui touche les gens au quotidien mais qui paradoxalement reste encore nébuleuse à leurs yeux. Ce projet est donc une manière de les toucher en les impliquant. Mais je sais aussi que s’il soumet des propositions, le citoyen attendra du politique qu’il les réalise. Je sais que ce ne sera pas simple, car je ne suis pas la seule à décider et parce que le développement durable est une matière difficile, transversale et qui touche les niveaux européens, fédéraux et régionaux entre grandes avancées et grands reculs.

Le 15e jour : Justement, quelles ont été les réactions autour de vous ?

T.M. : On me prend pour une belle rêveuse, mais vous savez c’est toujours difficile d’innover. Ce projet, moi j’y crois profondément. Il me passionne et j’espère que je pourrai transmettre cette passion autour de moi.


Voir le site www.parlement-citoyen-climat.be

Propos recueillis par Martha Regueiro
Photos : J.-L. Wertz
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