January 2016 /250

Croissance verte

Le plein d'énergie

La “croissance verte” – l’idée selon laquelle la croissance économique pourra reposer sur l’utilisation des énergies “renouvelables” et sur l’amélioration de l’efficacité énergétique – sera-t-elle suffisante pour maintenir le niveau de prospérité tel qu’on le connaît en Europe aujourd’hui ? Voici en substance la question que pose Raphaël Fonteneau, chercheur postdoctoral en mathématiques appliquées à l’énergie et aux réseaux électriques (Institut Montefiore). Mais alors qu’on l’imaginait parachevant une intrication d’équations, cet ingénieur ravive volontiers son âme d’historien en observant l’évolution des civilisations sous l’angle de leur approvisionnement en énergie. « La prospérité des sociétés est étroitement liée à leur utilisation d’énergie, postule-t-il d’emblée. En effet, la production, la distribution et l’utilisation de la plupart des biens et des services nécessitent de l’énergie. »

Et de faire référence à l’époque romaine où l’énergie provenait quasi exclusivement de l’agriculture permettant de nourrir les muscles des hommes et des animaux. Les Romains avaient également recours aux pillages, par lesquels ils mettaient la main sur des richesses sans avoir à les produire, ce qui revient indirectement à s’emparer des ressources (énergie, matériaux) ayant permis la fabrication des objets dérobés. Ce dernier procédé n’étant pas “renouvelable”, certains anthropologues (dont Joseph Tainter) ont identifié la raréfaction de l’énergie comme étant un facteur déterminant du déclin de l’Empire. Captivant, Raphaël Fonteneau est capable de parcourir les siècles pour multiplier les exemples montrant cette primauté de l’énergie.

Actuellement, 80 % de l’énergie primaire mondiale provient de ressources non renouvelables. Au-delà de l’impact écologique de la consommation d’énergie fossile, il s’agit de pérenniser notre approvisionnement en énergie. Mais le fait d’être renouvelable n’est pas suffisant : il est aussi nécessaire de prendre en compte le “taux de retour énergétique” (ERoEI). « Les premiers champs de pétrole avaient un ERoEI supérieur à 50 car il suffisait de creuser un trou pour extraire l’or noir aux États-Unis. Actuellement, la moyenne mondiale est comprise entre 15 et 20. Pour ce qui est du photovoltaïque et des éoliennes, on se situe entre 10 et 20 », illustre notre interlocuteur. Pas assez ? « Il n’a pas été montré que l’on pouvait découpler la croissance économique de l’utilisation d’énergie (de manière directe et indirecte via les délocalisations), même dans une économie soi-disant dématérialisée. Et si l’on souhaite une société proposant des métiers diversifiés, avec un système de santé évolué et une vie culturelle riche, l’ERoEI de l’approvisionnement énergétique doit être au minimum de l’ordre de 10-15. » Il s’agira donc de déployer intelligemment ces moyens de production d’énergie afin d’en maximiser l’efficacité avec, pourquoi pas, un renforcement des réseaux électriques pour connecter les régions en fonction de leurs potentiels (soleil, vent, hydroélectricité). Cela suffira-t-il pour réussir la transition énergétique ? La question reste ouverte. Elle en appelle une autre : et si l’énergie du futur était aussi celle que l’on ne consommera pas ?

Fabrice Terlonge
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