Février 2016 /251

Modéliser pour projeter

Stockage des déchets nucléaires

Depuis plusieurs décennies, de nombreux pays ont entrepris de construire des laboratoires souterrains qui permettent de tester des hypothèses de stockage sur le très long terme de déchets nucléaires. Différentes études ont permis de faire évoluer les connaissances. C’est le cas en ce qui concerne le comportement des roches qui vont accueillir ces déchets. Cela est dû, notamment, au développement des outils de calcul qui permettent aujourd’hui de modéliser ces comportements de manière fine, sur plusieurs dizaines de milliers d’années.

Le laboratoire de géomécanique et géologie de l’ingénieur (département Argenco de la faculté des sciences appliquées de l’université de Liège), dirigé par les Prs Robert Charlier et Frédéric Collin, est une des rares équipes d’Europe qui travaillent sur ce domaine numérique. Trois thèses de doctorat viennent d’y être soutenues, qui démontrent la compétence de ce laboratoire en la matière.

Dans sa thèse, Benoît Pardoen s’est intéressé à la roche argileuse qui abrite l’expérience menée par la France sur le site de Bure et plus particulièrement aux phénomènes qui se produisent lors du creusement de cette argile, puis lors des phases d’exploitation et de maintenance. Des expériences menées précédemment, notamment sur le site français, avaient montré que lors du creusement, des zones endommagées, des zones de fracture se créent autour de la galerie. Ces zones prennent la forme d’anneaux elliptiques situés aussi bien verticalement qu’horizontalement par rapport à la direction de creusement. Ce qui était inexpliqué. La thèse de Benoît Pardoen a permis de modéliser l’apparition de ces phénomènes, tant les ellipses verticales (les plus simples à modéliser) que les horizontales. « Cela ne va pas influencer le creusement, conclut le jeune chercheur, mais cela permet d’expliquer ce qui se passe et d’apprécier, suivant la manière dont on creuse, les risques d’interactions entre zones de fracture et donc l’augmentation de la perméabilité de la roche autour de la galerie. » Il est en effet très important de pouvoir comprendre le comportement des roches à long terme et, pour cela, il faut être capable de le modéliser. C’est ce qui a été réalisé ici sur des périodes allant parfois jusqu’à 100 000 ans.

La deuxième thèse, celle défendue par Fatemeh Salehnia, porte elle aussi sur la modélisation du comportement de la roche, mais avec deux différences notables par rapport à la précédente. Tout d’abord, elle utilise des données en provenance du site belge de Mol, certes creusé lui aussi dans de l’argile… mais une argile fort différente de celle de Bure : elle est, notamment, plus perméable et, surtout, plus déformable, ce qui nécessite de placer dans les galeries des soutènements composés de blocs de béton. Modéliser le comportement du béton en interaction avec la roche a été un des points forts de la thèse de Fatemeh Salehnia : à Mol comme à Bure apparaissent lors du creusement des zones endommagées. La pression de la roche sur le soutènement est dès lors fort hétérogène. Il a fallu également prendre en compte la viscosité du béton, c’est-à-dire sa déformation sur le très long terme. « Cela n’était pas du tout prévu quand j’ai commencé mes recherches, se souvient la jeune chercheuse. Mais nous avons dû l’envisager lorsque nous avons commencé à vouloir faire des simulations sur le long terme, car nous ne parvenions pas à expliquer les réponses obtenues. »

Retour en France et au site de Bure pour la troisième thèse, celle défendue par Anne-Catherine Dieudonné. Cette fois, on ne s’intéresse plus à la roche hôte mais aux bouchons qu’on va placer par exemple pour sceller les galeries. Ces bouchons sont composés en tout ou partie d’une argile qui gonfle quand elle absorbe de l’eau. « Dans le cas qui nous occupe, explique Anne-Catherine Dieudonné, on utilise de la bentonite fortement compactée, qui contient peu d’eau. Par hydratation naturelle ou artificielle, elle va gonfler, entrer en contact avec la roche et former bouchon. » Des expériences avaient montré qu’on ne connaissait pas bien la cinétique de réhydratation. Le travail d’Anne-Catherine Dieudonné a donc consisté à essayer de mieux comprendre cette cinétique et comment évoluent la perméabilité du matériau et la pression de scellement.

article complet sur www.reflexions.ulg.ac.be (Terre/environnement)

Henri Dupuis
|
Egalement dans le n°269
Éric Tamigneaux vient de recevoir le prix ACFAS Denise-Barbeau
D'un slogan à l'autre
Résultats de l'enquête auprès de "primo-arrivants" en faculté des Sciences
21 questions que se posent les Belges
Le nouveau programme fait la part belle à l’histoire de la cité
Panorama des jobs d'étudiants