Février 2016 /251

Gérer l’eau ne s’improvise pas

Arlon Campus Environnement l'enseigne au Maroc, au Burkina Faso, au Niger et au Sénégal

GestionEau-2Mieux gérer l’eau douce disponible dans les pays du Sud. Une des missions-clés de l’équipe “Eau, environnement et développement”, à Arlon dont fait partie Joost Wellens. L’eau douce ne représente que 2,5% de la gigantesque masse liquide présente à la surface de la planète. Les deux tiers sont stockés dans les calottes glaciaires. Celle des lacs et des rivières ne représente, elle, que 0,3% du total. Aussi curieux que cela puisse paraître, cette caractéristique de rareté de l’eau n’est présente dans les déclarations internationales qu’à partir de la fin du XXe siècle.

Symbole de cette prise de conscience, la Conférence internationale sur l’eau à Dublin, en 1992, adopte quatre grands principes. Si le premier n’étonne guère – en gros : l’eau douce est indispensable à la vie –, les trois suivants retiennent davantage l’attention. Primo, la gestion de l’eau ne se fait pas en chambre ou entre gestionnaires, mais doit associer tous les utilisateurs concernés. Secundo, la femme, surtout dans les pays pauvres, en est un acteur clé car elle est à la fois l’utilisatrice et la gardienne de ce capital naturel. Enfin, troisième dimension (âprement discutée à l’époque avec les ONG) : du fait de sa valeur économique, l’eau doit être gérée avec parcimonie, particulièrement avec le souci des populations démunies.

LES PROGRÈS DE L’AGRICULTURE INTÉGRÉE

WellensJoostDepuis près de 20 ans, l’unité “Eau, environnement et développement” du département sciences et gestion de l’environnement de l’ULg, à Arlon, s’inscrit pleinement dans cette perspective à travers le concept de la “gestion intégrée des ressources en eau” (Gire) avec un accent tout particulier sur l’agriculture irriguée dans les pays du Sud. Pourquoi ? « Parce qu’elle y constitue, de loin, le plus gros poste de consommation d’eau, bien davantage que les villes, précise Joost Wellens, docteur en sciences de l’environnement et fin connaisseur du Burkina Faso. Avant la Gire, c’était un peu le chacun pour soi. Il y avait peu de place pour une approche multidisciplinaire des problèmes de gestion de l’eau. Et, sur le plan économique, chacun y allait de la maximalisation de son intérêt propre : peu importe si, en pompant dans les nappes à un endroit donné, on asséchait complètement le bassin situé en aval, au risque d’y entraîner pauvreté et/ou conflits. »

L’équipe d’Arlon est surtout active au Maroc, au Burkina Faso, au Niger et au Sénégal. « À partir d’images satellites, nous étudions la prévision des rendements agricoles et la gestion de l’eau pour l’agriculture, deux domaines étroitement liés à travers l’irrigation. Nous organisons en parallèle des formations et des activités de vulgarisation et de sensibilisation. Comme, récemment encore, pour le compte de la Coopération technique belge (CTB) qui attache une importance croissante au renforcement des capacités locales », poursuit Joost Wellens. En 2015, 160 cadres sénégalais ont bénéficié du module de formation à la Gire mise au point par l’équipe. « La Gire ne constitue pas une révolution. Mais elle peut contribuer à ce que les autorités centrales, selon le principe de subsidiarité, laissent davantage de marge de manoeuvre aux acteurs locaux dans l’élaboration de solutions aux problèmes concrets. Par exemple, avec la gestion des périmètres irrigués, ou la collecte et la gestion des redevances d’eau. »

GestionEau-3IMAGES SATELLITES

Depuis l’été dernier, les techniques d’observation de la Terre, grâce aux satellites européens Sentinels, disposent d’images gratuites de haute résolution. Celles-ci permettent de suivre l’évolution des parcelles de A à Z, depuis l’émergence des plantules jusqu’à leur sénescence, en tenant compte des ravageurs, maladies et stress hydriques. « Grâce à ces progrès, on parviendra bientôt à mettre au point des plans de gestion de l’eau bien plus fiables et précis qu’autrefois », affirme le chercheur.

GestionEau-1À Arlon, une quarantaine d’étudiants inscrits aux masters en “Pays en développement” ou en “Gestion des risques naturels” sont sensibilisés chaque année à ces matières. Leur TFE, notamment, est une occasion unique de les mettre en pratique dans ces pays.

Une autre formation Gire est prévue en 2016 dans le cadre de l’“Executive Master in sustainable management of high biodiversity environments”, un master organisé en Équateur en collaboration avec l’Universidad Central del Ecuador à Quito.

Informations sur www.eed.ulg.ac.be/recherche/projets/gire/

Si vous deviez citer trois découvertes scientifiques :

  1. La télédétection : technique qui permet l’identification des ratios des bandes spectrales et rend possible un suivi “objectif” de l’environnement (humidité superficielle du sol, développement de la canopée des cultures, etc.) en fournissant de bonnes images gratuites.

  2. Les modèles de simulation de croissance des cultures : ces outils, de plus en plus performants, reflètent de mieux en mieux la réalité. Un bon modèle permet de gagner beaucoup de temps et d’efforts dans la gestion agricole (irrigation,fertilisation, prévision des rendements).

  3. Open Data : le partage des données et de savoir-faire, souvent cité comme “l’or du XXIe siècle”.

GestionEau-4

Philippe Lamotte
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