15 km Liège Métropole

“Qui court seul est sûr d’arriver le premier”, dit un proverbe maure. Mais cette quasi-lapalissade n’a manifestement jamais été la philosophie de Jean-Paul Bruwier (diplômé en sciences économiques de l’ULg en 1994), l’organisateur des 15 km de Liège Métropole, célèbre course à pied qui, le 1er mai, se déroulera dans diverses déclinaisons de 3 à… 29 kilomètres (version trail). D’abord parce que ce père de quatre enfants est devenu le thuriféraire incontournable du “jogging pour tous” en Belgique, mais également en France et en Suisse, grâce à la vitrine qu’il a créée : l’organisation “Je cours pour ma forme”. Ensuite, parce que ce sportif de 45 ans laisse derrière lui un parcours remarquable en tant qu’athlète du 400 m haies, alors qu’il était encore étudiant. Il fut en effet huit fois champion national de sa discipline, de 1992 à 2000, et participa même aux Jeux olympiques d’Atlanta en 1996. « J’avais pu y prendre part, notamment grâce à un prolongement de mes études vers une maîtrise en administration des affaires acceptée en full scolarship à l’University of Southern California. Concrètement, je courais pour l’université en échange d’une bourse qui me permettait de vivre relativement à l’aise pendant deux ans », se souvient celui qui avait expérimenté un semblant de statut d’étudiant sportif avant l’heure.

JE COURS POUR MA FORME

Pour sa 8e édition, le plus grand événement de course à pied de Wallonie associé à la santé proposera donc des courses adaptées à tous les rythmes, y compris celui des enfants, dans le cadre prestigieux du Palais des congrès, du parc de la Boverie rénové et de la nouvelle passerelle. Plus de 20 animations y seront en outre proposées. Et l’on attend à nouveau du monde. « De 650 participants en 2009, on en comptait 4764 l’année passée, rappelle Jean-Paul Bruwier. Le profil type du joggeur a évolué aussi : de l’homme de 40-50 ans à celui de la femme de 25-35 ans. Il y a deux ou trois décennies, la course à pied était un sport plutôt individuel et compétitif. Maintenant, le jogging est collectif, avec des objectifs de santé. Les gens papotent et s’amusent : cela a complètement changé ce sport. » S’il n’y avait l’effort, on parlerait presque d’hédonisme. Quelques chiffres illustrent encore cet engouement pour ce sport bon marché et éco-responsable : 11% de la population le pratiquait en 2006; ils sont 23% à l’heure actuelle.

Le programme “Je cours pour ma forme” a débuté en 2008 afin de répondre à la demande des lecteurs du magazine Zatopek (créé un an plus tôt) de solutions concrètes pour aborder facilement un programme d’entraînement au jogging avec des objectifs de santé, sans esprit compétitif. La formule continue de séduire. En 2015, près de 185 communes ou entités ont organisé une session “jcpmf”, totalisant plus de 23 000 participants. Cette belle progression marque le succès de la Zatopek Académie et de ses trois grands principes d’efficacité : la simplicité (une ou deux fois par semaine sous l’égide d’un animateur), la convivialité et l’efficacité pour arriver à des distances de 5 ou 10 km sans s’arrêter. Dans la foulée, les joggings constituent le troisième volet événementiel de l’organisation : Liège, Woluwe, Charleroi, etc. « Nous sommes une petite dizaine de personnes à vivre du magazine, avec également des versions suisse et française. La philosophie de l’ensemble tient en peu de mots : je lis, je m’entraîne, je cours, poursuit notre interlocuteur, bien conscient qu’il surfe aussi sur une mode. Tôt ou tard, on observera un tassement, les arbres ne montent pas jusqu’au ciel... Nos magazines en format papier ont été lancés en pleine crise de l’édition; nous n’avons donc jamais connu de belles années mais nous ne sommes pas subsidiés non plus. »

ZATOPEK

Si Jean-Paul Bruwier revendique une mission d’éducation sportive face à la sédentarisation du monde du travail, notamment, il soutient aussi la volonté politique de développer un sentiment d’appartenance à la métropole liégeoise. « L’an passé, nous avions d’ailleurs opté pour des annonces publicitaires en wallon avec le fameux “A-s’ veyou L’Toré !” dans le slogan. Beaucoup se sont demandés si l’on n’allait pas carrément y amener un taureau », glousse notre admirateur d’Emil Zatopek, fameux athlète tchécoslovaque multi-médaillé et multi-recordman en course de fond, décédé en 2000 et qui eut sa période de gloire dans les années 50. On le surnommait “la locomotive tchèque” : aujourd’hui, elle entraîne plein de petits wagons wallons.