April 2016 /253

La fin des ichtyosaures

Dans un article qu’il vient de publier dans Nature Communications en tant que premier auteur, Valentin Fischer cherche à élucider les circonstances de la disparition des ichtyosaures.

Les ichtyosaures, Valentin Fischer, chargé de cours au département de géologie, les connaît bien. Il a consacré sa thèse de doctorat à ces reptiles marins qui ressemblaient à nos actuels dauphins sans cependant en être l’ancêtre, pas même des cousins lointains. Dans sa thèse, il montrait notamment qu’ils n’avaient pas disparu massivement à la fin du Jurassique (il y a 145 millions d’années), mais bien plus tard, à la fin du Crétacé (95 millions d’années).

DIVERSIFICATION ET ADAPTATION

IchtyosauresDans quelles circonstances ? C’est ce qu’il cherche à déterminer ici. Et tout d’abord, qu’en est-il de la population d’ichtyosaures au Crétacé ? Employant des méthodes de paléontologie quantitative, Valentin Fischer et ses collègues sont arrivés à la conclusion qu’il semble y avoir eu à la fois une diversité (le nombre d’espèces différentes) et une disparité (le nombre de morphologies différentes) importantes chez les ichtyosaures au Crétacé. Un pic aurait même été atteint vers le milieu du Crétacé, voici 120-130 millions d’années. Donc pas tellement longtemps (géologiquement parlant) avant qu’ils ne disparaissent. Qui plus est, ils semblent alors évoluer plus lentement que leurs ancêtres du Trias et du Jurassique. Autrement dit, nous sommes en présence d’un groupe d’animaux diversifiés – donc aptes à affronter des changements – et dont l’absence d’évolution semble montrer qu’ils sont bien adaptés à leurs milieux respectifs. Comment, alors, expliquer leur disparition ?

« Nous avons examiné une série de signaux comme le niveau des mers, la température globale et les variations du cycle du carbone et les comparons aux taux d’extinction. Mais, précise Valentin Fischer, nous l’avons fait de manière inédite, examinant les fluctuations fines qui se produisent à l’intérieur de périodes longues. Ainsi, la variation du niveau des mers peut être importante alors que la courbe des moyennes est très lisse. » L’analyse s’est avérée payante pour deux des trois variables, la température et le niveau des mers. Les chercheurs ont ainsi montré que le taux d’extinction des ichtyosaures est plus élevé lors des périodes présentant des fluctuations rapides (sur quelques milliers d’années tout de même…) et importantes. Affinant leurs analyses, les chercheurs ont aussi remarqué que l’extinction des ichtyosaures semble s’être déroulée en deux phases s’étalant sur 5-6 millions d’années. C’est court, mais ce n’est pas brutal.

CHANGEMENT D’ENVIRONNEMENT

Lors de la première, la diversité écologique disparaît. Tous les fossiles datant du Crétacé supérieur n’appartiennent qu’à une seule niche : les ichtyosaures au sommet de la chaîne alimentaire. Les deux autres niches (les espèces spécialisées, à grands yeux et petites dents et des formes intermédiaires) ont disparu. Que s’est-il passé ? La fin de Cénomanien va en effet connaître un grand pic de température. Il n’y a plus de glace sur la Terre. La séparation des continents n’a jamais été aussi rapide. Elle modifie les courants marins, la circulation thermohaline globale et le niveau des océans. Et les éruptions volcaniques sont fréquentes, qui rejettent une série de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, ce qui entraîne la fonte des glaces et accroît encore le niveau des mers.

Presque tous les groupes marins vont alors subir des bouleversements importants. Ce n’est pas une extinction massive car certains vont disparaître, mais d’autres vont apprécier ces nouvelles conditions et des radiations vont avoir lieu. « Dans la myriade de changements à cette époque, les causes précises de l’extinction des ichtyosaures sont difficiles à déceler, se désole Valentin Fischer. Il est probable que nous ne connaîtrons jamais le fin mot de l’histoire. »


article complet sur www.reflexions.ulg.ac.be
(rubrique Terre/géologie)

Henri Dupuis
Illustration : Andrey Atuchin
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