April 2016 /253

Vigilance botanique

Jusqu’ici assez rare, l’Ambroisie peut néanmoins être considérée comme une nouvelle épée de Damoclès pour la santé humaine et le rendement des cultures. William Ortmans l’étudie de très près.

Ce n’est plus un secret. Réputées pour leurs propriétés envahissantes, certaines plantes donnent du fil à retordre aux gestionnaires des parcs, jardins, réserves et espaces naturels. C’est le cas, par exemple, pour les Renouées du Japon, les Balsamines de l’Himalaya, les Berces du Caucase. Malgré leurs noms délicieusement exotiques, ces végétaux peuvent avoir la fâcheuse tendance, ici et là, de supplanter leurs congénères dans des écosystèmes rares ou déjà fragilisés.

VigilanceBotaniqueDevra-t-on, bientôt, compter avec une nouvelle indésirable dans nos campagnes ? La réponse est “oui, si...”. L’Ambroisie (Ambrosia artemisiifolia L.) – à ne pas confondre avec l’Armoise – est certes “sous contrôle” actuellement en Belgique. Originaire d’Amérique, cette plante sauvage de la famille des Astéracées, grande en moyenne de 70 cm, n’est présente que dans une poignée de sites industriels agroalimentaires proches des infrastructures de transports. Mêlées aux graines d’autres cultures (maïs, tournesol), elle “choisit” en effet les bennes des camions et les cales des péniches pour se propager partout où le commerce se développe. Ses graines tombées par inadvertance sur le sol se contentent de germer sur place (parfois après une “dormance” de plusieurs années), mais aucune expansion n’est signalée.

COLLÉES AUX SEMELLES

Il en va tout autrement dans le sud et l’est de l’Europe. Là-bas, l’Ambroisie a déjà fait la preuve de sa capacité à envahir des champs entiers et à ruiner certaines récoltes. Dans le sud de la France, par exemple, elle est l’adventice (“mauvaise” herbe) numéro 1 des cultures de tournesol. La plante a d’autres caractéristiques gênantes. Rudérale, elle s’implante volontiers sur les talus, dépôts de terre et autres aménagements liés aux grandes infrastructures, se collant aux pneus des engins de chantier et aux semelles des ouvriers. Le problème n’est pas seulement celui des rendements agricoles. Le pollen de l’Ambroisie est, en effet, un puissant allergène, contribuant à déclencher des allergies chez des gens qui n’en ont jamais souffert. Dans la seule région Auvergne-Rhône-Alpes, la facture pour les soins de santé (rhinites, conjonctivites, crises d’asthme, etc.) s’est chiffrée, en 2012, à quelque 20 millions d’euros.

William Ortmans, doctorant à l’axe “Biodiversité et Paysage” de Gembloux Agro-Bio Tech, a étudié pendant trois ans les caractéristiques de la plante et son potentiel d’expansion. Le jeune chercheur, qui termine actuellement la rédaction de sa thèse doctorale, s’est livré à diverses observations et expériences. Il a notamment constaté, au moyen d’un logiciel photographique spécialement adapté, que les graines de l’Ambroisie se caractérisent par une extrême variabilité. Poids, densité, couleur et jusqu’à la “morphologie” (via des mesures d’ellipses à la surface) : toutes ces caractéristiques varient énormément au sein d’une même population géographique. Il a également semé des graines d’origines variées dans deux chambres de culture, où il a suivi leur développement jusqu’à leur maturité dans différentes conditions de température.

APTES AU “SERVICE”

Il en résulte que le principal atout de la plante réside précisément dans cette grande variabilité. Si son expansion reste actuellement modérée en Belgique, ce n’est pas en raison du climat tempéré de nos régions. « Certes, l’Ambroisie se développe chez nous un peu plus lentement qu’ailleurs. Mais elle est parfaitement capable de boucler son cycle, c’est-à-dire de disséminer son pollen dans l’environnement, de fructifier et de produire des descendants performants. » Pour la voir proliférer dans les campagnes belges, il suffirait d’une intensification des transports, vers nos régions, d’autres graines “contaminées” avec de l’Ambroisie. Avec son promoteur de thèse, Arnaud Monty, William Ortmans plaide donc, avant qu’il ne soit trop tard, pour la mise en place rapide d’un système de détection précoce de sa présence. Souvent repérée dans les graines de tournesol, elle exige, en particulier, la plus grande prudence lors des semis des “bandes faunes”, prévues dans le cadre du verdissement de la Politique agricole commune.


article complet sur www.reflexions.ulg.ac.be
(rubrique Terre/environnement)

Philippe Lamotte
Photo : W. Ortmans
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