May 2016 /254

Biodiversanté

Un colloque explore les liens entre nature et santé.

Il pousse bien plus, dans un jardin, que ce qu’on y a semé...” Nul doute que ce proverbe serbo-croate animera bientôt les pensées de nombreux praticiens hospitaliers à Charleroi et, plus particulièrement, au lieu-dit “Les Viviers” à Gilly. C’est là, en effet, sur cette friche de 17 ha occupée autrefois par un terril, que s’implantera en 2022 un hôpital d’un nouveau genre, auquel l’université de Liège aura apporté sa griffe. Laquelle ? Personne ne le sait aujourd’hui avec précision. Et c’est cela, précisément, qui s’avère grisant...

UN SITE EXCEPTIONNEL

UBiodiversanten mot sur le contexte, d’abord. Le Grand Hôpital de Charleroi est actuellement la plus grande infrastructure hospitalière privée de Wallonie et le deuxième plus gros employeur de l’entité sambrienne (4500 personnes). Dans six ans, cinq des six implantations qui le composent aujourd’hui auront déménagé aux “Viviers” au sein d’une infrastructure unique. Cette implantation a évidemment entraîné l’organisation d’une étude d’incidence. Répertoriée “Site de grand intérêt biologique” (SGIB), la friche abrite 36 espèces protégées, dont le crapaud calamite, le criquet à ailes bleues, le bruant des roseaux, la petite centaurée, etc. Bref, une faune et une flore qu’il s’agit de ne pas noyer sous le béton.

C’est l’axe “Biodiversité et paysage” de Gembloux Agro-Bio Tech (ULg) qui s’est chargé de ce travail. Et qui, comme il est de coutume dans ce genre de démarche, a proposé une série de mesures d’évitement, d’atténuation et de compensation. On aurait pu en rester là. Mais, dès le départ, vu la valeur du site, les initiateurs du projet hospitalier voulaient aller un pas plus loin. Comprenez : réfléchir à l’aménagement de l’hôpital – son bâtiment, mais surtout le vaste parc qui l’entourera – à travers le prisme de la biodiversité. « On est ici dans la conception d’une nature qui n’est plus seulement à mettre “sous cloche”, explique le Pr Grégory Mahy, mais qui s’intègre aussi dans un maillage écologique au profit de l’humain : c’est la voie de la biophilie. Beaucoup plus récent, ce concept se base sur l’hypothèse que l’homme, au fil de son évolution dans le milieu naturel, a intégré dans son patrimoine génétique le bien-être apporté par le contact avec la nature. En reconnectant l’homme à cette dernière partout où c’est possible, et plus uniquement dans des espaces protégés à divers titres, on crée une nouvelle forme de relation homme/nature au profit de la santé, physique et mentale. »

Aux États-Unis, la biophilie a déjà acquis ses lettres de noblesse, notamment via les travaux de l’entomologiste Edgar O. Wilson. L’une de ses applications les plus pratiques est le jardin thérapeutique. « De tels concepts peuvent paraître un peu poétiques, commente Grégory Mahy. En réalité, la littérature scientifique commence à regorger de travaux selon lesquels, par exemple, la consommation d’analgésiques est moindre dans des hôpitaux lumineux et orientés vers des zones vertes, tandis que les fonctions immunitaires et cardiaques des patients y sont améliorées. En Europe, quelques hôpitaux sont déjà conçus et réalisés pour permettre aux patients atteints de troubles cognitifs et physiques (Alzheimer, Parkinson, sclérose en plaques, etc.) de se resituer dans l’espace et le temps. Et, ainsi, de ralentir l’évolution de la maladie. On voit même poindre ici et là des cités nouvelles, dites “biophiles”. »

UNE OCCASION INESPÉRÉE

Pour l’ULg et son site gembloutois, organisateur l’année dernière d’une chaire Francqui sur les jardins thérapeutiques, le projet carolo était – et reste – une occasion unique de se lancer dans un prestigieux projet pilote de biophilie. Le 27 mai, à Gilly, concepteurs, aménageurs, biologistes – sans oublier le personnel hospitalier des sites concernés – se réuniront autour d’expériences concrètes menées avec succès à l’étranger. « Ce sera l’étincelle qui va lancer la dynamique concrète », se réjouit le Pr Mahy. Les étudiants en master d’architecture du paysage seront de la partie : les deux meilleurs projets conçus par eux, ce printemps, auront les honneurs du colloque...


BiodiverSanté

Colloque, le 27 mai, à l’auditoire Helha, rue de l’Hôpital 27, 6060 Gilly.

Contacts : informations et inscriptions, tél. 071.10.52.52, site http://biodiversante.be

 

Philippe Lamotte
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