Juin 2016 /255

Pour construire ensemble

L’opinion de Julie Clausse

Ouf ! Il s’en est fallu d’un rien pour que ce 23 mai, Norbert Hofer, le candidat de la droite radicale autrichienne, ne soit élu président. Toutefois, ce soulagement immédiat fit vite place à une prise de conscience des plus âpres : en Autriche et dans de nombreux autres pays d’Europe, les extrêmes progressent insidieusement, avec comme toile de fond une “crise” des réfugiés qui bouleverse l’opinion publique. Cette peur de l’étranger, de la différence, il importe d’en prendre la mesure et de tenter, si pas de la comprendre, au moins de l’expliquer. L’Autre nous renvoie en réalité de manière plus profonde à ce que nous sommes, notre identité est donc indissociable de la relation à autrui.

Cependant, aujourd’hui, nos sociétés européennes ressentent un réel malaise identitaire. Celui-ci prend racine dans un contexte social individualiste et globalisé, influencé par les diktats d’un capitalisme toujours plus ravageur. La perte de cohésion sociale ambiante et l’absence de modèle identitaire clair encourage le citoyen à se construire “contre” l’Autre, en acceptant et en renforçant cette image négative afin de se distancier de ce qui n’est pas “soi”, pour exister.

Mais, sans pour autant le cautionner, comment lui jeter la pierre, alors que tous les jours la communauté internationale laisse mourir femmes, hommes et enfants en mer comme s’il ne s’agissait que de vulgaires déchets ? Cette déplorable situation fut récemment aggravée par la signature d’un accord des plus scandaleux entre l’Europe et la Turquie ! Cette fragmentation du lien incarne donc une responsabilité institutionnelle et politique.

Alors, que faire ? La question qui se pose est à la fois extrêmement simple et d’une complexité immense : comment construire ensemble ? Nous traversons un moment crucial. Il importe aujourd’hui de créer une prise de conscience commune, qui doit impérativement passer par une meilleure compréhension des problématiques sociales, politiques et environnementales actuelles. Pour ce faire, nous devons progressivement réformer et renforcer nos forces en présence : l’école, les médias et les mouvements de luttes citoyennes.

ClausseJulieNous devons déconstruire les peurs : crions haut et fort “non“ ! Les réfugiés ne minent pas l’économie. De nombreuses études montrent que l’immigration joue au contraire un rôle bénéfique. Dites que “oui“ ! Les réfugiés désirent apprendre la langue du pays. Oui ! Ils veulent travailler, parfois dans des conditions extrêmement déplorables. Non ! Une partie des jobs qu’ils sont prêts à accepter, vous n’en voudriez pas.

Mais surtout, montrez leur que oui ! Ils sont comme vous, comme moi : ils désirent échanger, bouger, rencontrer, aimer, tout simplement vivre. Il s’agit de saisir que “eux” pourraient être “nous”, et qu’il faut tenter d’abolir cette dichotomie afin de penser ensemble.

Résistons ! Car la solution réside dans la création du lien : seule la connaissance et l’ouverture à l’Autre permettront la reconnaissance, afin d’empêcher que cette approche négative de la différence ne nous mène à l’indifférence. Le changement est possible, l’avenir est plus que jamais ouvert, et de nombreuses initiatives positives de solidarité se développent. Les mouvements “Nuit Debout”, “Tout autre chose” donnent l’espoir d’une fédération des consciences, l’espoir d’une construction ensemble.

Julie Clausse
bachelier en sciences humaines et sociales ULg (2011)
coordinatrice au Centre culturel arabe en Pays de Liège

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