June 2016 /255

A la quête de vie ailleurs

Une découverte historique grâce aux télescopes de l’ULg

Plus que jamais, grâce à son Université, Liège est la Cité ardente de l’espace. Moins d’une semaine après la mise en orbite de son nano-satellite OUFTI-1, ce sont ses astrophysiciens1 qui étonnent le monde entier. Un groupe de chercheurs de l’Institut d’astrophysique a en effet révélé, dans un article paru dans la prestigieuse revue scientifique Nature, la découverte de trois exoplanètes de taille terrestre et potentiellement habitables en orbite autour d’une mini-étoile “ultra-froide”, rebaptisée Trappist-1, et située à seulement 40 années-lumière de la Terre2. La découverte pourrait bien s’avérer historique, car elle représente ni plus ni moins la première opportunité de détecter de la vie en-dehors du système solaire ! En effet, la petite taille3 et la proximité de l’étoile rendent possible l’étude détaillée de la composition atmosphérique des planètes par la prochaine génération de grands télescopes, y compris la détection de possibles traces chimiques de vie.

Gillon-JehinULTRA-FROIDES

À quoi doit-on cette découverte extraordinaire ? À un modeste télescope que Michaël Gillon et Emmanuël Jehin ont conçu et baptisé Transiting Planets & Planetesimals Small Telescope, autrement dit “TRAPPIST”. C’est au cœur d’un observatoire totalement robotisé que ce petit télescope de 75 kg, doté d’un miroir principal d’à peine 60 cm, est piloté à distance depuis un PC, une tablette ou un smartphone, au bureau ou au domicile, par les astronomes de l’ULg. Implanté à l’observatoire La Silla de l’ESO dans le désert d’Atacama au Chili, ce télescope financé par le FNRS depuis 2010 a pour unique mission l’étude des exoplanètes en transit et le suivi des petits corps (comètes, astéroïdes) du système solaire.

Photo : Michaël Gillon et Emmanuël Jehin

« L’idée originale – qui nous a permis de réaliser cette découverte avant tout le monde – était d’aller jeter nos filets du côté des petites étoiles nommées naines ultra-froides, ayant des températures inférieures à 2700° C (à comparer aux 6000°C du Soleil), pour voir si elles avaient des planètes semblables à notre Terre, précise Michaël Gillon. On ne peut bien les observer qu’avec des détecteurs ayant une bonne sensibilité dans le proche infrarouge. C’est ce que nous avons réussi à faire. » La zone habitable – où se trouve l’eau sous forme liquide – autour des étoiles ultra-froides est beaucoup plus proche de l’étoile et les planètes qui orbitent dans cette zone le font plus rapidement, et donc les possibles transits se manifestent de façon bien plus fréquente.

TRAPPIST AU MAROC

ExoplaneteEn effet, forts de leur avance dans la quête internationale de la vie dans l’Univers, les chercheurs de l’ULg sont décidés à encore aller bien plus loin. Ils terminent actuellement l’implantation d’un second télescope dans l’Atlas marocain, à 2700 m d’altitude. TRAPPIST-Nord, situé à l’observatoire de l’Oukaimeden, va compléter son frère jumeau du Chili et scruter le ciel de l’hémisphère boréal cette fois. Ce nouvel observatoire est financé par un crédit gros équipement de l’ULg et une action de recherche concertée (ARC). Il est également au centre d’une nouvelle collaboration entre l’ULg et l’université Cadi Ayyad de Marrakech, avec notamment des thèses en cotutelle. Mais aux côtés de cette double TRAPPIST, il y aura le quatuor de télescopes SPECULOOS (pour Search for habitable Planets Eclipsing Ultra-Cool Stars) qui seront installés à proximité du VLT à Paranal au Chili !

Il s’agit cette fois d’un projet bien plus ambitieux, avec quatre télescopes identiques ayant des miroirs primaires de 1 m, également robotisés, et qui seront totalement dédiés à la recherche de ces fameuses exoplanètes autour d’étoiles ultra-froides. Ce nouveau projet est financé par l’Europe (ERC) et associe dans un consortium les universités de Cambridge et King Abdulaziz de Jedah qui, chacune, ont financé un télescope. Et Michaël Gillon, également à la tête de SPECULOOS, de se montrer enthousiaste quant à l’avènement du projet prévu au printemps 2017 : « Nous allons surveiller pendant cinq ans les 500 étoiles naines ultra-froides les plus proches. Statistiquement, nous devrions détecter plusieurs nouveaux systèmes, chacun représentant une nouvelle opportunité de détecter de la vie ailleurs… »


1 L’équipe liégeoise dirigée par le chercheur FNRS Michaël Gillon comprend Emmanuël Jehin, Valérie Van Grootel et Pierre Magain, ainsi que les doctorants Laetitia Delrez, Artem Burdanov et Cyrielle Opitom.
2 L’année-lumière est la distance que parcourt en un an la lumière à près de 300 000 km/s. C’est-à-dire, grosso modo, 10 000 milliards de km ! 40 années-lumière est donc une distance énorme à échelle humaine.
3 Trappist-1 est à peine plus grande que la plus grosse planète du système solaire, Jupiter.

Texte et photo : Théo Pirard
Illustration : Catherine Woyaffe - 3e pub - ACA-Sup Liège
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