June 2016 /255

Français langue ardente

XIVe congrès mondial des professeurs de français à Liège

FIPF-AfficheLe français est une langue ardente. Selon l’organisation internationale de la francophonie, elle est la cinquième langue la plus parlée au monde, la troisième employée dans le domaine des affaires, la deuxième à être enseignée sur les cinq continents, l’anglais y étant présent sur tous et en tête. Et la seule. Voilà pour le baudrier. Reste les armes dont seront pacifiquement flanqués les 1300 enseignants originaires de 103 pays qui participeront au XIVe congrès mondial de la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF) programmé à Liège du 14 au 21 juillet. « Ce grand rassemblement est aussi le résultat d’un partenariat entre la ville, la province et l’université de Liège et de six années d’organisation », insiste le secrétaire général du comité d’organisation, le Pr Jean-Marc Defays (faculté de Philosophie et Lettres et ISLV). Après Durban, Québec, Atlanta, Paris et Tokyo, l’événement n’est en effet pas anodin puisque la FIPF est en quelque sorte l’ONU des professeurs de français (enseignants de français langue maternelle, langue seconde ou langue étrangère). Avec son statut d’ONG, elle rassemble plus de 80 000 enseignants regroupés dans 188 associations nationales ou régionales. Une structuration qui répond à une volonté de générer des échanges plutôt que des oukazes ou des préceptes.

CRÉATIVITÉ ET PASSION

DefaysJeanMarcSi la langue française peut donc être qualifiée d’ardente par le simple fait qu’elle prendra ses quartiers dans la cité éponyme au mitan de juillet, d’autres raisons viennent plus sérieusement en justifier l’adjectif. D’abord parce que, à travers le monde, le français suscite toujours la même créativité, la même passion, le même engagement chez ceux qui l’enseignent, ceux qui l’étudient et ceux qui s’en servent. Ensuite, parce qu’il est toujours aussi vivant et actuel, en dépit de la concurrence linguistique, de l’uniformisation culturelle et de la globalisation économique. Enfin, parce que la francophonie est un creuset où la diversité, la pluralité et le dialogue entretiennent une ébullition permanente. « Nous vivons une période cruciale, même si le français n’est pas en danger, estime Jean-Marc Defays. Bien que dans l’absolu il soit de plus en plus enseigné dans le monde, il faut batailler, par exemple, dans certaines zones d’Afrique comme en Amérique du Sud où il risque d’être supplanté par l’anglais dans les contextes scientifiques ou universitaires, notamment. La langue devient militante en ce qu’elle incarne une volonté de préserver la diversité linguistique et culturelle sans laquelle on finirait par communiquer sans avoir de choses, des différences, à partager. » Et d’insister : le français – et la francophonie – constitue un laboratoire interculturel qui intègre et met à l’honneur d’autres cultures très différentes, nord-américaine, africaine, etc. « Jusque dans les années 80, la culture française – comme la littérature, la pensée et les arts – attirait beaucoup de  mes compatriotes. Mais à l’époque de la mondialisation où les Japonais, jeunes et moins jeunes, voyagent facilement, l’aspect de la culture quotidienne – comme la gastronomie, les sports ou la musique – est davantage mis en avant. Il ne faut pas oublier que la société multiculturelle dans les pays francophones attire nos regards, y compris l’immigration », confirme Noriyuki Nishiyama, professeur de français à l’université de Kyoto.

KlinkenbergJeanMarieSi le budget global de la manifestation avoisine le million d’euros – couvrant aussi les déplacements, l’organisation des diverses activités, la logistique, la communication et toute la préparation depuis 2010 –, le Pr émérite Jean-Marie Klinkenberg, président du comité d’organisation, insiste sur le postulat adopté pour cette édition 2016 : lui imprimer un caractère à la fois durable (peu de déplacements, économie de papier) et équitable (soutien financier aux délégations impécunieuses). Certaines éditions précédentes de ce congrès quadriennal avaient laissé une impression un peu plus “bling-bling”. Cette fois, les coûts ont été revus à la baisse, notamment grâce à la gratuité des locaux et infrastructures généreusement mis à disposition du congrès par l’ULg. Par ailleurs, les participants en provenance des pays ou zones les moins riches pourront bénéficier de bourses et de conditions d’hébergement très avantageuses. Chaque soir, quatre ou cinq activités culturelles seront proposées gratuitement. L’ensemble est financé par les inscriptions, mais aussi par la Culture, l’Éducation et l’Enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles, ainsi que par l’Agence universitaire de la Francophonie, TV5 Monde, Wallonie-Bruxelles International, la Suisse, sans parler des sponsors privés. « Ces derniers sont plus difficiles à trouver car un congrès de professeurs de français n’est pas aussi attirant qu’un congrès de médecins ou de pharmaciens », sourit le Pr Klinkenberg.

ecole-15Les congressistes ne seront pas à Liège seulement pour le travail. Ils disposeront d’un accès illimité aux trois plus grands musées de la ville – le Musée Curtius, le Musée de la vie wallonne et le tout nouveau Musée de la Boverie – et pourront profiter de capsules audiovisuelles diffusées en boucle qui alimenteront leur réflexion sur la portée et la vitalité du français dans le monde. Ils participeront également à des balades thématiques, à des animations et des rencontres avec des écrivains de la Fédération Wallonie-Bruxelles, à des séances de cinéma, à des représentations théâtrales, à des concerts. La majorité de ces activités prendront place dans des lieux d’exception de la ville de Liège, notamment le Forum, la Cité Miroir et le Théâtre de Liège.

ORTHOGRAPHE

« On parlera beaucoup d’orthographe, de nombreux ateliers de formation sont programmés et il sera par exemple question du tableau électronique, qui tend à remplacer “le tableau noir“ selon la formule consacrée », détaille Jean-Marie Klinkenberg. Mais aussi de l’avenir de la formation. C’est que l’enjeu est important, poursuit-il : « Selon l’Unesco, il va manquer 20 000 professeurs de français dans le monde d’ici 2020. Et pour la majorité, ça doit être un métier, pas un apostolat. Or la moitié des participants travaillent dans des conditions qui pourraient être meilleures ». Et le Pr Defays – qui, au terme du congrès, postulera pour la présidence de la FIPF – d’ajouter : « Les participants vont rentrer chez eux avec un sentiment d’appartenance à une communauté. Grâce à de nombreux échanges, ils auront pu dégager des solutions à des problèmes communs. Ce sera aussi pour eux l’occasion de parler, d’exercer la langue et de se rendre compte que son enseignement peut être réinventé. » Un autre enjeu.

XIVe congrès mondial des professeurs de français

Du 14 au 21 juillet, à l’université de Liège, place du 20-Août, 4000 Liège.

Informations et programme sur www.liege2016.fipf.org



Fabrice Terlonge
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