Septembre 2016 /256

L’or des encombrants

Parcours d'un alumni

« Mon activité actuelle est, à mon sens, une forme d’engagement citoyen et politique. La finalité de profit de l’entreprise est un vrai problème contemporain, qui pousse des activités en bonne santé à la fermeture ou à la délocalisation. Gérer une société au profit d’actionnaires que vous ne connaissez même pas et qui ne s’impliquent pas ne m’intéresse absolument pas. Une coopérative n’aspire pas à verser des dividendes. L’activité est sa propre finalité. C’est cette manière de travailler qui me plaît. » Michel Simon concluait ainsi notre entretien. Ce chef d’entreprise liégeois, licencié en histoire « par passion » à l’ULg (1988) et, dans la foulée, en sciences économiques (1992) dont il a retenu « l’importance de développer des choses pour le seul fait de développer, et non pour l’intérêt de quelques-uns », est à la tête de deux sociétés coopératives : La Ressourcerie du Pays de Liège et Sofie (Société à finalité d’insertion en environnement). Deux structures commerciales non profit – « à finalité sociale » puisqu’elles fournissent de l’emploi à des demandeurs en difficulté sur le marché du travail – qui assurent, pour la première, la collecte, le tri, le démantèlement, le recyclage et la revalorisation des encombrants, et, pour la seconde, la collecte, la réparation et le recyclage des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE).

SE MOUILLER

SimonMichelUne trajectoire moins inattendue qu’il n’y paraît pour ce féru d’histoire de la seconde Guerre mondiale et auteur, dans la foulée de son travail de fin d’études, de deux ouvrages consacrés aux organisations de jeunesse de collaboration : commençant sa carrière au centre d’économie sociale de l’ULg, où il s’intéressa surtout à l’insertion par le travail, il passera ensuite plusieurs années dans des cabinets politiques en tant que conseiller en communication, avant de trouver que, aussi bien dans cet « univers un peu artificiel, tout le temps dans la course et plus vraiment connecté à la réalité » que dans celui des laboratoires de recherche, il manquait d’opportunités d’être réellement acteur de la réalité observée. « On ne se mouillait pas, et je comprends aujourd’hui que l’on m’ait dit tant de fois que c’était un peu facile de me borner à produire des rapports. C’est quand même autre chose de s’impliquer directement et de prendre des risques. Cela manque très certainement en Wallonie. Si l’on a l’occasion de le faire, il faut le faire. »

L’occasion se présente en 2005, lorsque Michel Simon postule à la reprise de Sofie, alors « en recherche de développement ». Un bon casting puisque, sous sa houlette, la coopérative collecte et trie, dix ans plus tard, plus de 6000 tonnes de DEEE par an. Les appareils de meilleure qualité, « c’est-à-dire, surtout, ceux de marques allemandes », passent par les mains d’une équipe de techniciens pour être remis à neuf grâce aux pièces collectées dans ce stock gargantuesque de « gros électro ». Ceux-ci sont alors revendus, pour environ un tiers du prix initial, avec une garantie d’un an, dans l’un des 12 points de vente de la société. « Nous sommes, depuis longtemps, en plein dans l’économie circulaire. » Reste que, ainsi que le souligne Michel Simon, ces machines, aussi coûteuses soient-elles à l’état neuf, sont de moins en moins réparables parce que la qualité de leurs matériaux n’a de cesse de baisser. « L’obsolescence programmée pourrait bien freiner l’activité », s’inquiète-il.

FONDS DE GRENIER

En 2010, l’intercommunale Intradel, présente au capital de Sofie, décide de créer une seconde coopérative dédiée, cette fois, à la gestion des encombrants. “La Ressourcerie du Pays de Liège” est alors, elle aussi, confiée à Michel Simon. Qui n’y va pas par quatre chemins : « La collecte des encombrants reste, dans bon nombre d’endroits, archaïque : récupérés par des camions compacteurs, ils sont écrasés puis incinérés. Ils ont longtemps été jetés dans un trou et ensevelis, avant que l’Europe ne bannisse cette pratique en 2010. Le parc à conteneurs représente bien entendu une nette amélioration, dans la mesure où il permet un premier tri. Mais là encore, si votre vieux canapé finit aux encombrants, aucun démantèlement n’est opéré. Quant aux métaux, ils ne sont pas triés sur place, mais bien souvent loin de chez nous, par une main-d’œuvre bon marché, avant d’être revendus à nos industries. Nous pouvons donc faire mieux que ça. » La Ressourcerie, qui s’enorgueillit de collecter près de 3500 tonnes d’encombrants par an dans 22 communes de la région liégeoise, cherche à « capter les matériaux qui dorment dans les greniers », à réutiliser tout ce qui peut l’être en démantelant ces encombrants « jusqu’au dernier bout de métal », et à revendre les matières premières à des acheteurs locaux. Moins de 20 % des matériaux collectés finissent incinérés, contre 80 % recyclés ou réutilisés : la Ressourcerie revend du matériel de seconde main dans ses deux magasins R Shop. « Non seulement nous créons localement des emplois – 100 personnes à temps plein –, mais nous permettons également de produire localement de la matière première, insiste Michel Simon. Il s’agit d’un secteur qui crée beaucoup de valeur ajoutée. Les déchets eux-mêmes sont ici valorisés et constituent, à mon sens, les mines d’or de demain. »

Une seconde vie pour les électros et les encombrants. Focus sur une filière et son modèle économique

Rencontre Liege Creative “in Plug-R”, le jeudi 13 octobre à 12h, avec Michel Simon, à La Chapelle, rue Lambert Lombard 5, 4000 Liège.

Contacts : tél. 04.349.85.08, courriel info@liegecreative.be, site www.liegecreative.be





Patrick Camal
Photo : Vers l'Avenir
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