Novembre 2016 /258

De l’intégration vers l’inclusion

Une université pour tous

Créé en 1997, le service d’accompagnement des étudiants en situation de handicap (ASH) fête ses 20 ans. Le 2 décembre prochain aura lieu une journée d’étude intitulée “L’enseignement à l’ULg : de l’intégration à l’inclusion ?”. L’occasion pour l’Institution de faire le point sur les avancées effectuées en termes d’accueil des étudiants avec besoins spécifiques, mais aussi d’envisager et de préparer le futur.

IntegrationInclusionPour beaucoup, lorsqu’est évoquée la question de l’accueil des étudiants en situation de handicap au sein de l’Université, c’est souvent l’image de personnes atteintes d’un handicap physique et visible qui surgit. Une vision a priori sans conséquence, mais qui fausse considérablement l’ampleur du défi posé à l’Université pour répondre aux besoins spécifiques de ces étudiants. Car si des aménagements matériels sont inévitables, ils ne concernent qu’une portion minime des situations de handicap dont l’ASH assure l’accompagnement. Ce qui n’est pas sans effet. Cette représentation stéréotypée du handicap physique, requérant uniquement des aménagements matériels, réduit grandement la réalité du champ d’aides proposées aux étudiants.

QUALITÉ DE VIE DES ÉTUDIANTS

Lorsqu’est créé en 1997, sous la direction du Pr Jean-Jacques Detraux, le service ASH, la question de l’accueil des personnes en situation de handicap en est encore à ses balbutiements. En cause, l’existence d’une pratique majoritairement ségrégative dans l’enseignement primaire et secondaire, où les enfants et adolescents en situation de handicap sont scolarisés dans des établissements spécialisés. Sous l’impulsion de pratiques émergentes dans les pays anglo-saxons et de développements institutionnels en Belgique (notamment à travers le décret du gouvernement wallon de 1995 relatif à l’intégration des personnes handicapées), davantage d’étudiants en situation de handicap intègrent les études supérieures. Créé au sein de la faculté de Psychologie et des Sciences de l’éducation, le service ASH entend répondre à cette évolution. L’année 2004 voit son transfert au centre-ville, au sein de l’administration de l’enseignement et des étudiants (AEE), dans une logique d’accessibilité et de visibilité accrue. « L’idée première d’intégration au service de psychologie et de pédagogie de la personne handicapée s’est avérée un peu stigmatisante pour les étudiants : ceci les contraignait à s’identifier à la problématique du handicap. C’est pour cette raison que le service a été placé dans les services généraux », détaille le Pr Detraux.

2010 est une année décisive dans l’histoire du service, qui voit la création du statut “Étudiant en situation de handicap” (ESH) et le rattachement de l’ASH au sein du service qualité de vie des étudiants. Année décisive pour deux raisons : la mise en place de critères clairs et rationnels par rapport au statut ESH ; une visibilité accrue auprès des étudiants, des Facultés et des autres services. Notons qu’un décret publié en 2014 avait invité tous les établissements de l’enseignement supérieur à prévoir un accueil spécifique pour les étudiants en situation de handicap*.

EN FONCTION DE SES BESOINS

Selon Florence Elleboudt, psychologue et membre du service, « notre rôle est d’accompagner les étudiants en situation de handicap dans leur projet d’étude sans toucher au niveau d’exigence, car le but est bien que le diplôme ait la même valeur que pour tout autre étudiant ». Pour ce faire, le service ASH met en place une série d’aménagements, par rapport aux activités d’enseignement, aux lieux dans lesquels se déroulent les cours, ainsi qu’aux modalités d’évaluation et des examens. Ceci nécessite une grande activité de coordination avec les autres services universitaires. Et pour quels étudiants ? « Le panel est assez large, puisque nous nous occupons d’étudiants avec un handicap moteur ou sensoriel, mais aussi d’étudiants souffrant de troubles du sommeil ou de pathologies plus graves telles que la sclérose en plaques, la maladie de Crohn, le cancer. Nous accompagnons aussi des personnes accidentées. Mais pas seulement. Nous nous occupons d’étudiants atteints de dyslexie, de troubles psychiques, de problèmes alimentaires ou d’états dépressifs », poursuit-elle.

Pour bénéficier de ce statut, l’étudiant doit constituer un dossier examiné par une commission permanente, composée d’un médecin, d’un psychiatre, d’un psychologue et de membres du service ASH. Le statut est octroyé pour une année académique, renouvelable jusqu’à la fin des études. La psychologue revient sur le caractère individualisé de chaque situation : «  Nous voulons placer l’étudiant en situation d’autonomie. Tant mieux s’il peut organiser toute une série de choses lui-même ; nous fonctionnons comme un relais. J’aime ce terme d’accompagnement car il implique une notion de collaboration », reprend Florence Elleboudt. Les différents aménagements posés par le service partent en effet toujours des besoins spécifiques de chaque étudiant. « Chaque accompagnement se détermine au cas par cas ; on part toujours des besoins. Des étudiants avec des pathologies similaires n’ont pas nécessairement les mêmes attentes », insiste-t-elle. Parmi ces aménagements, des récurrences – telles que les accompagnateurs pédagogiques, des aides pour arriver dans les salles de cours, pour prendre note, etc. – sont mises en place avec la collaboration des Facultés.

PRÉPARER L’ACCUEIL

Deux concepts-clés président à la problématique de l’Université pour tous : l’intégration et l’inclusion. L’intégration est une dynamique centrée sur la personne : un étudiant atteint d’une pathologie nécessite des aménagements mis en place de manière spécifique. L’attention est donc portée sur la personne individuelle et son problème, sur lequel se centre la négociation. La démarche inclusive porte quant à elle sur l’Institution : comment faire en sorte d’anticiper les besoins de différents étudiants pour faciliter leur accueil ? Le Pr Detraux revient sur cette dynamique, censée rendre l’intégration de l’étudiant plus souple : « Il faut tendre vers des universités inclusives, qui se pensent différemment : tous les services doivent être organisés de façon à être accessibles et, facteur humain important, accueillants. Dans l’inclusion, on pense à faire des aménagements bénéfiques pour tous. Il nous faut penser en termes de design universel et de pédagogie universelle. L’implication des services administratifs et des services techniques est capitale. L’inclusion n’annule pas l’intégration, elle crée un cadre. »

Les universités, grâce à leurs services de recherche, ont grandement contribué au développement de l’inclusion en Belgique. En 2014 fut créé le décret relatif à l’enseignement supérieur inclusif, apportant un cadre légal et harmonisé pour l’accueil des étudiants en situation de handicap. Comme le reconnaît pourtant le Pr Detraux, un long chemin reste à parcourir, objet de cette journée d’étude qui contribuera à dépasser une logique uniquement portée sur la pathologie. « Nous devons sortir du discours centré sur la déficience en porte d’entrée. Chaque étudiant atteint d’une carence similaire n’est pas égal par rapport à celle-ci : il faut donc établir un profil de compétences, analyser leurs ressources, leurs forces. » Préparer les institutions, se centrer sur l’individu et ses besoins spécifiques, dans une logique individuelle et d’accompagnement, voilà les défis posés aux établissements de l’enseignement supérieur. Nul doute que la journée d’étude du 2 décembre contribuera à renforcer le mouvement de l’intégration vers l’inclusion.

* Un décret qui s’inscrit dans la droite ligne de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, laquelle fut ratifiée par la Belgique en 2009.

De l’intégration à l’inclusion ?

Journée d’étude dans le cadre des 20 ans de l’ASH, le vendredi 2 décembre à 8h45, à la salle des professeurs, place du 20-Août 7, 4000 Liège.

* renseignements et inscriptions sur www.ulg.ac.be/journee20ansASH

Kevin Jacquet
Illustration : Cindy Jugé - 1er Master Illu - ACA Sup Liège
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