November 2016 /258

Entre 4 yeux

L'Open Access au Pecha Kucha Liège

L’Open Access – soit l’accès direct et gratuit à toutes les publications scientifiques – sera le fil conducteur du prochain “Pecha Kucha” organisé à Liège, le 24 novembre. Le concept évolue, gagne de nouveaux terrains mais peine à se généraliser. Le point sur la situation avec deux de ses ardents défenseurs, le recteur honoraire Bernard Rentier et le Pr Pierre Drion, secrétaire de la Commission d’éthique animale institutionnelle.

Le 15e jour du mois : Vous êtes désormais le chantre de l’Open Access…

RentierBernardBernard Rentier : Je plaide depuis plusieurs années pour que les publications scientifiques soient disponibles en libre accès (Open Access) sur internet. Les éditions scientifiques actuelles bien connues – et réputées – ont considérablement augmenté le coût de leur publication. Résultat : les universités doivent débourser des sommes folles pour des revues qui publient les résultats des recherches menées le plus souvent grâce à des deniers publics. C’est insensé et inadmissible. J’en appelle à une réponse politique face à cette dérive du marché.
Internet nous permet aujourd’hui de court-circuiter cette mainmise des éditeurs. À l’ULg, nous avons, dès 2008, contraint tous les chercheurs à mettre leurs articles (même ceux publiés dans des revues classiques) en ligne sur “Orbi,” le répertoire institutionnel électronique. Et ce fut très bénéfique : les consultations ont grimpé en flèche… à la grande satisfaction des chercheurs.

Le 15e jour : Que suggérez-vous aujourd’hui ?

B.R. : Nous devrions nous inspirer de la démarche des mathématiciens et des physiciens (notamment). Ceux-ci soumettent un manuscrit à l’œil attentif de leurs collègues sur une plateforme spécifique, ArXiv.org. Cette “hypothèse” est alors critiquée ouvertement par tous les pairs. Le chercheur peut alors tenir compte ou non des observations et publier ensuite un papier dans une revue. Ainsi, l’article qui paraît aux yeux de tous a déjà reçu l’aval de la communauté scientifique concernée, ce qui atteste de sa qualité.
L’Open Access permet cela et je constate un intérêt grandissant pour le sujet dans les universités européennes, celle du Luxembourg par exemple, ou celle de Minho au Portugal. Mais c’est encore beaucoup trop peu pour considérer que les progrès sont notables. Chez nous, par contre, les choses évoluent puisque le ministre Jean-Claude Marcourt prépare un projet de décret qui contraindrait toutes les universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles à appliquer une politique de dépôt obligatoire, comme à l’ULg. Une manière pour la Wallonie de donner le bon exemple…

Le 15e jour du mois : Le 24 novembre vous parlerez d’expérimentation animale ?

DrionPierrePierre Drion : Effectivement. À l’heure actuelle, l’expérimentation animale représente une part faible mais encore indispensable de la recherche biomédicale. Un des messages que nous souhaitons faire passer est celui de l’engagement plein des chercheurs dans le développement et le recours aux méthodes alternatives. Comme le disait le Pr Nicks, il pourrait sembler, en effet, que les commissions d’éthique animales doivent partir du principe que les intérêts de l’homme ou d’une espèce animale pèsent plus lourd que les intérêts des animaux d’expérience. En aucun cas cependant dans une mesure telle que tout intérêt de l’homme (ou d’une espèce animale) prévale sur n’importe quel intérêt de l’animal… Dès lors, veiller à rechercher, identifier, critiquer et développer toute méthodologie qui puisse permettre de quitter le modèle animal au profit d’autres modèles est pour nous une tâche à laquelle chacun doit s’astreindre. À titre exemplatif, le développement in silico de modèles de lympangiogenèse en collaboration avec les collègues Agnès Noel et Liesbet Geris s’inscrit pleinement dans cet esprit.

Le 15e jour : Quel rapport avec l’Open Science ?

P.D. : En supprimant les contraintes liées aux publications “fermées”, l’Open Access permet de mettre à la disposition de tous l’ensemble des aspects d’une recherche : protocoles détaillés, résultats acquis – in extenso et éventuellement négatifs –, programmes utilisés pour traiter les données, etc. Et la mise à disposition gratuite des éléments de ce travail diminuera inévitablement, par exemple, le nombre d’expériences inutiles puisque les chercheurs pourront se baser sur la disponibilité de telles données.
De manière indirecte peut-être, j’ajouterai que la méta-science – celle qui scrute la qualité de la recherche scientifique – participe du mouvement de l’Open Science à partir du moment où elle prône notamment le raffinement méthodologique, par exemple le recours a priori aux statistiques pour déterminer les nombres de sujets enrôlés.

* www.orbi.ulg.ac.be (onglet Open Access)

“Les méthodes alternatives à l’expérimentation animale : quel avenir en Wallonie?”

Colloque, le mardi 22 novembre à l’UNamur, avec la participation des Prs Drion, Geris, Serteyn et Rentier.

* informations sur www.walcopa.be/colloque/programme

Pecha Kucha Liège

Le jeudi 24 novembre à 19h, salle du Val-Benoît, quai Banning, 4000 Liège.

* informations sur www.sciences.ulg.ac.be



Propos recueillis par Patricia Janssens
|
Egalement dans le n°269
Éric Tamigneaux vient de recevoir le prix ACFAS Denise-Barbeau
D'un slogan à l'autre
Résultats de l'enquête auprès de "primo-arrivants" en faculté des Sciences
21 questions que se posent les Belges
Le nouveau programme fait la part belle à l’histoire de la cité
Panorama des jobs d'étudiants