Décembre 2016 /259

Massivement pédagogiques

Lancement de trois MOOCs en 2017

Au seuil de son bicentenaire, l’ULg va de l’avant et s’apprête à lancer ses trois premiers “Massive Open Online Courses” – les MOOCs. Entre continuité et (r)évolution pédagogique.

Cela fait huit ans maintenant que les MOOCs ont commencé à envahir la planète académique. Pratiquant des dosages variables de vidéos, d’activités et d’exercices en ligne, de forums, d’évaluations par les pairs, ces cours gratuits et conçus pour être suivis entièrement à distance par de très larges cohortes internationales de participants font miroiter la possibilité d’une démocratisation maximale des savoirs. En attendant, ils contribuent fortement à la visibilité des universités.

Sous l’impulsion d’Éric Haubruge, premier vice-recteur en charge de l’enseignement, l’ULg s’apprête à contribuer à cette dynamique avec l’ouverture, au deuxième quadrimestre de 2017, de trois MOOCs – “Introduction à l’histologie, exploration des tissus du corps humain”, “Il était une fois la littérature jeunesse” et “Migrations internationales : comment les mobilités humaines transforment la société” – et de deux “Small Private Online Courses” (SPOCs), l’un sur la radiothérapie, l’autre sur la littératie. « Les cours concernés ont été choisis, soit parce que leurs enseignants-porteurs s’étaient spontanément manifestés, soit parce que ces cours représentaient, pour l’ULg, de bons candidats pour se familiariser, sur différents plans, avec ces nouveaux formats », explique Éric Haubruge.

Le “plus” pédagogique

Les trois MOOCs-ULg ont ensemble donné lieu à la captation des images, au montage et à l’enrichissement visuel de plus d’une centaine de séquences filmées. Six à huit semaines de cours ont été nécessaires et orchestrées au sein d’une scénarisation pédagogique conçue par les enseignants, avec le soutien des conseillers techno-pédagogiques de l’Ifres. Les capsules-vidéo représentant un ingrédient incontournable des MOOCs, l’initiative a pu s’appuyer sur le studio multimédias professionnel développé depuis trois ans au Sart-Tilman. « Au vu de l’ampleur et des délais de la tâche, l’improvisation est proscrite. Tout doit être écrit, des objectifs d’apprentissage poursuivis aux textes lus au prompteur, en passant par le déroulé des semaines, le descriptif des publics visés, les storyboards vidéos, les fiches d’activité, la signalétique des parcours de formation, etc. Pour les enseignants, c’est une dynamique à la fois considérable et rafraîchissante puisqu’il s’agit de repenser à nouveaux frais la transposition pédagogique de leur matière. Le développement des MOOCs-ULg a en outre cherché à activer des critères de qualité pédagogique, dont la littérature sur le sujet a récemment montré qu’ils étaient, pour une forte proportion de MOOCs, insuffisamment pris en compte », souligne Dominique Verpoorten, chargé de cours à l’Ifres et responsable académique du projet.

Mooc-02En dépit de la nécessaire standardisation du processus de production, chaque MOOC-ULg affiche ses spécificités : les participants au cours en ligne consacré à la littérature jeunesse jongleront avec des albums et des débuts de romans; ceux intéressés par l’histologie recevront, grâce à une collaboration avec le Segi, la possibilité d’annoter des coupes avec l’outil spécialisé Cytomine développé par l’Institut Montefiore; ceux du MOOC sur l’immigration travailleront sur une étude de cas. L’inscription des étudiants ULg à ces cours est, elle aussi, à géométrie variable. « Le cours d’introduction à la pratique de l’histologie est destiné à nos bacheliers en médecine, dentisterie et sciences biomédicales, ainsi qu’aux bacheliers des facultés des Sciences et de Médecine vétérinaire. Un parcours pédagogique a également été adapté à un plus large public composé notamment par des étudiants engagés dans les orientations médicales et paramédicales des Hautes Écoles, pour des rhétoriciens qui auraient envie de se lancer dans des études médicales, de même que par des médecins souhaitant une remise à niveau », précise Valérie Defaweux, porteuse de ce MOOC avec Sylvie Multon, Laurence Pesesse et Alodie Weatherspoon.

MartinielloMarcoDu côté de la littérature jeunesse, les étudiants des bacheliers en Philosophie et Lettres monteront aussi dans le train : « La participation à trois modules du MOOC, au choix, est spécifiée dans les engagements pédagogiques. La matière et les activités réalisées dans ce cadre inédit sera inclue dans l’examen, spécifie Björn-Olav Dozo à l’initiative du MOOC (avec Valérie Centi, Vincianne D’Anna et Daniel Delbrassine). Par ailleurs, il faut rappeler que par décret, les professeurs de français doivent intégrer la littérature jeunesse au programme de leurs enseignements. Mais la plupart n’ont pas reçu de formation spécifique sur le sujet : c’est donc aussi une occasion unique de promouvoir la formation continuée.* » Même démarche ciblée à la fois en interne et à l’externe pour le cours sur les migrations. « Le cours s’adresse aux professionnels du secteur social et culturel notamment, confrontés à la question des migrations, ainsi qu’aux citoyens qui s’interrogent et qui veulent en savoir plus sur ces questions », estime pour sa part Marco Martiniello à la tête du MOOC consacré à ce dossier brûlant (avec Hassan Bousetta et Jean-Michel Lafleur).

Urbi et Orbi

L’arrimage des étudiants locaux sur des MOOCs globaux est une dimension essentielle du projet. Le nouveau format de cours devient ainsi, pour les enseignants de l’ULg, un levier de réflexion sur l’évolution des méthodes pédagogiques et, pour les étudiants, l’occasion de vivre une expérience se rapportant aux dispositifs d’apprentissage dits “hybrides” en ce qu’ils structurent le renforcement mutuel d’une activité à distance et des cours présentiels, réaménagés pédagogiquement à cette occasion. On voit poindre ici le modèle de la “classe inversée”, lequel préconise l’apprentissage de la matière à domicile afin de dégager, pendant le cours, du temps à l’approfondissement, au débat et à la mise en pratique. « L’Université a pour mission l’enseignement, la recherche, ainsi que le service à la collectivité. Or, avec les MOOCs, cette dernière mission va très loin puisque ces supports permettent de partager gratuitement le savoir à l’échelle de la planète. Mais il est par ailleurs normal que notre société nous demande des comptes sur l’usage que nous faisons de l’argent qu’elle nous donne. Nous avons donc résolu cette tension en exigeant des enseignants qu’ils aient deux cohortes : leurs étudiants et le tout-venant », explique Éric Haubruge.

Mooc-01

L’initiative ne surgit d’ailleurs pas sur un sol vierge : on observe à l’ULg un recours croissant aux technologies pour soutenir l’enseignement. Ainsi, le recours à la plateforme eCampus croît sans discontinuité depuis plusieurs années, affichant aujourd’hui 10 000 utilisateurs et 1340 espaces-cours actifs. Suite logique de ces évolutions, les MOOCs vont cependant beaucoup plus loin. Et, pour embrasser ce défi, ce sont à chaque fois des équipes d’enseignants qui se sont concertées. « Ensemble, les trois MOOCs ont mobilisé 20 enseignants de l’ULg et le même nombre d’intervenants extérieurs, se réjouissent Jean-François Van de Poël, coordinateur scientifique du projet, et Pierre Martin, en charge du studio multimédias. Le projet a engendré de vraies dynamiques pédagogiques collectives. » Chacune des équipes a reçu un budget de 15 000 euros pour soutenir son effort. Si les MOOCs sont une occasion de visibilité extérieure pour l’université de Liège, ils la poussent aussi, d’une manière nouvelle, dans l’arène publique, l’exposant aux échanges, aux apports, à l’émulation, mais aussi à la critique. « Dans une société qui est en perpétuelle évolution, on ne peut pas reproduire sans cesse les mêmes schémas. L’ULg s’est fait une réputation dans l’Open Access : avec les MOOCs, nous entrons aujourd’hui dans l’Open Education », conclut Éric Haubruge. Pour capitaliser sur cette expérience pilote, une nouvelle cohorte de MOOCs est d’ores et déjà annoncée pour l’an prochain.


* voir l’article de Vincianne D’Anna “Littérature de jeunesse : un intérêt et un besoin de formation croissants”, novembre 2014,
sur culture.ulg.ac.be/litteraturejeunesse

Première présentation des MOOCs sur www.ifres.ulg.ac.be/MOOC-blog

Julie Luong
Photos : eCampus-Ifres; M. Martiniello : Georges Kostenjak
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