Janvier 2017 /260

Référence mondiale

Le département de pharmacie certifié par l’OMS

Après avoir obtenu en 2014 une labellisation au niveau européen, le département de pharmacie de l’uLg monte encore d’un cran : il vient de décrocher la préqualification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour le contrôle de qualité du médicament.

Nous en avions parlé dans l’édition de juin 2015* : le département de pharmacie avait obtenu le label “Good Manufacturing Practices” (GMP) décerné par les autorités européennes. Au prix de remises en question de l’organisation du service, de la formation du personnel ou encore de l’adaptation des locaux ou l’acquisition de matériel haut de gamme, l’ULg devenait ainsi la première université à décrocher ce label. Seuls des laborayoires indépendants avaient pu l’obtenir jusque-là.

MariniRolandCette fois, l’ULg s’installe comme référence sur le plan international, avec la préqualification de l’OMS. « Depuis une dizaine d’années, le département de pharmacie s’est engagé dans la coopération internationale et la problématique de la qualité des médicaments. Dans ce contexte, et en parallèle avec le label GMP qui garantit que des conditions drastiques sont suivies en matière de bonnes pratiques au sein de notre laboratoire, le département a dès lors cherché à obtenir le label de l’OMS. Il est en effet important de l’avoir pour soutenir les projets avec les pays en voie de développement, et en particulier avec les pays d’Afrique. Nous avons par ailleurs un grand nombre de demandes de stages provenant d’étudiants d’Amérique latine et d’Afrique, ainsi que des requêtes pour que notre Université puisse accompagner les autorités locales en matière de contrôle de qualité des médicaments produits et distribués, ou de la lutte contre la falsification des médicaments. Nous avions donc à cœur de pouvoir répondre à ces demandes », explique Roland Marini, assistant au département et porteur du projet. Des demandes qui se multipliaient, d’ailleurs.

« Déjà, bon nombre de stagiaires nous demandaient si nous avions cette certification de l’OMS. Au départ, nous pensions qu’elle n’était pas nécessaire, vu que nous disposions du label GMP. Mais à la suite de recontres avec des responsables de santé publique, lors des réunions d’agences internationalesdu médicament, j’ai compris toute l’importance de la préqualification OMS pour pouvoir agir sur le plan international. » Il faut dire que l’essentiel des adaptations avaient été réalisées et que les conditions, sur ce plan, pour garantir une qualité des services était assurée grâce au travail collégial mené dans le but d’obtenir le label GMP européen. « Si la portée géographique change entre les deux labels, leurs exigences sont très comparables », précise Roland Marini.

UNIQUE EN BELGIQUE

Medocs-02Néanmoins, à terme, une augmentation du personnel sera nécessaire pour répondre aux demandes supplémentaires émanant du niveau international, d’autant plus qu’une exigence de rapidité d’exécution sera de mise. « Il y a parfois des situations d’urgence, par exemple en cas d’épidémies de maladies graves, qui nécessitent une analyse rapide des médicaments à administrer à la population locale », enchaîne Roland Marini. Un dédoublement des équipements risque également d’être nécessaire pour assurer cette mission.

Si d’autres laboratoires ont obtenu la préqualification de l’OMS, l’ULg est la seule institution universitaire détentrice de cette certification. Ce qui peut par ailleurs sembler étonnant… « Pas tant que cela, rétorque Roland Marini. Les laboratoires qui disposent de cette préqualification, hormis les laboratoires belges, sont des laboratoires nationaux qui contrôlent l’entrée des médicaments et leur circulation. Et comme ils sont là pour réaliser ce travail de contrôle, les universités de ces pays ne s’y intéressent pas. De plus, leurs homologues sont davantage focalisées sur leurs missions d’enseignement et de recherche. Elles accordent donc peu d’attention à la coopération associée aux exigences et aux normes internationales en matière de qualité, en particulier vers les pays du Sud. L’ULg, elle, s’est engagée dans cette voie, car cela répond à une volonté institutionnelle. J’avoue être aussi très engagé dans cette mission, puisque c’est avec cette ambition que je suis venu du Congo à l’ULg. »

TRAÇABILITÉ

Mais, concrètement, comment se traduira la mise en œuvre de cette préqualification OMS ? « Tout d’abord, nous serons qualifiés pour répondre aux demandes émanant de l’OMS dans le but d’identifier des préoccupations existantes. Cela concerne notamment le contrôle et la surveillance des médicaments dans le cadre de grandes campagnes de distribution auprès des hôpitaux dans les pays du Sud », explicite le chercheur. L’ULg pourra aussi répondre aux demandes émanant des Nations unies dans le cadre de problématiques plus ciblées. « Je pense par exemple à un cas qui s’est produit au Bénin : un étudiant avait pris un médicament qui se présentait comme un produit émanant d’un grand laboratoire français ; or, il ne contenait aucune molécule active. Des lots se sont retrouvés aussi au Congo et au Rwanda, et les Nations unies nous ont demandé de tracer cette falsification. Des États peuvent aussi faire appel à nous, dans le cadre de programmes nationaux pour lutter contre certaines maladies. Tout comme des bailleurs de fonds qui veulent financer ces programmes et souhaitent s’assurer que les médicaments qui seront distribués sont de bonne qualité. Ils vont alors solliciter notre expertise, afin de vérifier dans nos laboratoires que leurs produits sont de bonne qualité, moyennant le prélèvement des échantillons à partir des lieux de production. Dans certaines situations, il pourrait nous être demandé de nous rendre sur place pour effectuer des audits afin de résoudre certains problèmes. »

Medocs-01Les bonnes pratiques sont désormais bien ancrées dans le département de pharmacie, et l’intérêt du partage de l’expérience avec les pays en voie de développement s’est rapidement imposé. « Nous pouvons donc aller dans ces pays afin de former les inspecteurs locaux, leur montrer les techniques de vérification, la compréhension des certificats d’analyse, la traçabilité des médicaments, etc. », se réjouit Roland Marini.

L’ULg bénéficie par ailleurs d’un retour d’expérience : « Il s’agit d’un bénéfice indirect pour notre Université. Nous partageons en effet beaucoup d’informations avec les laboratoires qui sous-traitent chez nous. De plus, sur le plan de la recherche, notamment sur les médicaments falsifiés, nos techniques plus poussées d’analyse des médicaments et nos conclusions peuvent mener à des sujets de publication. Nous avons en outre des étudiants en pharmacie, en santé publique, avec qui nous partageons cette expérience et que nous sensibilisons à la problématique des médicaments falsifiés ; certains demandent à se déplacer dans les pays en voie de développement pour travailler sur le terrain et nous reviennent avec des expériences qui renforcent nos cours. Et ils partagent aussi leur propre expérience avec les personnels locaux. » Une autre retombée, plus inattendue, est l’ouverture au droit public pharmaceutique, du fait de la contractualisation avec d’autres pays. La coopération avec d’autres États implique donc de connaître la législation d’application sur place…

ET L’AVENIR ?

Après le GMP, après l’OMS, quelle peut être l’étape suivante ? « Nous allons faire la demande pour devenir un centre de collaboration de l’OMS. Celui-ci fera appel à des institutions pour donner des avis scientifiques sur des questions qui dépassent l’OMS. On pense par exemple à l’épidémie du virus Ebola qui était différent d’un pays à l’autre, qui infectait certaines personnes et pas d’autres, etc., et qui nécessitait de cerner un traitement approprié tel que la mise au point d’un vaccin et de prévenir l’expansion de la maladie. Un centre de collaboration établit également, avec des laboratoires membres, des guidelines internationales, collecte des données utiles pour l’OMS qui sont publiées. Je pense que l’inclusion de six unités de notre département de pharmacie dans ce centre de collaboration, et plus particulièrement le Centre interdisciplinaire de la recherche du médicament (Cirm) ne devrait pas poser de problème, étant donné que nous avons décroché la préqualification et que nous disposons en outre des connaissances universitaires… »

Prochain épisode au cours du premier semestre 2017, où la réponse sera donnée.

* le15ejour.ulg.ac.be/gmp

Carine Maillard
Photos J.-L. Wertz
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