Janvier 2017 /260

Réforme protestante

Il y a 500 ans, Martin Luther provoquait le schisme

LutherMartinLe 31 octobre 1517, Martin Luther, un moine allemand écœuré par certaines pratiques de l’église, formulait ses “95 thèses” dont on dit qu’il les afficha sur la porte de l’église du château de Wittenberg. Cette vive critique de l’institution catholique est désormais considérée comme l’acte fondateur de la Réforme. « Sa démarche prend tout son sens dans le cadre de la disputatio médiévale, une méthode d’enseignement et de recherche qui visait à discuter d’une thèse avec avis contradictoires », explique le Pr Annick Delfosse, spécialiste d’histoire religieuse à l’époque moderne et directrice de l’unité de recherche “Transitions”. Luther dénonçait notamment le système des indulgences qui permettait au chrétien d’obtenir un allègement des peines au purgatoire en échange de certaines “bonnes œuvres” (pèlerinages, mortifications, aumônes, etc.). Grâce à l’imprimerie, le succès de ces thèses, initialement adressées à un cercle universitaire, fut immense. Luther, condamné par Rome, se lança alors dans une activité d’écriture frénétique. « Les écrits de Luther furent des “best-sellers”, reprend Annick Delfosse. Il utilisa à merveille la nouveauté technologique de l’époque, l’imprimerie, afin de diffuser ses idées. » Le protestantisme était né.

LUTHER ET LA BIBLE PALATINE

Pour le 500e anniversaire de la Réforme, le Pr Annick Delfosse et le Dr Cécile Oger (conservatrice au sein du Réseau des bibliothèques et également membre de “Transitions”) ont décidé de monter une exposition autour d’une Bible en langue allemande conservée dans les collections patrimoniales des bibliothèques de notre Alma mater. « Grâce à la magnifique collection de livres anciens de l’ULg – la plus importante de la Fédération Wallonie-Bruxelles – et au concours des collections artistiques, nous avons proposé de monter une exposition sur la Réforme luthérienne au musée Curtius », résume Annick Delfosse.

BibleLa pièce majeure de l’exposition sera la Bible dite “palatine”, l’une des nombreuses rééditions de la traduction de la Bible en allemand (Biblia das ist die ganze Heilige Schrift) que Luther a réalisée afin de mettre le texte sacré à la portée de tous les chrétiens. Publiée à Francfort en 1560 chez David Zephelius, Jehann Raschen et Sigmund Feierabend, elle comporte quelques 150 illustrations, dont une grande partie signées par Virgil Solis, graveur célèbre de Nuremberg. « Cet exemplaire a la particularité d’avoir sauvegardé la reliure originale du XVIe  siècle et de présenter une page de titre peinte, commente Annick Delfosse. L’ouvrage a jadis appartenu au Collège des jésuites wallons, jadis installés dans les bâtiments de la place du 20-Août. » Non seulement cette Bible sera exposée mais une borne numérique permettra de la feuilleter sur écran : elle a en effet été numérisée il y a peu dans le cadre de l’énergique politique de numérisation du Réseau des bibliothèques.

Photo : Page de titre de la Bible palatine conservée à l'ULg

L’exposition s’articulera autour de cette pièce maîtresse. « Cinq thèmes structureront l’ensemble : la figure de Martin Luther (et sa position sur les indulgences qui aboutit à son excommunication en 1520 et au schisme avec Rome) ; l’histoire de la Réforme ; l’histoire de la Bible exposée ; la transition du latin, langue sacrée, vers l’allemand, une langue populaire ; l’utilisation par Luther des images satiriques (il a publié nombre de caricatures contre l’Église) », énumère Annick Delfosse qui garantit que toutes les pièces mises en valeur sont des pièces originales en provenance, pour certaines d’entre elles, de la Bibliothèque royale de Belgique, de la Bibliothèque nationale de France et de l’université de Gand.

Ancrée au XVIe siècle, « l’exposition évoquera aussi l’impact de la Réforme, note le Pr Delfosse. En effet, l’histoire du mouvement ouvre la porte à une réflexion sur des sujets tout à fait actuels comme la liberté de culte, la liberté d’expression, le rôle et la diffusion des images ou des caricatures, la contestation de l’autorité et de l’ordre, etc. »

DelfosseAnnickRECONQUÊTE PAR LE LIVRE

Dans la mouvance du même anniversaire, un colloque international se tiendra à l’Université, en contrepoint de l’exposition, pourrait-on dire. Organisé par l’unité de recherche “Transitions” et le groupe de contacts FNRS “Documents rares et précieux”, il a pour titre “Reconquête par le livre et par l’image au cœur de la réforme catholique dans les Pays-Bas (XVIe-XVIIe siècles)”. « Si l’utilisation de l’imprimé par Luther est considérée, comme le premier phénomène de mass media, reprend le Pr Annick Delfosse, la réponse, sur ce terrain, du monde catholique est peu étudiée. Il s’agira dès lors d’envisager la réaction de l’Église catholique en butte aux critiques. Comment a-t-elle réagi face à la traduction des textes sacrés ? Quelle stratégie a-t-elle mise en place ? A-t-elle pu compter à son tour sur des imprimeurs ? On connaît Plantin à Anvers, mais peut-être y avait-il d’autres ateliers, à Liège notamment. »

Une quinzaine de chercheurs prendront la parole durant ce colloque ouvert aux doctorants et aux étudiants.

Une réforme, un livre : Luther et la Bible palatine

Exposition, du 2 février au 30 avril 2017, au Grand Curtius, quai de Maestricht 13, 4000 Liège.

* informations sur www.grandcurtiusliege.be

Dans ce cadre, l’évêque de Liège, Jean-Pierre Delville, donnera une conférence intitulée “Luther et la Réforme”, le 23 février à 20h, dans l’auditorium du Grand Curtius.

Reconquête par le livre et par l’image au cœur de la Réforme catholique dans les Pays-Bas (XVIe-XVIIe siècles)

Colloque international, les 23 et 24 février, à la salle des professeurs, place du 20-Août 7, 4000 Liège.

Contacts : courriels renaud.adam@ulg.ac.be et rdemarco@ulg.ac.be, programme sur http://web.philo.ulg.ac.be/transitions/fr/

 

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