Le 15e jour du mois
February 2017 /261

Montée des eaux

Un nouveau modèle de simulation climatique

Une reconstitution de l’évolution des précipitations et de l’enneigement en Belgique, à l’aide d’un modèle du climat développé au laboratoire de climatologie de l’université de Liège, montre que les conditions climatiques favorisant les inondations hivernales ont diminué en Ardenne au cours de ces 50 dernières années. Et il en ira encore ainsi dans les années qui viennent. Mais à la fin du siècle, la tendance devrait s’inverser.

Mery-01En Ardenne, près de 70% des débordements de rivières surviennent en hiver. Si la moitié de ces inondations est causée par le seul effet d’abondantes précipitations, l’autre moitié – les inondations les plus dramatiques – survient lorsque l’eau issue de la fonte rapide du manteau neigeux recouvrant la région ardennaise se combine à de fortes pluies. Dans le futur, le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) prévoit pour nos régions une augmentation des précipitations hivernales et une diminution de l’enneigement. Il est dès lors légitime de se demander si l’augmentation des précipitations sera contrebalancée par la diminution de l’enneigement.

Image : Crue de 1993 à Tilff. © François Petit - Laboratoire d'hydrogéographie et de géomorphologie fluviale.

TESTER SA FIABILITÉ

Pour répondre à cette question, il convient de disposer d’un modèle climatique fiable, permettant de représenter le climat passé, présent et futur en chaque point du territoire et à tout instant. Grâce au modèle “MAR” développé à l’université de Liège, il est possible de reconstituer l’évolution quotidienne des totaux de précipitations, de l’accumulation neigeuse et des taux de ruissellement (run-off) issu de la fonte de la neige et des précipitations qui contribueront ensuite à gonfler le débit des rivières. Il faut cependant garder à l’esprit que ces modèles ne sont que des représentations simplifiées de la réalité. Ainsi, le modèle utilisé dans le cadre de cette recherche* ne simule pas le débit des rivières ni l’évolution de l’expansion du bâti qui contribue à l’imperméabilisation des sols.

Une fois que le modèle a terminé ses simulations climatiques, les chercheurs ont vérifié que ses résultats sont cohérents avec la réalité. « Lors de cette étape, il s’est avéré que le modèle était capable de détecter plus de 90 % des périodes durant lesquelles il y a effectivement eu des inondations », se réjouit Coraline Wyard, doctorante au département de géographie, laboratoire de climatologie de l’ULg et première auteure de l’étude.

MOINS DE NEIGE

Esneux-01Au cours de la période 1959-2010, les tendances calculées sur base des résultats du modèle montrent une diminution significative du nombre de jours favorables aux inondations causées par la combinaison fonte de neige/pluie. « Cela s’explique par une diminution significative des épaisseurs de neige amoncelées en Ardenne et du nombre de jours, avec accumulation de neige au sol, mais aussi par un raccourcissement de la saison d’enneigement, commente Xavier Fettweis, coauteur de l’étude et chercheur qualifié au FNRS au sein du laboratoire de climatologie. Celle-ci commence de plus en plus tard au fil des ans. »

Image : Crue de 1993 à Esneux.
© François Petit - Laboratoire d'hydrogéographie et de géomorphologie fluviale.

Dans le futur, on peut s’attendre à ce que ces tendances se poursuivent. De nombreuses études prévoient en effet une sévère diminution de l’enneigement en Europe, de même qu’une intensification des précipitations extrêmes. « Dans un premier temps, résume Coraline Wyard, les conditions climatiques favorisant les inondations en Ardenne devraient être moins souvent rencontrées à mesure que la neige se raréfie. Cependant, dans un second temps, l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des précipitations extrêmes devrait compenser la raréfaction de la neige, si bien qu’à la fin du XXIe siècle, il devrait y avoir autant, si pas plus, de périodes favorables aux inondations. Les inondations devraient ainsi être presque exclusivement générées par des pluies intenses alors qu’actuellement ce type d’inondations hivernales représente seulement la moitié de celles-ci. »

* voir le site www.reflexions.ulg.ac.be (rubrique Terre/climat)

* Wyard, C., Scholzen, C., Fettweis, X., Van Campenhout, J., & François, L. (2016). Decrease in climatic conditions favouring floods in the south-east of Belgium over 1959-2010 using the regional climate model MAR. International Journal of Climatology, doi: 10.1002/joc.4879.


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