March 2017 /262

9e art

sur les cimaises

Le Musée de la Boverie accueillera prochainement l’exposition “Révolution bande dessinée : Métal Hurlant et (À SUIVRE)”. Parcours parallèles de deux revues devenues cultes en compagnie d’Erwin Dejasse.

« Dans les années d’après-guerre en Francophonie, la bande dessinée était publiée dans des revues familiales, a priori destinées aux enfants mais que les adultes lisaient aussi, explique Erwin Dejasse, docteur en histoire de l’art spécialisé dans la bande dessinée. C’est le cas de Tintin ou Spirou par exemple. La fin des années 1960 est marquée par un vaste mouvement contestataire, ce qu’on appellera bientôt la contre-culture. Il s’agit de remettre en cause les modèles en place (familiaux, institutionnels, culturels, etc.). C’est dans ce contexte que vont apparaître Métal Hurlant en 1975 et (à SUIVRE) trois ans plus tard. »

Organisée en partenariat avec le fonds Hélène & édouard Leclerc pour la Culture, l’exposition proposera un parcours de plus de 300 planches originales de dessinateurs belges, français et internationaux passés chez Métal Hurlant ou (À SUIVRE) en leur temps. Deux revues qui vont marquer leur époque à bien des égards.

BD-BILALMÉTAL HURLANT

Illustration : Planche de Enki Bilal

« La revue est lancée par Jean-Pierre Dionnet qui veut créer un magazine de science-fiction, chose rare à l’époque, et qui entend laisser les auteurs créer sans contraintes. C’est ainsi que débute le premier épisode du Garage hermétique de Jerry Cornélius de Moebius, complètement improvisé et totalement déconcertant. Dionnet va l’encourager à donner une suite à ce qui ne devait être au départ qu’une expérience sans lendemain. Le Garage hermétique va se muer en un feuilleton délirant, qui va tenir les lecteurs en haleine pendant plus de deux ans. C’est certainement l’une des créations les plus emblématiques de Métal Hurlant, l’une de celles qui va véritablement forger l’identité de cette revue, rappelle Erwin Dejasse. Bien qu’il ait été un magazine au final assez inégal, Métal Hurlant va participer de manière importante à un renouvellement en profondeur des formes et des contenus de la bande dessinée. »

(À SUIVRE)

Illustration : Planche de Philippe Druillet

BD-Druillet« Alors que Métal Hurlant est né dans l’énergie du moment, porté par l’enthousiasme de ses créateurs, (à Suivre), édité par Casterman, a fait l’objet d’une importante réflexion quant à son positionnement éditorial. Par ailleurs, nous sommes à la fin des années 1970 et l’énergie contestataire s’est déjà atténuée, note le chercheur.  L’œuvre qui servira vraiment de modèle, c’est La Ballade de la mer salée, la première aventure du Corto Maltese d’Hugo Pratt. Pour Jean-Paul Mougin, le rédacteur en-chef, c’est une création qui rapproche la bande dessinée de la littérature. Dans les premières années surtout, ce sera la marque de fabrique de la revue : privilégier des œuvres tournant autour de 100 pages, des bandes dessinées que l’on met du temps à lire, comme un roman. C’est une approche assez éloignée de ce qui se faisait auparavant en Europe. » Autre différence majeure : (à SUIVRE) prendra beaucoup moins de risques artistiques. «  C’est une revue plus rassurante, une structure plus solide, avec des auteurs déjà établis comme Tardi, Pratt, F’Murr ou Muñoz et Sampayo, reprend Erwin Dejasse. L’idée de Mougin était de privilégier les “romans dessinés” divisés en chapitres qui peuvent atteindre une bonne vingtaine de pages. Cette singularité va donner à tous ces créateurs l’occasion de donner à leur bande dessinée une amplitude jusque-là assez inédite. »

Disparues à une décennie d’intervalle – 1987 pour Métal Hurlant, 1997 pour (À SUIVRE) –, les deux revues marqueront toutefois toute une génération d’auteurs et de dessinateurs mais aussi de lecteurs, ouvrant des perspectives sur les possibilités de la bande dessinée et la hissant désormais au rang du cinéma ou de la littérature.

Révolution bande dessinée : Métal Hurlant et (À SUIVRE)

Exposition du 17 mars au 11 juin, au Musée de la Boverie, parc de la Boverie 3, 4020 Liège.

* www.laboverie.com

 

Bastien Martin
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