Avril 2017 /263

Harmonies célestes

Un programme musical articulé entre deux mondes

“Il y a de la musique dans le soupir du roseau ; il y a de la musique dans le bouillonnement du ruisseau ; il y a de la musique en toutes choses, si les hommes pouvaient l’entendre.” (Don Juan de Lord Byron)

Le poète avait sans doute raison puisque, grâce au programme “Musique et Astronomie”, nous pourrons bientôt entendre la musique du cosmos. Le cycle de quatre concerts, organisé à l’occasion du bicentenaire de l’université de Liège, fera la part belle aux liens entre ces deux mondes, entre ces deux disciplines. Le 8 mai, dans la salle académique de l’Université, les spectateurs pourront découvrir en guise de “première” des créations de la classe de composition de Michel Fourgon – Conservatoire royal de musique de Liège –, les étudiants ayant bénéficié des conseils de l’astrophysicienne Yaël Nazé, chercheuse qualifiée au FNRS au département d’astrophysique, géophysique et océanographie.

GammeMusicaleCelestePour les Anciens, l’ordre cosmique était sous-tendu par une parfaite harmonie. La musique étant elle même constituée de lignes mélodiques, les deux sciences étaient ainsi associées dans une interdépendance féconde. Pythagore, celui du théorème, fut probablement l’un des premiers à marier la musique et l’observation des astres. Une gamme porte son nom et celle-ci obéit à deux règles : il n’y a que sept intervalles entre les notes d’une gamme et la somme de ces intervalles est égale à six tons. Le cosmos, entendu comme un univers ordonné et harmonieux, est expliqué de la même manière : puisqu’il y a autant de planètes que d’intervalles musicaux, elles sont placées selon les rapports harmoniques et chacune d’elles se voit attribuer une note (do pour Jupiter, ré pour Mars, mi pour le Soleil, fa pour Mercure, sol pour Vénus, la pour la Lune et si pour Saturne). Les pythagoriciens sont donc les premiers à établir une échelle planétaire en tenant pour acquis que la distance entre la Terre et le Lune est égale à un ton.

Photo : La gamme musicale céleste vue par Robert Fludd (1573-1637).
On trouve de bas en haut les quatre éléments, puis les“planètes”
et enfin les zones paradisiaques.

Si l’idée peut faire sourire, il suffit de se pencher sur le nombre de compositeurs, philosophes ou savants adeptes de cette vision des choses pour changer d’avis. Boèce (Ve siècle) reprit la théorie de Pythagore en ré-arrangeant les notes attribuées aux planètes. Notons que le nom des jours de la semaine suit la gamme de Boèce (Lundi-Lune ré, Mardi-Mars sol, Mercredi-Mercure do, Jeudi-Jupiter fa, Vendredi-Vénus si, Samedi-Saturne mi, Dimanche-Soleil la) : les cosmologies indiennes et chinoises accordaient également leurs violons de cette manière. Jusqu’à la fin du Moyen Âge le quadrivium comportait, outre l’arithmétique et la géométrie, la musique et l’astronomie. Si Johannes Kepler rechercha dans l’harmonie musicale celle des sphères (il estimait en effet que Dieu est architecte, géomètre et musicien), Galilée fera également coïncider ses recherches astronomiques avec sa passion musicale héritée de son père, Vincenzo. Du côté des philosophes, il est conseillé de s’intéresser au statut des corps célestes afin de comprendre la philosophie de saint Thomas d’Aquin et celle des philosophes et penseurs arabes tels que Averroès, Avicenne ou Al Farabi qui s’appuyèrent sur des théories liant musique et astronomie pour élaborer une explication du monde. Les liens sont donc très nombreux : on connaît même un astronome devenu musicien, Brian May (guitariste de Queen), et un musicien devenu astronome, William Herschel (découvreur d’Uranus) au XVIIIe siècle.

L’Orchestre de chambre de Liège interprétera d’ailleurs une de ses œuvres pour cordes, le 14 mai 2018. Notons encore que chacun des quatre concerts du cycle sera précédé d’une mise en contexte scientifique présentée de manière ludique.

* Dominique Proust, L’harmonie des sphères, Seuil, Paris, 2001.


Cycle “Musique et astronomie”

Les 8 mai, 21 mai et 7 décembre 2017, le 14 mai 2018.

Programme complet avec précision des lieux sur le site www.200.ulg.ac.be

Aliénor Petit
Photo : Wikimedia
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