Avril 2017 /263

Le théâtre dans l'espace social

Interview du Pr Nancy Delhalle (Certes), et de Céline Bodart (architecture)

Faire émerger des questionnements sur les différentes formes d’inscription sociale du théâtre, poser les fondements d’une collaboration interdisciplinaire pérenne, tels sont les objectifs de la journée d’étude organisé par le Centre d’études et de recherches sur le théâtre dans l’espace social (Certes).
Interview de Nancy Delhalle, directrice du Certes et professeur au département arts et sciences du spectacle, et de Céline Bodart, doctorante en architecture.

Le 15e jour du mois : Le théâtre peut apparaître comme un microcosme qui obéit à ses propres lois. Or, le programme de la journée d’étude révèle un intérêt accru de nombreux autres champs disciplinaires. Pourquoi ?

DelhalleNancyNancy Delhalle : Le théâtre a toujours fonctionné comme une grande éponge. Il a absorbé toutes les innovations de notre société, qu’elles soient d’ordre esthétique ou technique. Aujourd’hui, il est entré dans une nouvelle ère étroitement liée à l’émergence du numérique et de la mondialisation. Interroger le théâtre en tant qu’art vivant, c’est en somme un moyen de questionner notre société, de comprendre les mutations qui la travaillent et ainsi faire émerger des problématiques transversales à de nombreux champs d’étude.
Le Certes qui associe des collègues des facultés de Sciences sociales, d’Architecture, de Psychologie, Logopédie et Sciences de l’éducation, de Philosophie et Lettres ainsi que le Conservatoire de Liège a précisément été créé dans le but de fédérer des acteurs issus de divers horizons pour multiplier les approches du spectacle vivant dans l’espace social.

Le 15e jour : Quelles seront les apports respectifs de ces approches ?

N.D. : Le théâtre est un art vivant et du vivant qui n’est pas expérimenté de la même façon que le spectacle enregistré. Les dimensions interrelationnelles, spatiales, temporelles et processuelles sont essentielles, voire même constitutives du fait théâtral. C’est pourquoi il sera notamment question de débattre de la place de l’art dans la cité, mais aussi de l’évolution des publics ou encore des territoires et des lieux qui accueillent l’art vivant. Toutes ces réalités font inévitablement intervenir des enjeux politiques, économiques, sociaux qu’il faut interroger.
Pour poser ces questions, nous accueillerons des scientifiques mais aussi des praticiens comme Valérie Cordy, directrice de la Fabrique de théâtre dans le Hainaut, Charlotte Charles-Heep, directrice artistique du Festival international des arts de la rue de Chassepierre ou encore Alain Chevalier, directeur du TURLg. Ces différentes pratiques témoignent d’un ancrage social particulier et d’une relation différente au public.

Le 15e jour du mois : Quel éclairage l’architecture apporte-t-elle pour appréhender le théâtre comme fait social ?

BodartCelineCéline Bodart : À mon sens, il ne s’agit pas tellement de déterminer ex nihilo ce que l’architecture peut amener comme outils pour “comprendre” le théâtre ou toute autre initiative artistique. La question serait plutôt de savoir ce que ces différentes disciplines peuvent apprendre l’une de l’autre, voire même l’une avec l’autre. Dans son Manifeste compositionniste paru en 2010, Bruno Latour appelle précisément à renouveler les liens entre nos disciplines pour tenter de faire face à la “crise de la représentation” qui frappe le monde contemporain et à favoriser de nouvelles formes de rencontres multidisciplinaires capables de “composer progressivement un monde commun”. C’est seulement autour de problèmes réels et concrets, en s’adressant ensemble à des situations toujours singulières, que peuvent se formuler les véritables enjeux de la rencontre de nos différentes pratiques, de leurs outils, instruments et méthodes.

Le 15e jour : Ce positionnement idéologique sera-t-il au cœur de votre intervention lors de la journée d’étude du Certes ?

C.B : Dans ma communication, je tenterai de poser différemment la question de la rencontre entre le théâtre et l’architecture. Il s’agira de se demander en quoi les phénomènes urbains contemporains appellent à de nouvelles formes d’alliance entre nos pratiques, qu’elles soient architecturales ou artistiques (ou autres encore). J’engagerai une réflexion sur les effets de telles rencontres et moins sur leur(s) raison(s). Pour expliciter cela, mon intervention portera sur une expérimentation actuellement menée sur le territoire de la vallée de la Vilaine à Rennes par la structure coopérative Cuesta.

Le mercredi 19 avril prochain, le Centre d’études et de recherches sur le théâtre dans l’espace social (Certes) organise une première journée d’étude intitulée “Le théâtre dans l’espace social : reconfigurations et efficacité symbolique”, à la salle Berthe Bovy, complexe Opéra, place de la République française 41, 4000 Liège.

* courriel ndelhalle@ulg.ac.be




Propos recueillis par Marjorie Ranieri
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