February 2009 /181

2009 sera télescopique

Le miroir liquide liégeois bientôt installé en Inde

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Photo: Jean Surdej
Trois des quatre télescopes construits par Amos (Liège) à côté du Very Large Telescope Interferometer (VLTI) de l'ESO à l'Observatoire du Paranal au Chili.
 


Voilà plus de dix ans que le Pr Jean Surdej, du département d’astrophysique, géophysique et océanographie (AGO) de l’ULg, porte le projet de l’International Liquid Mirror Telescope (ILMT) contre vents et marées. Cette année verra enfin sa consécration. Contrairement aux autres télescopes, le miroir du ILMT est liquide, ce qui en diminue fortement le prix. En contrepartie, il ne peut être orienté et est donc destiné à fixer le zénith... un endroit très privilégié !


Mirage, mon beau mirage


L’histoire du ILMT commence en 1995, lorsque Jean Surdej, travaillant au Space Telescope Science Institute (Baltimore, USA), est contacté par Ermanno Borra, de l’université de Laval, pour développer un télescope à miroir liquide dédié notamment à l’imagerie de mirages gravitationnels. Jean Surdej est alors sceptique : « La probabilité qu’un mirage connu à l’époque passe dans le champ de vue du télescope flirte avec le zéro. » Mais un an plus tard, une conférence consacrée à ses applications astrophysiques le persuade de la mine d’or que constitue un tel télescope, notamment dans son domaine de recherches que sont les mirages gravitationnels. En accumulant de la lumière provenant d’un même champ du ciel, ce télescope percera le ciel très profond et devrait permettre, par exemple, de détecter 50 nouveaux mirages, selon les scénarios cosmologiques les plus pessimistes.

« À l’époque, divers pays avaient accepté de collaborer au projet, se souvient Jean Surdej (de retour à l’ULg en 1996). Mais une accumulation de circonstances indépendantes a entraîné leur retrait un par un. Nous avons très vite été réduits à devoir abandonner ou à apporter nous-mêmes la totalité des fonds. Il nous a fallu dix ans pour les trouver, en étroite collaboration avec le Pr Jean-Pierre Swings et Serge Habraken. Finalement, le ILMT verra le jour, grâce à notre Université principalement, au FNRS/FRFC, à la Région wallonne, à la Communauté française, et ce avec la participation d’une grande équipe d’astronomes liégeois très enthousiastes. Le maître d’œuvre est la firme liégeoise Amos pour le télescope et le Centre spatial de Liège pour la caméra CCD, cofinancée par l’Observatoire royal de Belgique. Nos collaborateurs canadiens sont revenus dans la partie, en finançant les tests, le transport sur son site d’accueil et la prise de la première lumière. »


Changement de programme


L’installation du ILMT était prévue au Chili. Mais les frais de location du terrain prohibitifs (70 000 euros par an) ont amené les astronomes à se tourner vers d’autres cieux. C’est sur l’Inde qu’ils ont jeté leur dévolu, lorsqu’ils ont appris que des astronomes indiens du nouvel observatoire de Devasthal se lançaient dans la construction d’un télescope de 3,60 m. « Enthousiasmés par le ILMT, les Indiens ont accepté de collaborer en fournissant le site, mais aussi du personnel scientifique et technique, raconte Jean Surdej. Notre correcteur conçu pour une latitude de -29°30’ convient très bien pour une latitude de +29°30’ qui est approximativement celle de l’observatoire de Devasthal. » 


La firme liégeoise Amos testera le miroir du ILMT dans le courant du mois de mars, avant qu’il ne parte pour l’Inde où il devrait voir sa première lumière d’ici la fin de l’année. « L’idée est de démontrer qu’on peut faire de la science intéressante avec un télescope de 4 m qui coûte 50 fois moins cher qu’un télescope classique de la même taille, reprend le Pr Surdej. Nous voulons aussi assurer un retour scientifique maximal. Pour ce faire, la banque de données sera accessible à tous les scientifiques, mais aussi aux écoles de l’enseignement secondaire, aux astronomes amateurs et au grand public : les images prises en Inde défileront sur un écran en temps réel à l’Embarcadère du savoir, où de petits projets de caractère pédagogique pourront être mis sur pied. » 

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Le télescope à miroir liquide

Le CSL en effervescence

Trois autres instruments “liégeois” de grande envergure prendront leur envol au cours de l’année 2009. Les compétences du Centre spatial de Liège (CSL) ont été réclamées pour tester le satellite Planck de l’Agence spatiale européenne, destiné à cartographier le rayonnement de fond cosmologique dans le domaine des micro-ondes avec une précision encore jamais atteinte. Le CSL est intervenu au début du projet, en mesurant la qualité optique des miroirs de Planck dans les conditions cryogéniques qu’ils rencontreront en orbite, mais aussi pour la phase d’essais terminaux. 


Planck devrait quitter le CSL par convoi exceptionnel le 17 février prochain, pour rejoindre la base de Kourou d’où il sera lancé en avril prochain par une fusée Ariane 5, conjointement au télescope Herschel. Ce dernier emportera dans l’espace le plus grand miroir monolithique jamais mis en orbite (3,5 m). Réalisé en carbure de silicium, il est très léger, tout en conservant d’excellentes performances optiques dans des conditions extrêmes de température. Ces conditions ont été vérifiées au CSL, grâce à ses installations qui ont permis de refroidir le télescope jusqu’à -220°C.


Enfin, un troisième télescope spatial ayant séjourné au CSL prendra son envol à la fin 2009, à bord du satellite belge Proba-2. Entièrement développé en Belgique, l’instrument Swap observera le Soleil dans le domaine de l’extrême ultraviolet. Il a vu le jour au CSL qui a assuré l’entière responsabilité de sa conception et de sa mise au point. Les miroirs et la structure ont été réalisés par la société Amos. De dimensions beaucoup plus modestes que Planck et Herschel, le télescope Swap a néanmoins nécessité des performances techniques de premier ordre pour obtenir une rugosité résiduelle du miroir de l’ordre du nanomètre et des tolérances d’alignement de l’ordre de quelques microns.

Elisa Di Pietro


Le Collège de France à Liège

 

Le Pr Antoine Labeyrie, membre du Collège de France, viendra donner des leçons les 9 et 10 mars prochains à l’ULg. Considéré comme le père de l’interférométrie optique moderne – il est en effet le premier à être parvenu à combiner les lumières collectées par deux télescopes indépendants –, Antoine Labeyrie est l’invité du Pr Jean Surdej. La technique de l’interférométrie offre l’avantage d’augmenter le pouvoir de résolution angulaire des observations : en mode interférométrique, deux télescopes séparés d’une distance de 100 m auront un pouvoir de résolution angulaire équivalent à celui d’un télescope de 100 m de diamètre ! Aujourd’hui, le plus beau sanctuaire de l’interférométrie est le Very Large Telescope Interferometer (VLTI) qui domine le mont Paranal au Chili avec ses quatre colosses de 8 m pouvant être séparés les uns des autres jusqu’à 200 m.

L’interférométrie est devenue une technique incontournable et très prometteuse. En particulier, les cours d’Antoine Labeyrie traiteront des hypertélescopes*. Ces instruments sont composés d’un “amas” de télescopes utilisés en mode interférométrique. Leur but sera principalement de caractériser la nature physique de planètes semblables à notre Terre qui gravitent autour d’autres étoiles, afin d’y détecter des signes spectroscopiques de vie, quelle qu’elle soit. Ces cours seront accompagnés de séminaires et s’inscriront dans le cadre de l’année internationale de l’astronomie, mais aussi de la formation doctorale. Ils seront ouverts à tout public et retransmis en direct vers le Collège de France à Paris.


* “Hypertélescopes au sol et dans l’espace... ou l’art de recombiner les faisceaux de lumière collectés par des miroirs indépendants”, par Antoine Labeyrie,
le 9 mars à 17h et le 10 mars à 9h et à 18h,
salle académique de l’ULg, place du 20 Août 7, 4000 Liège.


Contacts : informations sur le site www.aeos.ulg.ac.be/Cours_Coll_Fr



nazeYaël Nazé,
L’histoire du télescope. Des premiers instruments aux actuelles machines célestes,
Paris, Vuibert, janvier 2009.

Alors que la plupart des scientifiques réalisent leurs expérimentations en laboratoire, les astronomes sont condamnés à ne jamais pouvoir toucher l’objet de leurs travaux : le ciel se laisse contempler mais demeure hors d’atteinte. Pour déchiffrer le message céleste, l’oeil ne suffit pas : il fallut attendre la naissance de la première lunette astronomique pour ouvrir une nouvelle voie à notre insatiable désir de savoir. Ancêtre de tous les télescopes petits et grands, ce tout premier instrument d’observation allait en effet étendre vers l’infini le pouvoir de nos yeux. 400 ans après, ce sont d’immenses machines qui scrutent pour nous l’Univers, en nous permettant même de remonter le temps.

C’est leur histoire qui nous est racontée ici mais, par deçà les engins les plus complexes, ce livre nous parle de leurs bâtisseurs. Démontant au passage certaines idées reçues, Yaël Nazé nous plonge dans les balbutiements de ces instruments avant de nous emmener côtoyer les premiers géants et découvrir les révolutions en cours. Illustré de nombreux documents historiques et techniques, ce récit est également pourvu d’encadrés expliquant en profondeur le fonctionnement des instruments d’observation de l’espace.

Yaël Nazé est chargée de recherches au FNRS, département d’astrophysique, géophysique et océanographie.  
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