Octobre 2009 /187

Le lait, nouvelle génération

La spectrométrie fait des merveilles et permet une production de haute qualité

Riche en minéraux et en matières grasses, le lait constitue l'un des éléments indispensables à notre alimentation. Il est cependant possible d'optimiser encore ses atouts. Pour y parvenir, il faudrait, tout d'abord, connaître dans le détail sa composition précise. Cette information supplémentaire permettrait d'aider les éleveurs, confrontés actuellement à de graves soucis financiers : ils valoriseraient leur cheptel et leur production en mettant sur le marché un lait de très haute qualité, qui répondrait davantage à un objectif de santé publique. Une équation qui fait la différence

Enrichir naturellement
LaitOn sait que le calcium, présent dans ce breuvage à dose importante, est essentiel dans la prévention de l'ostéoporose. Afin de mieux couvrir nos besoins, certains aliments laitiers sont enrichis en calcium. Néanmoins, la production d'un lait naturellement gorgé de ce minéral constituerait un "plus" indéniable pour les éleveurs et les consommateurs. De même, on sait que la graisse du lait regorge de graisses saturées (70%) et contient en plus faible quantité des graisses monoinsaturées (25%) et polyinsaturées (5%). Or, des études montrent qu'une composition de 30% de graisses saturées et de 60% de graisses monoinsaturées serait plus favorable pour nos artères. « Les équilibres en graisses peuvent être modifiés avec une alimentation spécifique du bétail, explique Hélène Soyeurt, bio-ingénieur et chargé de recherches au FNRS à Gembloux Agro-Bio Tech-ULg, ou par le biais d'une sélection génétique. Ces deux pistes sont au cœur de stratégies visant à produire un lait mieux adapté à notre santé. » Un éleveur pourrait ainsi proposer, demain, un lait plus riche en oméga 3 - une graisse protectrice pour le cœur- ou débarrassé des "mauvaises" graisses et gorgé de magnésium, par exemple.

 

Ces perspectives intéressent évidemment toute la filière laitière. Encore faut-il connaître au départ la composition du lait des différentes races laitières sur plusieurs générations et, à l'intérieur de chaque race, les prestations de chaque animal. Banco : les travaux d'Hélène Soyeurt* montrent que l'on peut quantifier, à l'aide de la spectrométrie du moyen infrarouge, non seulement le taux de calcium et de phosphore dans le lait, mais aussi les teneurs des principaux acides gras qu'il contient. Et ce pour un investissement minime : 100 fois moins cher que les analyses traditionnelles pour le dosage en acides gras ! « Nous avons trouvé les équations de calibration qui révèlent dans le spectre des données importantes sur la composition du lait et qui n'étaient, auparavant, accessibles qu'au prix d'un examen long et coûteux », se félicite la chercheuse. C'est une première mondiale.

Les retombées de cette technique intéressent les vétérinaires (le taux de phosphore est un indicateur pour dépister de façon précoce une maladie comme la mammite, par exemple) au même titre que la Sécurité sociale et les consommateurs : la connaissance du capital génétique de la vache permettra d'augmenter la qualité nutritionnelle du lait. Mais les éleveurs sont bien sûr les principaux intéressés. Actuellement, la firme Campina rémunère déjà les producteurs de lait qui livrent un aliment contenant un taux élevé de graisses insaturées. Les exploitants satisfont cette demande en donnant au cheptel une alimentation riche en graines de lin, plus chère cependant. « Déterminer quel type de vache sera le plus sensible à cette alimentation serait déjà intéressant, souligne Hélène Soyeurt, mais discerner le bon profil génétique pour la production de ce lait particulier le serait davantage encore. Des outils de sélection sont d'ailleurs en cours de développement chez nous. »

 

A moyen terme, c'est toute l'estimation de la valeur d'élevage qui peut être concernée par une telle stratégie. « Pour l'exploitant, il devient en effet plus aisé de sélectionner une race et des individus à l'intérieur de cette dernière, continue la chercheuse. Il devient possible de déterminer quel taureau et quelle vache il faut coupler pour obtenir le résultat espéré et, à terme, une descendance possédant les qualités ad hoc. »

Prudence scientifique
La vigilance reste cependant de mise. « En dépit de nos désirs d'améliorer la valeur de la production, nous devons rester prudents et considérer l'impact des choix que nous opérons lors des sélections génétiques, afin d'éviter les déconvenues quelques générations plus tard, commente-t-elle. De même, le lait possède un équilibre naturel : modifier un élément, c'est toucher à l'ensemble, et il faut en mesurer les conséquences. Plus riche en minéraux et en bonnes graisses, il devra cependant conserver aussi toutes ses autres qualités. »

Pascale Gruber
Article complet sur le site www.reflexions.ulg.ac.be (rubrique Vivant/agronomie).

• En collaboration avec le Centre wallon de recherches agronomiques (département qualité des productions agricoles), l'Association wallone de l'élevage, le Comité du lait de Battice et le FNRS.

 

 

|
Egalement dans le n°269
Éric Tamigneaux vient de recevoir le prix ACFAS Denise-Barbeau
D'un slogan à l'autre
Résultats de l'enquête auprès de "primo-arrivants" en faculté des Sciences
21 questions que se posent les Belges
Le nouveau programme fait la part belle à l’histoire de la cité
Panorama des jobs d'étudiants