Juin 2010 /195

Enquête sur le vivant du ciel

Un télescope liégeois au Chili

TrappistVertLa communauté mondiale des astronomes et astrophysiciens est lancée dans une course pour explorer les origines de la vie dans l’Univers et tenter de savoir s’il peut exister d’autres planètes susceptibles d’abriter la vie. Il s’agit d’un réel défi pour les astrophysiciens. Une façon de le relever est de concentrer son attention, durant de longues séances d’observation, sur la recherche de planètes autour d’autres étoiles et d’étudier la composition chimique des comètes riches en eau et molécules organiques. « Ces exoplanètes et ces comètes sont des éléments essentiels d’un puzzle complexe pour l’étude du vivant dans l’Univers », nous explique Pierre Magain, professeur au département d’astrophysique, de géophysique et d’océanographie (AGO), l’un des animateurs du projet  “Transiting Planets and PlanetesImals Small Telescope” ou “Trappist”.

“Via une liaison internet,
Trappist reçoit ses ordres de Liège”

L’appellation désigne un petit télescope qui a la particularité d’être complètement autonome, de fonctionner pratiquement sans aucune intervention humaine. Ce projet a été mis au point à l’ULg et est le fruit d’une coopération avec l’université de Genève et l’European Southern Observatory (ESO), principalement grâce au soutien du FNRS. L’idée de cet observatoire automatique, destiné au suivi des exoplanètes et des comètes durant de longues périodes, a germé il y a deux ans dans la tête de Michaël Gillon, chercheur liégeois, alors qu’il étudiait les planètes extra-solaires lors d’un séjour post-doctoral à Genève. Il a réuni autour de lui une équipe de spécialistes liégeois et genevois pour mettre en œuvre Trappist sur l’un des sites d’observation les plus prisés au monde : La Silla, à 2300 m d’altitude dans le désert d’Atacama au Chili, avec 300 nuits claires par an. Un observatoire qui accueille déjà de nombreux télescopes.

TrappistTrioLa réalisation de Trappist a nécessité un budget de 300 000 euros. La phase d’installation a commencé au début de l’année et les tests se poursuivent grâce notamment à la présence sur place de Virgine Chantry, post-doctorante FNRS. Dès cet été, le télescope robotique dont le miroir primaire a un diamètre de 0,60 m sera opérationnel. Grâce à une structure en aluminium et en fibres de carbone, il ne pèse que 80 kg. Associé à une monture performante, il peut se mouvoir très rapidement avec une grande précision. Le télescope est installé dans une coupole de 5 m de diamètre que l’université de Genève possède à La Silla. L’ensemble, qui a été complètement modernisé, fonctionne maintenant de façon automatique, en étant couplé à une station météo qui permet d’interrompre les observations en cas de temps défavorable.

Via une liaison internet sécurisée configurée par le service général d’informatique de l’ULg, Trappist reçoit les ordres de Liège, procède aux observations et effectue un pré-traitement des données avant de les transmettre aux observateurs. « Ce sont des centaines d’images, soit quelque 5 Gbits d’informations, qui seront recueillies par nuit d’observation », précise Emmanuel Jehin, astrophysicien au FNRS, qui n’est pas peu fier de cette réalisation technologique. « En direct, depuis mon PC, à 13 000 km du Chili, je peux prendre le contrôle du télescope. » Et de souligner son caractère exceptionnel : « C’est une “première” belge qui nous place à l’avant-garde du cercle restreint des télescopes robotiques. »

Messier83L’instrument de Trappist consiste en une caméra “dernier cri”, munie d’un détecteur CCD extrêmement sensible, qui voit dans le visible et le proche infrarouge. La caméra (associée à une roue) est équipée de six filtres pour l’observation des exoplanètes (75% du temps d’utilisation) et de six filtres mis au point par la Nasa pour l’analyse de l’enveloppe gazeuse des comètes (25%). « Notre télescope commandé à distance constitue un outil de haute valeur scientifique, au service de l’astrobiologie, note Pierre Magain. Conçu principalement pour l’étude des exoplanètes, Trappist servira par ailleurs à l’étude de la chimie des comètes », continue Emmanuël Jehin, qui se réjouit de l’apport du télescope pour le groupe de physique cométaire de l’ULg.

Alors que beaucoup de télescopes qui fleurissent partout dans le monde sont des mastodontes avec des miroirs primaires de plusieurs mètres, on peut s’interroger sur le rôle que peuvent avoir des petits télescopes. Les observatoires de grande taille, qui représentent des investissements d’envergure internationale, sont proposés à la communauté scientifique pour une utilisation partagée. Ils servent à des observations ponctuelles et précises d’un coin du ciel, pour répondre aux besoins et demandes des chercheurs. Très peu de temps est disponible pour chaque programme de recherche. « Avec Trappist, notre équipe dispose d’un télescope performant qui offre un large champ de vision pour satisfaire notre désir d’observations de longue durée des transits d’exoplanètes devant les étoiles », explique Michaël Gillon, qui s’est spécialisé dans la caractérisation des planètes extrasolaires. « Notre objectif est de détecter et d’étudier ces planètes en transit, en collaboration avec plusieurs autres projets, comme le satellite Corot, qu’on utilise déjà à l’AGO. Pour une partie des étoiles que nous observerons, Trappist sera capable de détecter des planètes dont la taille est proche de celle de notre Terre et qui sont, peut-être, propices à l’éclosion du vivant. »

Longue vie à Trappist qui constitue un audacieux et précieux projet pour faire progresser la connaissance de l’infiniment grand !

Page réalisée par Théo Pirard

Contacts : courriel trappist@astro.ulg.ac.be

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