Janvier 2011 /200

Le plomb a-t-il de l’électron dans l’aile ?

Le livre entre dans l’ère du numérique

IphoneOn l’annonce depuis 40 ans, nous y sommes : le livre connaît sa quatrième révolution. Ier siècle : invention du codex, appelé à périmer le volumen. XVe siècle : apparition du livre imprimé. XIXe siècle : tournant industriel de l’édition et standardisation du livre à bon marché. Aujourd’hui : entrée dans l’ère numérique, sur écrans, liseuses, iPads et autres iPhones.

Inutile de troquer un fétichisme (du livre papier) contre un autre fétichisme (technologique) : à chaque avatar, c’est moins la forme de l’objet qui est en jeu que les modes de diffusion et d’appropriation de la culture écrite. Inutile aussi de verser dans l’emphase technophile ou dans la nostalgie technophobe, portée l’une et l’autre par un même réflexe d’essentialisation. Car le livre, cela n’existe pas : ce qui existe, ce sont des livres, de différents registres et se prêtant à différents usages, et à chacun de ces registres ou usages correspondront des évolutions distinctes dans le nouvel environnement numérique. Ceux qui passeront en bloc de l’autre côté du miroir des écrans ne sont-ils pas, au fond, ceux qui se prêtaient à photocopie intensive ? Le livre de savoir, les encyclopédies, l’ouvrage scientifique ou technique en tireront le plus grand profit : accessibilité, interactivité et, surtout, mise à jour constante des données. Le livre littéraire, quant à lui, verra très probablement se maintenir, pour une part, sa forme papier. Qui a jamais – sinon à l’école en panne d’anthologies – lu Proust ou Beckett en photocopie ? Plaisir du texte et sensualité du papier ne sont pas près de se disjoindre. Et il y a fort à parier que sur les tables de salon de la bourgeoisie cultivée on verra longtemps encore s’empiler les “beaux livres” au lendemain des fêtes de fin d’année.

Sans doute l’avenir du livre n’est-il pas plus figé dans l’encre indélébile de Gutenberg qu’il n’était enroulé dans le volumen. Mais ne rangeons pas trop vite le livre papier au rayon des objets techniques périmés : pour certaines de ses catégories, il va perdurer, nimbé d’une aura particulière, au sein d’une nouvelle galaxie éditoriale. Et songeons qu’il s’est trouvé un pionnier de l’e-book pour déclarer que si le livre imprimé avait été inventé après le livre électronique, il aurait été accueilli comme une avancée technologique majeure. Pensez donc : un livre qui se consulte où l’on veut, qui ne consomme aucune électricité et dont les pages, sans brillance, sont d’un parfait confort de lecture…

Entre distribution et édition : les sciences humaines en ligne

Spin-off de l’ULg fondée en 2005, Cairn.info est un portail de ressources numériques en sciences humaines. D’abord spécialisé dans les périodiques, le distributeur s’ouvre à de nouveaux contenus, du côté des ouvrages encyclopédiques et bientôt des monographies.
Entretien avec Marc Minon, son directeur.

Le 15e jour : Quelles sont les nouvelles orientations de votre catalogue ?

Marc Minon : Après les revues scientifiques et les ouvrages collectifs, nous étendons actuellement notre offre aux encyclopédies de poche. Des accords ont été passés avec la collection Que sais-je ? des Presses universitaires de France, déjà présente sur notre site. Elle sera bientôt rejointe par la collection “Repères” publiée à La Découverte. Nous travaillons actuellement avec une soixantaine de structures éditoriales et comptons également nous ouvrir à des monographies.

Le 15e jour : Quel est le modèle économique du Cairn ?

M.M. : Le cœur de notre activité réside dans la vente de licences à des institutions. Ces licences donnent accès aux ressources hébergées par le Cairn, en totalité ou par bouquets thématiques, à l’image, si l’on veut, des bouquets numériques en télévision. Les particuliers ne sont visés qu’en second ressort. A ceux-ci, nous ne proposons pas l’achat d’ouvrages dans leur intégralité, sous forme d’e-books, mais uniquement l’achat d’articles ou de chapitres. C’est un impératif si l’on ne veut pas marcher sur les plates-bandes de la librairie, dont le rôle, même à l’heure d’internet, reste essentiel pour le secteur de l’édition.

Le 15e jour : Seriez-vous en train de créer un nouveau métier du livre ?

M.M. : Le numérique redéfinit profondément le travail de tous les acteurs du livre et l’on voit bien la difficulté à caractériser Cairn.info à l’aide des catégories existantes. En commercialisant de grandes collections de ressources, nous tenons autant de la librairie que de la bibliothèque, mais nous nous rapprochons aussi d’un travail proprement éditorial.
Comme l’éditeur, nous procédons à un travail de mise en forme. Et comme lui, nous choisissons les titres que nous proposons. Google règne en maître sur le terrain de l’exhaustivité. Notre politique est plutôt celle de la sélection, de la création d’un label de qualité.

Propos recueillis par Pascal Durand et Tanguy Habrand



DurandPascalPascal Durand
professeur en arts et sciences de la communication
rédacteur en chef du Liège Université (1995-1997)

Photo : J.-Cl. Massart

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