Janvier 2011 /200

De Liège à Strasbourg

Retour sur un parcours qui débute par la presse universitaire

Le magazine Liège Université a été créé en 1978, à l’initiative du vice-Recteur de l’époque, le Pr Nicolas Dehousse, qui présidait la Commission de l’information. L’objectif était d’assurer une meilleure promotion de l’université de Liège, dont le potentiel scientifique était souvent négligé par les médias bruxellois. J’ai eu l’honneur de succéder à Charles Houard à partir de la rentrée académique de 1979.

Alors que la première mouture du magazine avait une formule que je trouvais trop “lettre institutionnelle”, j’avais proposé un pari plus ambitieux : un véritable journal, dont la richesse d’information illustrerait la richesse de la vie universitaire. L’idée fut adoptée. Le pari fut tenu et le recteur Emile-Hyppolyte Betz, dès le premier numéro, se réjouit de découvrir des choses sur l’Institution qu’il dirigeait.

Si mes souvenirs sont exacts, la pose de la première pierre de la faculté de Médecine vétérinaire au Sart-Tilman fit l’objet de la première “une”. Difficile d’échapper à ce type d’information institutionnelle ! J’ai oublié beaucoup des matières que je fus amené à traiter. Internet n’existait pas et j’avais dû acheter 
l’Encyclopædia universalis en tant que boussole dans l’immensité du savoir. Mais je garde en mémoire le plaisir que j’ai eu à interviewer chez lui le Pr Maurice Piron à l’occasion de la publication de son Anthologie de la littérature wallonne. Cet homme que j’avais connu sévère lorsque j’étais étudiant me chanta aimablement une joyeuse pasqueye.

En octobre 1980, je partis sous les drapeaux. Henri Dupuis me remplaça et, à mon retour, put s’occuper à plein temps – et avec brio – du magazine. Je pris alors la responsabilité de l’émission “Liège-Université”, coproduite avec le Centre de Liège de la RTBF et qui passait sur Radio2 en avant-soirée, le vendredi. Marcelle Imhauser l’avait animée pendant les premières années, avec fougue et malice. Je n’arrivai pas à convaincre Jacques Derrida de se laisser interviewer lorsqu’il vint faire une conférence à Liège, mais mon meilleur souvenir reste l’interview de Jean-Pierre Faye à l’occasion de la parution de son Dictionnaire politique portatif en cinq mots.

J’étais, déjà à l’époque, plus intéressé par les sciences humaines, en particulier par la théorie politique, que par les sciences exactes. J’essayais, non sans naïveté, de formaliser ce que représentait mon rôle de médiateur du monde scientifique liégeois avec l’espace public régional en potassant La technique et la science comme idéologie de Jürgen Habermas. Avec la complicité d’Yvette Lecomte, qui dirigeait le Foyer culturel du Sart-Tilman, nous avions organisé un colloque sur la vulgarisation scientifique, plaisamment intitulé “La science dans les chaumières”.

La brièveté qu’implique le journalisme me parut vite réductrice. Je rêvais d’écrire une thèse de doctorat consacrée à une théorie de l’événement et méditais l’aphorisme de Hegel : « Ecrire un article de journal, c’est manger du foin. » Jacques Dubois m’incitait à me lancer dans une thèse sur le journal Le Soir. Finalement, Henry Ingberg, alors directeur de l’audiovisuel à la Communauté française, me commanda un livre sur l’industrie du disque, qui devint Stratégies de la musique. Cela me permit de prendre conscience du puissant mouvement de dérégulation qui était en train de secouer le monde de la télévision. Je me saisis du sujet et bien m’en prit. Sans trop l’avoir prémédité, je me suis retrouvé parmi les pionniers de la recherche sur la problématique de l’espace audiovisuel européen, alors naissante. En avril 1986, Robert Wangermée, ancien administrateur général de la RTBF, me proposa de rejoindre l’Institut européen de la communication, qui venait d’être créé à Manchester. Une autre histoire commençait, qui devait me conduire par la suite à travailler à la direction des Droits de l’homme du Conseil de l’Europe, à l’Idate à Montpellier.

En 1993, j’ai rejoint l’Observatoire européen de l’audiovisuel, lorsqu’il se mit en place à Strasbourg au sein du Conseil de l’Europe. La mission de cet organisme, qui réunit 37 Etats membres et l’Union européenne, est de collecter et diffuser l’information économique et juridique sur le cinéma, la télévision, la vidéo et les nouveaux services audiovisuels. J’y dirige le département d’information sur les marchés et les financements : chaque année, nous publions un annuaire statistique en trois volumes ainsi que différents rapports sur des questions telles que les aides publiques au cinéma, le développement des services à la demande, la numérisation des salles de cinéma, les développements du secteur audiovisuels en Russie, etc. Nous éditons différentes bases de données sur les aides publiques, les entrées en salles de tous les films distribués en Europe, ou encore sur les quelque 8000 chaînes de télévision de l’Union européenne. Ce travail est passionnant.

Il m’est arrivé depuis d’intervenir dans des conférences à Harvard, à Pékin, au Festival de Cannes, à la Maison des cinéastes de Moscou ou au Parlement européen. Cela n’aurait pas été possible si je n’avais eu, un jour, à surmonter le trac du jeune rédacteur en chef de Liège Université, invité à franchir la double porte du Rectorat, au premier étage de ce bon vieux bâtiment de la place du 20-Août. Une pensée amicale à tous ceux qui m’ont aidé à ce moment-là et mes meilleurs vœux à ceux et à celles qui, avec Le 15e jour, ont repris le flambeau.

LangeAndreAndré Lange
responsable du département “Information sur les marchés et les financements” à l’Observatoire européen de l’audiovisuel
(Conseil de l’Europe), Strasbourg
rédacteur en chef de Liège Université (octobre 1979-octobre 1980)

|
Egalement dans le n°269
Éric Tamigneaux vient de recevoir le prix ACFAS Denise-Barbeau
D'un slogan à l'autre
Résultats de l'enquête auprès de "primo-arrivants" en faculté des Sciences
21 questions que se posent les Belges
Le nouveau programme fait la part belle à l’histoire de la cité
Panorama des jobs d'étudiants