Mai 2011 /204

Liège parie sur la créativité pour un futur meilleur

Liege8"Se connecter au monde, rapprocher les peuples : créativité pour un meilleur futur”, tel sera le thème de l’Exposition internationale de Liège en 2017… si sa candidature est retenue. En juin, la ville déposera officiellement son dossier devant le Bureau international des expositions (BIE). Elle ne sera pas la seule : la ville d’Astana au Kazakhstan, c’est officiel, postule au même titre. La décision des 157 pays membres du BIE sera rendue officielle à la fin 2012.

Jamais deux sans trois

Rappelons que la Cité ardente a déjà accueilli dans un passé pas si lointain des rendez-vous de ce genre. En 1905 d’abord, un an après Saint-Louis aux Etats-Unis, c’est à Liège que s’installe l’Exposition universelle. L’occasion pour les ingénieurs et architectes de l’époque de construire le pont de Fragnée, d’aménager le quartier des Vennes et d’édifier le Musée d’art moderne et d’art contemporain (Mamac) dans le parc de la Boverie. En 1939 ensuite, la cité mosane organisa l’Exposition internationale qui s’étendait le long des deux rives de la Meuse, du pont de Coronmeuse à l’entrée du canal Albert inauguré en la circonstance. La patinoire et le Plongeur de Ianchelevici témoignent encore de cette manifestation prestigieuse consacrée à l’eau, interrompue brutalement par le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.

Liege2« Ces manifestations internationales représentent une opportunité réelle d’arborer notre savoir-faire aux yeux du monde entier, souligne le Recteur. Elles constituent en outre l’occasion d’aménager un quartier de la ville, Coronmeuse et Bressoux en 2017. L’Université est bien sûr un partenaire “naturel” de cet événement d’envergure qui place l’innovation au cœur de son propos… d’autant plus que l’ULg célèbrera, la même année, son bicentenaire. »

Moins grandioses que les Expositions universelles, les Expositions internationales – limitées dans l’espace (25 ha maximum) et dans le temps (trois mois) – attirent cependant des millions de visiteurs. Dans ce cas de figure, c’est le pays hôte qui construit les pavillons en vue de recevoir les Etats, les organisations internationales, les groupes de la société civile, les entreprises et les citoyens.

Stimuler la créativité

Après l’Exposition universelle de Milan en 2015 qui aura pour thème “Nourrir la planète, une énergie pour la vie”, le thème choisi par les auteurs de la candidature de Liège – “Connecting the world, linking people : creativity for a better future” – repose sur une notion principale : la connexion comme moteur de la créativité humaine. Comment faire en sorte que les “nouvelles technologies de la communication” soient au service du développement durable et solidaire ?

Liege4L’histoire de Liège nous rappelle que l’innovation technique a été au cœur de son essor. Idéalement située au centre de l’Europe, la ville est “connectée” par autoroutes, liaisons ferroviaires et aériennes au monde entier ; la Meuse qui la traverse lui assure de surcroît une voie navigable de première importance. Aujourd’hui cependant, les distances s’apprécient différemment : les nouvelles technologies abolissent en un temps record les kilomètres. Mais elles vont faire plus ! Déjà impliquées dans tous les secteurs de la vie économique, elles vont, dans un proche avenir, révolutionner en profondeur notre quotidien. Raison pour laquelle la mobilité et, de manière plus large, la communication apparaissent comme un enjeu central de la ville durable, à la même enseigne que l’innovation urbaine.

Pour Jacques Teller, chargé de cours en faculté des Sciences appliquées, internet a bousculé, en 20 ans à peine, notre manière de vivre. Mais alors que certains prédisaient, au terme des années 1990, la fin des villes au profit du “village global”, « on assiste plutôt à une reconcentration des pôles urbains et non pas à leur déconcentration, indique-t-il. D’une part, parce que les nouvelles technologies exigent une main-d’œuvre très qualifiée et, d’autre part, parce que les innovations sont d’abord urbaines. Paradoxalement, la croissance d’internet renforce les effets de proximité : les rencontres physiques sont déterminantes, car elles seules génèrent la confiance. » L’urbanisation est également indispensable si l’on veut rendre les technologies de pointe accessibles au plus grand nombre car les infrastructures, coûteuses, doivent être mutualisées et cela ne peut se passer qu’en ville. Cette dernière n’est plus seulement contenue dans un territoire : elle est aussi caractérisée par le flux d’informations qu’elle génère.

En Europe, Londres, Paris, Bruxelles accumulent les richesses… mais les déplacements des travailleurs ont un coût écologique exorbitant. « Nous devons impérativement inventer de nouvelles façons de nous déplacer, reprend Jacques Teller. La hiérarchisation du système urbain est sans doute une voie prometteuse en ce sens. Demain, la ville sera encore plus dense mais elle sera reliée de façon plus intelligente au reste du territoire. » Les plans d’aménagement prévoient ainsi – en Belgique comme en France notamment – que les grandes villes seront reliées grâce à des transports en commun efficaces à d’autres centres urbains plus modestes, accessibles eux-mêmes facilement en bus ou en voiture à partir de villages plus éloignés. « L’idée est de réduire au maximum l’utilisation de la voiture. Les espaces ainsi libérés en ville pourraient être reconvertis en espaces verts réclamés par la population, conclut le Pr Teller qui se montre assez optimiste. Grâce à la technique du GPS en voie de se généraliser, les informations relatives aux horaires des trams, trains, bus seront très facilement disponibles, ce qui permettra à chacun d’adapter ses déplacements en permanence. Le voyageur impatient se transformera bientôt en voyageur actif ! Et le tram, plus silencieux, plus confortable, sera très certainement considéré comme le must des transports publics dans les prochaines années… »

Fluidité, mobilité, sécurité

Transmettre le plus vite possible les informations sur l’état des routes (via une borne située le long des autoroutes ou dans la voiture elle-même) est certainement le projet le plus urgent pour le secteur automobile. Si Touring Mobilis donne aujourd’hui, par radio, l’estimation du temps de trajet Liège-Bruxelles par exemple, demain c’est grâce au GPS que le particulier pourra être informé des embouteillages, accidents ou ralentissements sur son trajet. C’est le concept des connected cars. « L’objectif est de fournir à l’usager les données qui lui permettront de modifier son itinéraire ou d’adopter une conduite plus intelligente, ce qui se traduira par un gain de temps pour chacun et une plus grande fluidité du trafic pour tous », explique le Pr Pierre Duysinx, de la faculté des Sciences appliquées. Les économies de carburant et de temps sont à ce prix.

Internet participera aussi au confort de tous pendant le voyage : les connexions permettront aux parents de travailler ou de consulter Twitter et aux enfants de visionner un film en streaming ou de jouer en ligne avec les copains restés à la maison. « Adieu l’autoradio, prédit Pierre Duysinx : le jukebox sur la Toile proposera un catalogue en ligne de musiques, les courses seront commandées pendant le trajet grâce à l’e-commerce et l’on modifiera le chauffage de la maison grâce à la domotique. »

La santé en ligne de mire

Liege6L’utilisation plus poussée des moyens de communication est également étudiée dans le domaine des soins de santé. « Dans certains cas, et en dehors de toute situation d’urgence, la tension, le tracé d’un électro-cardiogramme, la capacité respiratoire ou le taux de coagulation du sang pourront être mesurés par une infirmière au domicile du patient, affirme le Pr Didier Giet de la faculté de Médecine, ce qui évitera aux malades de nombreux déplacements et fera gagner aux médecins un temps considérable. » Si internet constitue déjà à l’heure actuelle une source inépuisable de connaissances (les publications scientifiques sont de plus en plus souvent accessibles gratuitement), les rapports avec l’hôpital sont – et seront encore – facilités. Envoi de radios par courriel, réception de résultats d’analyse : les délais d’attente iront en s’amenuisant et les contacts par vidéo-conférences et Skype pourraient se multiplier entre généralistes et spécialistes.

Plus encore : la mise en place d’un “Réseau Santé wallon” qui centraliserait toutes les données médicales relatives au patient est à l’étude. « L’idée est de rendre accessible en ligne les dossiers médicaux. Ainsi, généralistes et spécialistes pourraient consulter facilement les dernières radios, les prises de sang et autres analyses effectuées pour un malade », poursuit le professeur. Une manière aussi pour le “Réseau Santé wallon” de rationaliser les actes médicaux.

Une vitrine mondiale

La connectivité est donc bien au cœur de notre développement durable et l’ambition des concepteurs de l’Exposition internationale est de montrer que Liège, en pleine rénovation urbaine, entend se centrer sur le bien-être de sa population.

Ce projet “tombe” bien pour la Cité ardente, aux dires du Pr Jean-François Leroy, de la faculté de Psychologie et des Sciences de l’éducation. « La ville de Liège est en effet, pour le moment, en pleine effervescence. Au centre d’abord, avec l’aménagement du quartier de la (superbe) gare relié au Mamac et à la Médiacité ainsi qu’avec le projet de la SPI+ de transformer le Val-Benoît en un espace urbain original. En périphérie ensuite, avec la prochaine rénovation urbaine de Seraing et d’Herstal, sans oublier, enfin, l’aménagement du stade de Sclessin ni la construction du tram. L’Exposition internationale serait une formidable vitrine de notre dynamisme au-delà de nos frontières. »

Liege2017-logoProjet fédérateur et mobilisateur, “Liège 2017” redorerait le blason d’une ville terni par le déclin de son industrie et la perte d’une partie de son pouvoir économique. « L’exposition internationale serait l’occasion pour les Liégeois de se souvenir de leur glorieux passé, de redécouvrir les atouts culturels de leur ville et de reprendre confiance dans leurs capacités », conclut le Pr Leroy.

Patricia Janssens
Photos Marc Verpoorten, Office du tourisme de la ville de Liège

Liège Expo 2017

Du 21 juin au 20 septembre 2017.
Projet à l’initiative du Groupement de redéploiement économique pour le Pays de Liège  (GRE), soutenu par la ville et la province de Liège, l’ULg, la Région wallonne et le gouvernement fédéral ainsi qu’une multitude d’acteurs économiques, sociaux et culturels.
Informations sur le site www.liege-expo2017.com

 

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