Février 2012 /211

Le Lentic participe à un projet européen

GareSi l’on suit Hannah Arendt, l’art cherche la vérité derrière l’apparence : “Il ne cherche pas à imiter ou à reproduire, mais à traduire une réalité métasensible”. Cette interprétation a-t-elle influencé les auteurs du projet européen intitulé “Arts et restructurations”? Peut-être. Le défi a été relevé par trois partenaires scientifiques : l’IAE de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, le Lentic* de l’université de Liège et le WLRI de la London Metropolitan University. L’objectif étant, in fine, de réaliser un support pédagogique utilisable par le monde du travail.

L’art et la manière

« Lier l’art et la restructuration d’entreprises peut paraître paradoxal, confie le Pr François Pichault, directeur du Lentic. Pourtant, cet angle neuf pour examiner la problématique des restructurations – sujet abondamment analysé par ailleurs – a été extrêmement fécond. » Liège constitue sans doute un beau terrain d’expérience : les restructurations d’entreprises sont légion depuis plusieurs années et de multiples artistes se sont emparés du sujet pour exprimer leur point de vue à cet égard. En outre, des personnes – ou des associations – qui ont vécu le processus ont également utilisé cette forme d’expression afin de se faire entendre et réaliser ainsi une forme de deuil de leur emploi, de leur entreprise. « Les photographies, les peintures ou les vidéos apportent une vision complémentaire des travaux menés par les sociologues ou les économistes, relève François Pichault. Ces manifestationsartistiques jettent un regard plus personnel sur le phénomène, plus charnel aussi. »

Trois équipes se sont constituées à Paris, Liège et Londres. Emmenées par des chercheurs, elles sont composées d’entrepreneurs, de syndicalistes, d’acteurs, de plasticiens, etc. Cinq séminaires interrogent l’art sous trois angles : l’art permet-il de comprendre les restructurations ? ; l’art comme mode de représentation et d’institutionnalisation des pratiques de restructuration ; l’art comme dispositif de “gestion” des situations de restructuration.

A Liège, le Lentic a mis autour de la table Jacques Germay, du GRE, Brigitte Coppens, responsable de la communication de CMI, Bernard Tirtiaux, plasticien, des représentants syndicaux, des membres de l’Ecole des acteurs, de la fondation André Renard, des historiens, etc. Il s’est intéressé prioritairement à la question de l’impact territorial des restructurations. « Nous avons accueilli les équipes parisienne et londonienne au début du mois de décembre, explique François Pichault, et nous les avons immergées, appareils photos en mains, dans le quartier des Guillemins, afin de créer un choc artistique par le décalage entre le projet de Calatrava (et le texte panégyrique conçu pour l’occasion diffusé via des audioguides) et la réalité du quartier. » Choc aggravé par des interventions de comédiens dans la rue, près du Val-Benoît.

 

La seconde journée était consacrée à une découverte de la vallée industrielle liégeoise au fil de l’eau, grâce au bateau “Pays de Liège” suivie d’une visite du quartier d’Ougrée bas et d’une découverte des extraits du film HF6, réalisé par la fondation André Renard sur la réouverture du haut-fourneau complétée par des témoignages sur les actions lancées suite à l’annonce de la fermeture d’octobre 2011. Les participants ont également rencontré l’artiste Marie Zolamian, qui leur a présenté l’installation réalisée dans le cadre du projet “Aux Arts, etc.” mené par le service culture de la province de Liège. Visite du Val Saint-Lambert également, avec une présentation par Valérie Depaye d’Eriges, association d’architectes qui travaillent sur le futur paysage de Sclessin et d’Ougrée, sur la gestion des bâtiments industriels, la reconnection des sites, etc.

Articulation souhaitée

L’expérience, jugée particulièrement intéressante par tous les participants, a nourri de vifs débats et suscité moult questions. Dans quelle mesure l’art peut-il nous aider à envisager différemment le processus de restructuration ? Est-il un outil transformateur de la réalité sociale ? Permet-il d’articuler de façon plus satisfaisante l’individuel et le collectif ? Peut-il être utilisé à des fins critiques ?

Coordonné à Paris, le projet témoigne déjà d’une belle innovation dans le champ scientifique.

Patricia Janssens

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