Avril 2012 /213

Amplifier les collaborations en recherche spatiale

SatelliteQuand vous évoquez “Espace à Liège”, pensez “LISRI”, abréviation de “Liège Space Research Institute” (Institut liégeois de recherche spatiale). Cela deviendra la référence pour les compétences et activités spatiales, sous toutes ses formes, à l’université de Liège. C’est l’une des grandes entités de recherche thématique qui s’organisent au sein de la communauté universitaire. Cette entité interdisciplinaire est orientée vers la recherche et la technologie spatiales, retombées d’une longue tradition à Liège et de grand renom dans le monde. LISRI constitue une nouvelle étape basée sur une synergie qui tire au mieux parti des fruits d’un réel patrimoine tourné vers les sciences de l’Univers, les systèmes de télédétection, l’opto-électronique, l’expérimentation sous vide et en microgravité… La pertinence de professeurs et la curiosité de chercheurs ont donné une forte impulsion à ce potentiel de la connaissance dans la Cité ardente.

Rétroactes

Bien avant les lancements des premiers Spoutniks, l’Institut d’astrophysique – appelé “Observatoire de Cointe” – eut un rôle pionnier en mettant l’Europe à la mode de la spectroscopie dans l’ultraviolet et l’infrarouge. Il y a 50 ans, les chercheurs liégeois expédiaient audessus de l’atmosphère leurs premiers instruments, de fabrication artisanale, à bord de fusées-sondes. Puis, avec le satellite européen d’astronomie TD-1 autour de la Terre, ils se lançaient dans l’odyssée européenne de l’espace. Pour tester le télescope de cet observatoire sur orbite, il leur fallut se doter d’un premier simulateur sous vide. Ce petit simulateur a une belle descendance avec des cuves de plus en plus volumineuses et performantes qui constituent le coeur du Centre spatial de Liège (CSL) au Liège Science Park du Sart-Tilman.

Dans le même temps, durant les années 1960, le Laboratoire des techniques aéro-spatiales (LT AS) prenait de l’envergure au sein de la faculté des Sciences appliquées. Il donnait naissance à la famille Samcef de logiciels de modélisation numérique, qui sont commercialisés par la société LMS Samtech implantée près du CSL. Aujourd’hui, le LT AS et l’Institut Montefiore ont entrepris avec les étudiants le programme Oufti de réalisation de Cubesats de plusieurs kilogrammes. Ces nano-satellites peuvent remplir des missions low cost en science et technologie avec des équipements micro-miniaturisés. De son côté, le département astrophysique, géophysique, océanographie élargissait ses horizons sur l’environnement céleste et terrestre : étude de notre étoile, connaissance du phénomène des aurores, modélisation du climat, thermodynamique de l’environnement, découverte de mirages gravitationnels, détection des exoplanètes, compréhension de l’Univers dans les hautes énergies… Tout en acquérant un savoir-faire dans le traitement de l’image, il se dotait du laboratoire optique Hololab.

Réalisé au sein de la faculté des Sciences appliquées sous la conduite d’Amandine Denis par une équipe d’étudiants de l’ULg, de l’Institut Helmo-Gramme, de la Haute Ecole de la province de Liège Isil et I npres et de l’Ecole centrale de Lyon – notez le caractère international –, le Cubesat Oufti -1 de 1 kg voit son modèle de vol prendre forme. Ce nano-satellite servira de relais spatial de communications numériques entre radio-amateurs.

Saturne

Gaëtan Kerschen a voulu privilégier le caractère étudiant de ce projet nouveau à l’Université. Il est confiant en l’aboutissement du projet liégeois. La station de télécommunications est déjà opérationnelle à l’Institut Montefiore, sous la responsabilité de Jacques Verly. Oufti -1 sera intégré en 2012 en vue de sa qualification avec des tests d’environnement spatial au CSL . Il devrait être prêt pour un lancement envisagé au début de l’année 2013. Des négociations via l’Institut Von Karman sont en cours pour qu’il soit mis en orbite, en même temps que deux autres Cubesats belges, avec le vol de démonstration d’une version améliorée du missile russe Shtil qui sera tirée d’un sous-marin nucléaire dans la mer de Barents.

De l’avant

En 2010, l’idée de fédérer les compétences de l’Université dans le domaine spatial, afin de leur donner plus de visibilité, était initiée au CSL et au sein du département AGO. A l’issue d’un “état de réflexions”, avec revue détaillée des ressources universitaires, le projet d’entité de recherche thématique Espace prenait forme sous l’impulsion d’un comité formé par Serge Habraken, Jean Surdej, Pierre Rochus et Gaëtan Kerschen. Cette entité, qui a reçu le nom de “LISRI ”, s’est donné pour premier objectif de réaliser la mission d’un nano-satellite à caractère scientifique. Cette activité, en plus d’ateliers communs et d’échanges d’informations, vise à faire collaborer un maximum d’acteurs du spatial liégeois : CSL, AGO, LT AS, Eléments de machine, Tribologie (EMT ), l’Institut Montefiore (télécommunications) et l’unité de géomatique (télédétection).

Comme nous l’ont décrit l’ensemble des protagonistes, le nano-satellite est un Cubesat de 5 kg destiné à développer une technologie inédite dans le cadre de la quête mondiale relative à la découverte des planètes extra-solaires. Une démarche d’“Action recherche concertée” (ARC) est en cours. Il s’agit de faire voler un détecteur ultraviolet qui observera, depuis l’orbite terrestre, l’évolution du tore d’Io, un anneau d’atomes de sodium autour de la plus grosse planète du système solaire. Mis en évidence par les sondes spatiales de la Nasa, ce phénomène fournit des données concernant les variations du champ magnétique entre Jupiter et Io, sa lune volcanique.

Cette mission d’un premier Cubesat du LISRI – s’il est décidé cette année, il pourrait être lancé dès 2016 – permettra de faire progresser la technologie spatiale avec les industriels liégeois (Amos, Spacebel, Deltatec) pour étudier l’environnement magnétique d’exoplanètes grâce à un puissant observatoire dans l’espace. Mais les propositions pour d’autres expériences ne manquent pas. Comme de nouveaux instruments pour télescopes au sol ou pour la surveillance du climat… La créativité est au rendez-vous. L’astrophysicien Jean Surdej est conscient du potentiel du LISRI : « Le savoir-faire est là, mais il est dilué. A nous, dans l’entité de recherche thématique, de le faire interagir par le dialogue et la concertation pour faire naître des initiatives innovantes.»

Un, deux, trois, Soleil !

Le CSL est mondialement reconnu et couramment sollicité pour observer les étoiles, notamment le Soleil. La Nasa prépare – pour un lancement en 2018 – la sonde d’exploration Solar Probe Plus qui doit s’approcher à 6 millions de km de notre astre solaire. Pour rappel : la Terre évolue à quelque 150 millions de km du Soleil. L’explorateur américain devra supporter, grâce à un bouclier thermique, une température de l’ordre de 2000 degrés : la quantité du rayonnement solaire qu’il recevra sera 600 fois plus élevée que dans l’environnement terrestre ! Parmi les expérimentateurs à bord de Solar Probe Plus, Pierre Rochus, directeur scientifique du CSL participe à la mise en oeuvre de l’instrument “Wide Field Imager for Solar Probe plus” de l’US Naval Research Laboratory. Cet équipement servira à prendre des vues à très grand champ, d’une grande résolution, de la couronne interne du Soleil.

Trois questions à Pierre Wolper, vice-recteur à la recherche

WolperPierreLe 15e jour du mois : Pourquoi mettre en oeuvre des entités de recherche thématique ?

Pierre Wolper : Nous voulons créer une dynamique interdisciplinaire ou transversale. L’Université est habituellement organisée suivant un découpage classique des domaines de la connaissance. Cette longue tradition a certainement contribué à forger une structure stable, mais elle ne favorise pas l’émergence de nouveaux domaines, en particulier interdisciplinaires. Avec les entités de recherche thématique, l’objectif est de promouvoir, d’amplifier, de faciliter les collaborations au sein de l’Université. A cette fin, il faut que les chercheurs issus de différents départements structurels apprennent à mieux se connaître, à partager leurs connaissances, à réaliser en commun des projets et à mettre en évidence leur savoir-faire collectif. D’où l’idée de les fédérer sur un thème de recherche sans mettre en place une structure figée et bureaucratique.

Le 15e jour : Combien d’entités de ce type devraient-elles voir le jour ?

P.W. : Leur nombre n’est pas limité. Hormis l’espace, l’énergie et les matériaux sont en préparation. D’une grande actualité, ces domaines pluridisciplinaires – qui évoluent très vite – exigent que nous restions à la pointe de la connaissance et de l’expertise. C’est la raison pour laquelle l’ULg entend encourager les synergies internes et les coopérations à l’extérieur. Les entités thématiques seront aussi un excellent outil d’intégration entre nos différents campus : Liège, le Sart-Tilman, Gembloux et Arlon.

Le 15e jour : Comment, dans la pratique, ces entités transversales vont-elles fonctionner ?

P.W. : Il faut surtout privilégier la communication entre les partenaires de chaque entité. Une aide sera fournie pour créer des sites web et élaborer des activités en commun, mais la mise en place d’une entité thématique n’implique pas que du personnel leur sera affecté. Par contre, j’envisage une aide centralisée, par exemple sous la forme d’un secrétariat commun pour l’ensemble des entités.

 

Théo Pirard
Photo : STScl (Nasa & ESA)

Voir l’article sur le site http://reflexions.ulg.ac.be/ (L’aventure spatiale liégeoise)
Pour des nouvelles sur Oufti -1 : www.leodium.ulg.ac.be

|
Egalement dans le n°269
Éric Tamigneaux vient de recevoir le prix ACFAS Denise-Barbeau
D'un slogan à l'autre
Résultats de l'enquête auprès de "primo-arrivants" en faculté des Sciences
21 questions que se posent les Belges
Le nouveau programme fait la part belle à l’histoire de la cité
Panorama des jobs d'étudiants