Novembre 2012 /218

Endométriose : une affection gynécologique liée à l’environnement ?

L’endométriose est une affection féminine assez mystérieuse et souvent non-diagnostiquée. Elle touche 10 à 15% des jeunes femmes, chez qui elle provoque soit des douleurs, soit des problèmes d’infertilité, soit encore les deux. Pour faire simple : il s’agit d’îlots de muqueuse de l’utérus (endomètre) qui vont s’implanter ailleurs dans l’organisme, le plus souvent dans le petit bassin, sur les ovaires ou le rectum, ou plus rarement à distance. Une caractéristique qui n’est pas sans évoquer le mécanisme des métastases cancéreuses, l’agressivité en moins : « C’est une pathologie qui a les mêmes caractéristiques qu’une tumeur cancéreuse, si ce n’est qu’on n’en meurt pas », confirme Michelle Nisolle, chargée de cours, chef du service universitaire de gynécologie-obstétrique à l’hôpital de la Citadelle. L’endométriose est son sujet de prédilection et elle s’est taillée dans le domaine une réputation d’envergure internationale.

Incidence de la génétique

L’origine la plus probable de cette affection est un reflux de sang et de cellules d’endomètre vers la cavité abdominale à chaque menstruation. Mais cette théorie ne suffit pas à expliquer toutes les particularités de l’affection. On sait en effet que de tels reflux de sang menstruel se produisent chez 90% des femmes ; pourquoi dès lors ne font-elles pas toutes de l’endométriose ? « Notre théorie est que l’endomètre des femmes prédisposées à l’endométriose est différent et que les cellules qui refluent, au lieu de mourir et d’être résorbées comme c’est le cas chez la majorité des femmes, vont se répandre, proliférer, adhérer ailleurs et donc se transformer en îlots d’endométriose », répond Michelle Nisolle.

On sait déjà que la génétique intervient dans la prédisposition à l’endométriose : les filles de mères qui ont souffert de cette affection ont sept fois plus de risques d’en souffrir à leur tour. Des mutations bien précises ont d’ailleurs été découvertes tout récemment. Mais ce terrain génétique n’est pas suffisamment déterminant ; l’épigénétique vient sans doute y ajouter son grain de sel. En d’autres mots, ce serait l’expression des gènes qui serait perturbée, plutôt qu’un défaut au niveau des gènes eux-mêmes.

Michelle Nisolle a l’ambition de développer plusieurs projets sur ce thème : « L’idée globale est de mettre en évidence l’influence environnementale s’exerçant sur la santé de la femme. Il existe un précédent bien connu : celui de femmes qui ont été exposées in utero au diéthylstilbestrol (DES). On sait depuis longtemps que ces femmes développent des cancers du col et du vagin, de l’infertilité et des modifications anatomiques de l’utérus. Cela permet de suspecter une influence des contaminants environnementaux sur la sphère gynécologique, et c’est ce que nous voulons à présent investiguer. »

Etre à la tête d’un service universitaire de gynécologie, où consultent des femmes d’horizons très variés, est évidement une position stratégique pour lancer une telle recherche. Grâce à un soutien du Fond d’investissement de recherche scientifique, des prélèvements sanguins et des biopsies réalisés chez les patientes seront envoyés pour analyse dans le service de toxicologie du Pr Corinne Charlier (département de pharmacie), qui a mis au point des méthodes pour détecter rapidement un assez grand nombre de toxiques environnementaux connus, et dans le laboratoire des Prs Jean-Michel Foidart et Agnès Noël au Gigacancer, pour détecter l’expression des micro-ARN (qui modulent l’expression des gènes). La même démarche sera suivie avec des échantillons de sperme prélevés lors de consultations d’infertilité masculine, projet soutenu par Sophie Perrier d’Hauterive, chargée de cours au département des sciences biomédicales et précliniques. On sait en effet que le sperme enregistre aujourd’hui une perte de qualité particulièrement préoccupante.

Rôle de la pollution

Le lien avec les contaminants environnementaux sera également investigué via un questionnaire portant sur le milieu d’origine, l’ethnie (les femmes qui ont vécu dans des pays où certains pesticides interdits chez nous étaient répandus ont plus fréquemment de l’endométriose), l’âge des premières règles, le nombre de grossesses, l’alimentation (et notamment la consommation de poisson ou de poulet – à cause de la teneur en PCB)… « On entend souvent dire que la Belgique est un pays très pollué, avec un haut taux de dioxine et de femmes atteintes d’endométriose, mais en réalité, je pense que la situation n’est pas plus grave qu’ailleurs. Tout simplement, chez nous, on s’en inquiète et on effectue les examens indispensables pour essayer de poser un diagnostic précoce », conclut Michelle Nisolle. C’est sans doute plus rassurant.

Karin Rondia
article complet sur le site www.reflexions.ulg.ac.be (rubrique Vivant/médecine)

Une spin-off en gestation

Une autre stratégie est d’identifier des biomarqueurs qui permettraient de poser un diagnostic d’endométriose à partir de biopsies d’endomètre, ou même à partir du sang menstruel, puisque celui-ci contient des cellules d’endomètre desquamées. Ce volet de la recherche se fait avec le service d’anatomo-pathologie du Pr Philippe Delvenne. Il s’agit ici de comparer l’endomètre des patientes qui ont de l’endométriose à celui de femmes qui n’en ont pas et de voir s’il y a des différences au niveau de l’expression des gènes. Un travail de longue haleine donc, mais qui commence à porter ses fruits. Plusieurs gènes ont déjà été identifiés, mais le secret reste de mise : une spin-off est en gestation pour exploiter les brevets qui seront déposés sous peu.

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