Novembre 2012 /218

Une nouvelle approche de la préhistoire

Dans son dernier ouvrage*, Marcel Otte nous livre un autre récit de la Préhistoire. Bien sûr, les os et les outils gardent toute leur importance. Mais ce sont davantage les symboles, les oeuvres d’art et autres traces indirectes des capacités intellectuelles des hommes préhistoriques qu’interroge le préhistorien de l’université de Liège. Avec, en filigrane, une question : quel est ce souffle qui animait nos ancêtres ? Qu’est-ce qui les a motivés pour entamer le chemin qui a abouti à l’humanité d’aujourd’hui ?

AubeSpirituelleHumanitePour Marcel Otte, lorsque l’homme est sorti de la forêt tropicale pour gagner la savane et s’est dressé sur ses deux jambes voici trois millions d’années, ce n’est pas sur un coup de tête. Au contraire, il avait mûrement réfléchi son acte. Sortir des forêts, manger de la viande, se solidariser, cela ne s’est pas fait par hasard ; il a fallu penser de tels actes et comportements. Donc, si nous voulons retracer les origines de l’humanité, il ne faut pas se contenter d’étudier l’évolution du corps humain ni accumuler les observations archéologiques. Tout cela n’est que le reflet d’un mécanisme plus profond qui est, lui, d’ordre spirituel. « En d’autres termes, souligne Marcel Otte, la seule fonction qui nous “détermine” est en nous-mêmes. La quête perpétuelle, suscitée par le rêve, le désir, la pensée, est à la base de notre destin. »

Si le moteur de notre humanité est ce qu’on pourrait appeler simplement une “crise existentielle”, une insatisfaction permanente de la place que nous occupons dans la nature, c’est l’audace qui nous a permis de dépasser ce mal-être. Certains se résignent, d’autres transgressent, transcendent cette insatisfaction. Et si cette audace spirituelle vient à manquer, n’est-ce pas le glas qui sonne ? Pour Marcel Otte, c’est sans aucun doute ce qui s’est produit pour les Néandertaliens. Ceux-ci ont occupé l’Europe entre 100 000 et 40 000 ans environ. Puis ont dû laisser la place à l’homme moderne, nos ancêtres directs venus de l’Est. Or il semble bien qu’il n’y ait pas eu de génocide physique, pas de tueries. Mais un “simple” renoncement spirituel de la part de Néandertal, déstabilisé dans sa conception du monde, de la place que l’homme doit occuper dans la nature. Et Marcel Otte de terminer son ample fresque historique par une interrogation sur notre futur. Si nous perdons cet élan spirituel qui a fait sortir nos ancêtres des forêts tropicales, n’est-ce pas la fin programmée de l’aventure humaine ? « De l’outil au mythe, toute l’aventure humaine est contenue dans ce combat, mené essentiellement par l’esprit en perpétuelle insatisfaction. » Que cet idéal collectivement partagé vienne à manquer et l’humanité ira vers sa chute puisqu’elle aura perdu le sens de sa nature. Bien plus sûrement qu’à cause d’une explosion nucléaire ou les assauts d’un virus.

Henri Dupuis
Article complet sur le site www.reflexions.ulg.ac.be (rubrique Société /histoire)

* Marcel Otte, A l’aube spirituelle de l’humanité. Une nouvelle approche de la préhistoire, Odile Jacob, Paris, 2012.

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