Novembre 2012 /218

Une première étude sur les dirigeants d’entreprise

« L’inaudible souffrance patronale », c’est ce qu’écrivait le journal Le Monde à la suite d’une enquête sur la santé au travail des patrons français. Et en Belgique ? Il n’existait aucune étude de grande ampleur sur le sujet. Comme en France, cette catégorie de travailleurs était hors des radars de surveillance de la santé publique. “Était”, car c’est bien cette lacune que comble l’enquête menée par les Prs Philippe Mairiaux (Ecole de santé publique) et Isabelle Hansez (valorisation des ressources humaines) sur la santé et le stress des indépendants en Belgique francophone. Initiée grâce à un financement du fonds Smil, cette étude – première du genre – a bénéficié de la collaboration des organisations professionnelles, de l’Union des classes moyennes de Liège et du Luxembourg ainsi que des Chambres de la construction des deux mêmes provinces.

Des candidats de choix au burnout

Plus de 1100 personnes ont participé à l’enquête (anonyme), ce qui en fait une des plus larges au niveau belge ciblant les indépendants et patrons de PME. On devrait plutôt dire d’ailleurs patrons de TPE, de “très petites entreprises”, car ils représentent près de 85% des répondants. « Les résultats de l’enquête dressent un tableau relativement inquiétant de la santé des dirigeants de PME, notent les auteurs. En effet, ces dirigeants se perçoivent dans un état de santé sensiblement plus défavorable que celui d’un échantillon représentatif de la population des travailleurs belges, et ils présentent une prévalence élevée de problèmes de santé ressentis au cours de l’année écoulée. »

Qu’il s’agisse de fatigue générale, de douleurs musculaires, de maux de dos, de troubles du sommeil ou de maux de tête – les cinq problèmes de santé les plus couramment éprouvés durant l’année écoulée –, les dirigeants sont systématiquement et proportionnellement plus nombreux que le reste de la population à s’en plaindre. Et que dire des problèmes de dépression ou d’anxiété, qui ont touché plus du tiers d’entre eux pour “seulement” 9% des salariés belges… Au regard de ces constats, on ne sera pas étonné que près de 7% des dirigeants s’estiment en mauvaise voire en très mauvaise santé, contre 1,7% à peine pour le reste de la population.

Le stress ronge aussi les dirigeants. Le mauvais stress, celui qui risque de les conduire à l’épuisement professionnel ou, pire, au burnout. Un dirigeant sur cinq présente des signes précurseurs de burnout et les données montrent chez eux un score d’épuisement professionnel en moyenne supérieur à celui des cadres d’entreprise. Pourtant, la situation pourrait être bien plus grave : en effet, l’enquête met en évidence des facteurs motivationnels (la passion du travail, le statut de chef d’entreprise, son autonomie, etc.) qui semblent agir comme des boucliers protecteurs leur permettant de frôler le burnout sans y tomber. Pour une partie d’entre eux, du moins.

Mais les causes principales de stress sont bien là et bien identifiées par l’enquête auprès de ces indépendants et “petits patrons”, chaque jour au four et au moulin et directement responsables de la poignée d’employés les entourant : charge de travail, charges administratives, problèmes de trésorerie et d’impayés, gestion du personnel. Un autre grand mérite de l’enquête est de s’intéresser aux variables qui influencent négativement la santé des indépendants. Trois facteurs de risque sont particulièrement à surveiller : l’insuffisance du nombre d’heures de sommeil (moins de 6 heures pour près de 22% des répondants), l’absence d’une activité physique régulière (mais globalement, les patrons font plus de sports que le reste de la population !) et le nombre d’heures travaillées par semaine (plus de 60 heures pour 37,3%).

Et que fait-on maintenant ?

Le constat étant posé, les auteurs soulignent la nécessité d’entreprendre maintenant des actions d’information et de promotion de la santé dans le milieu entrepreneurial. En particulier, ils recommandent aux organisations professionnelles de mener « à la fois une démarche de réflexion avec les entrepreneurs quant aux moyens à mettre en oeuvre pour soutenir leur motivation d’entreprendre et une démarche d’information sur les signes précurseurs de l’épuisement professionnel et d’autres troubles de santé. »

Didier Moreau

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