Avril 2013 /223

Les expériences de mort imminente peut-être élucidées

Les expériences de mort imminente sont-elles des “souvenirs éclair” d’hallucinations ? Peut-être. Dans des travaux publiés récemment par la revue PLoS One*, des chercheurs de l’ULg montrent que les souvenirs des personnes ayant connu une “expérience de mort imminente” (NDE, Near-Death Experience) ont des caractéristiques phénoménologiques qui pourraient le laisser supposer.

Eprouver le sentiment de quitter son corps, percevoir une lumière éclatante au fond d’un tunnel, se sentir en communion avec l’Univers, voir son passé défiler devant soi... Environ 10% des personnes ayant survécu à un arrêt cardiaque témoignent de cette NDE. Désireux de combattre les interprétations “magiques” de ces phénomènes, le Coma Science Group a initié, en collaboration avec l’unité de psychologie cognitive de l’ULg, des recherches afin d’en explorer les versants neuroanatomique et psychologique. Les chercheurs liégeois ambitionnent de mettre en relation les caractéristiques des expériences de mort imminente rapportées par les patients avec d’éventuelles lésions résiduelles dans les régions cérébrales susceptibles d’être responsables du vécu peu commun dont ils font état.

On sait par exemple qu’une stimulation de la région temporopariétale droite du cerveau peut provoquer un vécu d’Out-of-Body Experiences, c’est-à-dire une expérience de décorporation. En cas d’arrêt cardiaque ou de traumatisme crânien, tout le cerveau souffre, mais particulièrement certaines régions plus vulnérables au manque d’oxygène. « Ce sont elles dont nous suspectons l’implication dans les phénomènes de NDE », précise Steven Laureys

L’exploration des souvenirs

Avant d’utiliser la neuroimagerie pour asseoir cette hypothèse, le Coma Science Group et l’unité de psychologie cognitive de l’ULg ont uni leurs efforts dans le but d’identifier les caractéristiques des souvenirs relatés par les personnes ayant vécu cette expérience. Leurs récits font-ils appel à de pures créations imaginaires ou, au contraire, à des souvenirs revêtant les attributs de souvenirs d’événements réels ?

Sur quels éléments, autres que la plausibilité, les psychologues se basent-ils pour opérer le tri entre souvenirs réels et souvenirs imaginés ? « Généralement, les premiers sont plus riches en détails sensoriels (visuels, auditifs, etc.), autoréférentiels (ce qui a trait au sujet lui-même) et émotionnels », explique Hedwige Dehon, docteur en sciences psychologiques et assistante au sein de l’unité de psychologie cognitive de l’ULg. L’étude liégeoise regroupait 39 volontaires selon la clé de répartition suivante : huit personnes ayant vécu une NDE, six ayant des souvenirs d’un coma sans NDE, sept ayant eu un coma mais n’en conservant aucun souvenir, 18 sujets contrôles.

Les chercheurs demandèrent aux participants de se remémorer des souvenirs de NDE ou de coma, s’ils avaient vécu de tels épisodes ainsi que des souvenirs réels et des souvenirs imaginés, anciens et récents dont le poids émotionnel était élevé. Un souvenir imaginé est celui qui consiste, par exemple, à se rappeler la représentation mentale que l’on s’était forgée d’une fête d’anniversaire à venir. Le but poursuivi n’était pas d’analyser le contenu des souvenirs relatés par les participants, mais d’en évaluer les caractéristiques phénoménologiques au moyen d’un questionnaire. Il apparut que les souvenirs de NDE avaient clairement la force de souvenirs réels, et même davantage. « On pourrait presque parler d’hyperréalité », dit Vanessa Charland-Verville, aspirante FNRS.

L’hypothèse des chercheurs est que les mécanismes neurophysiologiques à l’oeuvre dans certaines régions cérébrales lésées pourraient “créer” une perception qui serait traitée par le sujet comme venant de l’extérieur, de la réalité autrement dit. En un sens, le cerveau de l’individu lui mentirait, comme dans une hallucination.

Souvenirs éclair ?

Définis en 1977 par Roger Brown et James Kulik, les “souvenirs éclair” ont trait aux circonstances dans lesquelles on a pris connaissance d’un événement public important, tels les attentats du 11 septembre. Bien que pouvant évoluer dans le temps, ces souvenirs font l’objet d’un encodage plus détaillé et plus durable que les autres.

« Si l’on considère la nature particulièrement surprenante des représentations qui s’imposent au sujet lors d’une NDE et l’importance qu’elles doivent revêtir pour lui sur les plans émotionnel et personnel, il semble légitime d’établir un pont entre les souvenirs de NDE et les souvenirs éclair », souligne Marie Thonnard, premier auteur de l’article publié dans PLoS One. In fine, l’hypothèse serait alors que les souvenirs de NDE pourraient être des souvenirs éclair** d’une hallucination.

Philippe Lambert

voir l’article complet sur le site ww.reflexions.ulg.ac.be (rubrique Vivant/médecine)

voir aussi la vidéo sur  sur le site www.ulg.ac.be/webtv/NDE2013

* Marie Thonnard et Vanessa Charland-Verville, Serge Brédart, Hedwige Dehon, Didier Ledoux, Steven Laureys, Audrey Vanhaudenhuyse, Charcacteristics of Near-Death Experiences Memories as Compared to Real and Imagined Events Memories, PLoS One.

** Hormis le fait que la définition stricte des souvenirs éclair se réfère à un événement public.

Le Coma Science Group et l’unité de psychologie cognitive de l’ULg cherchent à recueillir le témoignage de personnes ayant vécu une NDE, même ancienne.

Contacts : Vanessa Charland-Verville, courriel vanessa.charland-verville@ulg.ac.be

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