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La foi trinitaire, ciment de l'Empire carolingien
13/09/2012

Si l'adoption d'une monnaie unique par 11 pays le 1er janvier 1999 devait contribuer à renforcer la construction européenne, après d'autres mesures de caractère économique, l’expansion de la doctrine et de la culture chrétienne participèrent de toute évidence à la stratégie d’unification du royaume puis de l’empire franc sous les Carolingiens. A l'instar des remous actuels dans la zone euro, l'uniformisation de la foi chrétienne aux VIIIe-IXe siècles, autour de l'adhésion à la doctrine de la Trinité, ne se fit pas sans mal. Elle a cependant bénéficié de la lutte que Charlemagne a menée avec détermination pour la défense de l'Eglise d'Occident.   

COVER-Uniformiser-la-foiOn a de la peine à imaginer aujourd'hui à quel point ont été intenses les débats théologiques menés à la cour franque, successivement sous Pépin le Bref (roi de 751 à 768) et sous son fils Charlemagne (roi de 768 à 800, puis empereur jusqu'à sa mort en 814). Cette effervescence de la pensée théologique, où la politique avait évidemment sa part, tournait essentiellement autour de la question de la Trinité, à une époque où ce dogme était loin de s'être installé au sein du peuple chrétien. C'est à suivre pas à pas les tiraillements provoqués par cette doctrine trinitaire, tout en examinant leurs conséquences sur l'unité en gestation du royaume puis de l'Empire, que Florence Close, assistante au service d’Histoire du Moyen Age de l’Université de Liège, s'est employée avec rigueur dans son livre (1).

Par bonheur, dans ses Prolégomènes, elle établit quelques jalons destinés à  contextualiser par un retour dans le passé l'objet de son décryptage. D'abord, rappelle-t-elle, il convient de se souvenir que « les sociétés antiques ne distinguaient pas le pouvoir politique du pouvoir religieux »,  car  « l'empereur était non seulement un général d'armée ou un magistrat mais aussi un personnage sacré, un pontife. » Malgré la chute de l'Empire romain d'Occident en 476, celui d'Orient subsistant à l'est du vaste ensemble constitué au fil des siècles, l’évêque de Rome poursuivit, à distance, sa collaboration avec l’autorité impériale sise à Constantinople, luttant pour s’imposer, au nom de la primauté du partiarchat de Rome sur ceux de Constantinople, Jérusalemen, Antioche et Alexandrie, comme le gardien de l’orthodoxie dans les querelles théologiques, face aux prises de positions impériales souvent qualifiées d’hérétiques. Mettant fin à la dynastie des Mérovingiens à la suite d'un coup d'Etat perpétré en 751, Pépin le Bref trouve  dans l'onction reçue des mains du pape Etienne II (752-757) qu'il protégea des Lombards, la nécessaire légitimation de son pouvoir royal contesté : événement capital, datant de 754, qui scella l'alliance franco-pontificale. De ce jour, le roi franc entretient des relations personnelles avec l’évêque de Rome ; cette entente cordiale se poursuivra sous leurs successeurs respectifs. L’alliance franco-pontificale trouve son plein accomplissement lorsqu’à la Noël de l'an 800, le pape Léon III, couronna Charlemagne empereur à Rome. L'Empire d'Occident – comprenant la Gaule, l'Italie et la Germanie, mais non l'Espagne – est ainsi recréé sous l'impulsion de l’évêque de Rome, ce qui n'eut pas l'heur de plaire au basileus.

(1) Uniformiser la foi pour unifier l'Europe. La pensée politico-théologique de Charlemagne (Volume LIX, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2012)

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