La santé mentale comme équilibre à construire
De la prévention à la promotionSi la co-évaluation a permis la construction d’une alliance transfrontalière, elle a aussi et surtout favorisé l’émergence d’une culture commune, où la prévention en matière de santé s’articule de manière étroite à la promotion de la santé, plus complexe à instaurer mais aussi plus ambitieuse. « Pour comprendre la notion de promotion de la santé , il faut remonter à la charte d’Ottawa de 1986(1), commente Gaëtan Absil. L’idée est de s’emparer de la santé non pas comme de quelque chose qui est sans cesse menacé par la maladie, mais comme d’une ressource positive qui sert à se développer en tant que communauté, en tant qu’individu. Elle permet aux individus et aux communautés de s’impliquer dans les enjeux sociétaux de la santé. De ce fait, la santé constitue un fort enjeu politique. La promotion de la santé participe à la lutte contre la stigmatisation et la réduction des inégalités sociales. En fin de compte, c’est une vision de la santé beaucoup plus « socialisée » qui est prônée, dans une optique dite socio-écologique. Ce mouvement viendrait en quelque sorte contrebalancer la tendance à la psychiatrisation des problématiques sociales, pointées du doigt par les acteurs du projet qui rappellent notamment l’usage souvent abusif du DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) comme « grille de lecture du social ». L’usager comme vecteur de déstigmatisationPourtant, la promotion de la santé mentale est seule capable d’enrayer véritablement la stigmatisation dont il est démontré qu’elle constitue une cause essentielle de discrimination, de perte d’estime de soi et de souffrance... au même titre ou davantage que la maladie elle-même. Cette lutte emprunte aujourd’hui la voie de l’implication des usagers, qui s’invitent désormais dans le débat public. L’actuelle réforme belge de la psychiatrie, dite réforme "psy 107", en est un bon exemple puisque, malgré les critiques d’hospitalo-centrisme qu’on peut lui adresser, elle a dès le départ convié les associations d’usagers autour de la table. Dans cette même optique, l’ouvrage dirigé par Laurence Fond-Harmant est accompagné d’un DVD qui donne la parole à ces usagers, non pas simplement en les faisant « témoigner » mais en recueillant leurs avis sur les enjeux mêmes de la promotion et de la prévention. « La déstigmatisation est en lien avec la capacité de ces personnes à être acteurs et citoyens : tant qu’ils sont considérés comme des « malades », leur avis est systématiquement ramené à un avis de patient. Dans ce contexte, quelle est la valeur de leur parole ? », questionne Gaëtan Absil. Et Laurence Fond-Harmant d’ajouter : « Dès qu’une opinion est un peu gênante, on a tendance à dire qu’elle émane de quelqu’un qui n’a pas les capacités de poser un avis éclairé. » Ces tensions laissent penser que la santé mentale ne doit pas seulement être promue auprès de ce qu’on appelle confusément le « grand public » mais aussi auprès des acteurs du champ médical eux-mêmes. « Les professionnels de la santé ont été formés tout au long de leur vie aux aspects bio-médicaux. Revenir vers une santé plus collective qu’individuelle est presque un processus de désapprentissage, qui exige de se réapproprier un autre cadre de travail. » Cet empowerment des professionnels pourrait, in fine, déplacer l’enjeu de la perte de pouvoir vers une horizontalité du lien dont l’efficience en termes de « vie bonne » est aujourd’hui à soupçonner. ![]() (1) Organisation Mondiale de la Santé, Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé, 1986. Page : précédente 1 2
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